10 avril 1951
Le président de la République française traverse l'Atlantique
et remet la Légion d'Honneur à 6000 mètres à bord du F-BAZJ

Vincent Auriol remet la légion d'honneur

Musée Air France


Le président Vincent Auriol (au centre) remet la Rosette de la Légion d'Honneur à Georges Libert

Madame Auriol

Madame Auriol et le commandant

LE PRÉSIDENT de la RÉPUBLIQUE

Mon cher Commandant,
 

Il m'est agréable de vous exprimer mon entière stisfaction pour le magnifique vol transatlantique que je viens d'effectuer à votre bord.

J'ai été particulièrement sensible aux attentions et à l'accueil de votre équipage dont les remarquables qualités font honneur aux Officiers Navigants et au personnel complémentaire de bord de la Compagnie Nationale AIR FRANCE.

Veuillez agréer, mon cher Commandnat, avec mes remerciements, l'expression de mes sentiments affectueux.

Vincent Auriol

Monsieur Georges LIBERT
Chef Pilote
de l'Atlantique Nord



Les Ailes 21 avril 1951 - Clic pour grande taille

Journal « Les Ailes »
21 avril 1951

EN ÉVOQUANT LE VOYAGE AÉRIEN
DE M. VINCENT AURIOL

AVEC CEUX DU F-BAZJ...

Une spendide équipe ayant consacré son idéal à la cause de l'Aviation et qui totalise plus de 70.000 heures de vol

L'autre mardi à Orly, après la réception du Président de la République et peu après son départ, « Les Ailes » ont été heureuses de s'entretenir avec l'équipage du F-BAZJ, qui venait de ramener du Canada M. Vincent Auriol, et de lui offrir leurs félicitations. C'est le Lieutenant-Colonel Cressaty, grand organisateur du voyage, qui avait lui-même participé à celui-ci, à l'aller et au retour, qui fit les présentations et nous permit de recueillir les impressions des uns et des autres.

Tous étaient enchantés, heureux, du voyage, non pas pour eux-mêmes, mais pour ce qu'il représentait, ce qu'il valait à l'Aviation : en quelque sorte, la consécration de l'avion de ligne en tant que moyen de transport officiel, offrant une sécurité identique à celle du bateau ou du chemin de fer.


Quel équipage magnifique ! À commencer par le Commandant de bord Georges Libert qui, gentiment, nous rappela qu'il lisait « Les Ailes », depuis l'âge de treize ans et qu'il en était toujours un abonné fidèle et... à continuer par tous ceux qui l'accompagnèrent dans ce voyage désormais historique.

Georges Libert était parti à Montréal avec le ruban rouge. Il en revint avec la rosette. Fait sans précédent, il reçut cette rosette, à quelque 6.000 mètres d'altitude, des mains mêmes de M. Vincent Auriol, dans la cabine du « Constellation ». Récompense justifiée, répétons-le, d'une carrière brillante au service de l'Aviation.

Georges Libert, originaire d'une famille campagnarde d'Andelot, dans la Haute-Marne, a dû à une bourse de pilotage d'être, à 20 ans, breveté pilote de l'Armée de l'Air. C'était en 1929. Il servit sous les ordres du Général Weiss de 1932 à 1935, participa à l'exploration aérienne du Sahara, puis à la fameuse « Croisière Noire ». Il en fut le plus jeune pilote.

En 1935, Didier Daurat le prit avec lui à Air-Bleu, qu'il venait de fonder. Il fut ainsi l'un des artisans de la création du réseau postal aérien métropolitain.

L'année suivante, il profita d'un congé pour entreprendre un raid Paris-Tokio, au cours duquel il établit le record de vitesse sur le parcours France-Indochine.

Au début des hostilités, en 1939, Georges Libert fut affecté comme pilote d'essais à Chateauroux. Il participa à la destruction de plusieurs avions ennemis qui venaient attaquer les usines Bloch de Déols. Après l'armistice, il gagna l'Angleterre où il suivit l'entraînement des pilotes de la Royal Air Force. Il réalisa ensuite plusieurs missions spéciales, en France occupée notamment, où il vint chercher plusieurs personnalités politiques importantes.

En 1945, il entra à Air-France, la compagnie Air-Bleu ayant été absorbée par la compagnie nationale, d'abord comme instructeur au Centre de Perfectionnement du Personnel Navigant, puis comme pilote de ligne sur les longs-courriers du réseau français.

Depuis le 15 janvier 1948, Georges Libert est, à Air-France, chef du Personnel Navigant de la Base d'Orly, fonctions qu'il exerce conjointement avec celles de Commandant de bord sur la ligne France-Amérique du Nord.

Il totalise 10.000 heures de vol. Il a traversé 186 fois l'Atlantique.

À côté de sa rosette toute neuve viennent s'inscrire la Médaille Militaire, la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance. Il demeure, sans contestation possible, l'un des plus beaux fleurons du Personnel Navigant d'Air-France.

Le Commandant Libert a eu pour second, dans cette traversée mémorable, un pilote de la Vieille école qui, quoique jeune encore, à déjà donné vingt-cinq ans de sa vie à l'Aviation : André Campion.

Autre figure sympathique de l'équipage du F-BAZJ, André Campion a traversé 142 fois l'Atlantique et totalise le nombre respectable de 11.960 heures de vol. La croix de Chevalier de la Légion d'Honneur a consacré les services qu'il a rendus à la cause aéronautique. Et comme une tradition doit, pour être durable, se transmettre de père en fils, André Campion a son garçon de vingt ans qui s'entraîne actuellement aux États-Unis sur avion à réaction. Bon sang ne peut mentir.

Charles Fouquet, radio navigant, est né le 11 janvier 1913. Il a passé quinze années de sa vie au service de l'Aviation, a traversé 228 fois l'Atlantique, ce qui, tout de même, commence à compter, et il a à son actif 7.315 heures de vol.

Son adjoint, Albert Saladain, chevalier de la Légion d'Honneur, est, sauf erreur, le doyen de l'équipage ; il vient aussi en tête de ses camarades pour le nombre d'heures de vol : 13.320. Il a traversé 134 fois l'Océan, et peut se prévaloir de vingt-deux ans de services aéronautiques.

Quant au chef-navigateur du « Constellation », ce fut Paul Comet... C'est assurément le plus connu, le plus fameux des navigateurs d'Air-France et son nom, seul, rend superflu toute présentation. Il fut le compagnon de Mermoz et sa carrière est magnifique. N'est-il pas d'ailleurs le recordman des traversées de l'Atlantique ! Avant le double voyage du F-BAZJ, il en totalisait 277... Il semble que Paul Comet, quand on évoque sa longue carrière de navigant, doit être déjà un monsieur d'âge respectable. Mais non, il n'a que 47 ans. Il compte quelque 6.250 heures de vol dont, évidemment, une bonne partie sur l'Océan :: Il est Officier de la Légion d'Honneur, titulaire de la Croix de Guerre et de la Médaille de l'Aéronautique.

Le chef-mécanicien, à qui incombe la lourde tâche de veiller sur la « santé » du « Constellation », est Marceau Sabarots, qui, né le 6 octobre 1908, totalise 9.100 heures de vol, sert depuis vingt-trois ans l'Aviation et a traversé 80 fois l'Atlantique. Tout comme Paul Comet, sa poitrine laisse aisément deviner quelle fut sa conduite : Officier de la Légion d'Honneur, décoré de la Croix de Guerre, de la Médaille de l'Aéronautique et de la Médaille de la Résistance, Marceau Sabarots a bien servi sa Patrie.

Il fut secondé dans sa tâche, à bord, par Sylvain Donadieu, âgé de trente-sept ans. Instructeur mécanicien navigant à Air-France, son palmarès aéronautique s'exprime par 5.950 heures de vol, 158 traversées, de l'Atlantique Nord, dix-huit ans de services.

Équipage du F-BAZJ

De gauche à droite : Paul Comet, Charles Fouquet, Georges Libert, Marceau Sabarots, Sylvain Donadieu, Albert Saladain, Alphonse Conrad, André Campion

Le bien-être du Président et de Mme Auriol fut, en grande partie, durant les heures qu'ils passèrent à bord, le fait de Mlle Jacqueline Léger, chef-hôtesse d'Air-France - la benjamine de l'équipage - et du steward Alphonse Conrad ; la première totalise 2.380 heures de vol, 22 traversées et quatre ans de service, et le second, 3.194 heures de vol, 52 traversées, en deux ans de service seulement.

Et voilà passés en revue les membres de cet équipage d'élite, qui totalise, rappelons-le, près de 70.000 heures de vol et quelque 1.280 traversées de l'Atlantique. Dire qu'ils ont bien servi la réputation d'Air France serait insuffisant. Mieux que cela, ils ont, en consacrant leur vie et leur savoir à la cause de l'Aviation française, donné la preuve éclatante de la haute valeur des équipages français.

A. L.