Charles Arnoult Delorme et son Passage

Au moment où s'achevait la ligne de Saint-Étienne à Lyon (1832), l'un des plus riches entrepreneurs de Paris, M. Delorme, le constructeur du passage Delorme entre la rue de Rivoli et la rue Saint-Honoré, soumissionnait la construction d'un chemin de fer de Lyon à Marseille, « qui permettrait d'alimenter avec rapidité quarante départements alors qu'une disette de céréales s'y ferait sentir, et que les ports de la Méditerranée et de la mer Noire en enverraient abondamment dans celui de Marseille ».

L'idée était prématurée.

Elle souleva dans la région lyonnaise la plus vive émotion.

Les commissionnaires-chargeurs, voituriers, chefs d'équipages, entrepreneurs de diligences, maîtres de paquebots, hôteliers, marins, maîtres de port, constructeurs de bateaux, cordiers, maréchaux, charrons établis sur les bords du Rhône et de la Saône et sur la route de Lyon à Marseille présentèrent aux Chambres législatives une pétition où on lit : « A la première annonce du gigantesque projet d'un chemin de fer parallèle à la route de Paris à Marseille, un cri d'alarme s'est fait entendre sur tout le littoral du Rhône, non pas seulement du sein des mille familles qui tirent leur subsistance de la navigation de ce fleuve, mais encore parmi les populations agricoles qui lui doivent toute leur richesse.

A ce cri répondent les peuplades rapprochées de la route par terre, couverte elle-même de voituriers, d'hôteliers, de martres de diligence, de commissionnaires chargeurs, de charrons et d'une infinité d'artisans qui ne vivent que des voyages ou par les voyages. L'agriculture elle-même à laquelle on enlèverait, pour asseoir le chemin de fer, un sol de 4.000 hectares, et qui verrait diminuer de plus de moitié la consommation locale de ses produits, s'effraie à bon droit de la double perte qui la menace. »

Un autre mémoire, publié à la même époque (1), précise les motifs de l'opposition du commerce lyonnais. Il y a, dit-il, tous les jours 40000 chevaux en activité sur la route de Marseille à Lyon, ce qui suppose 10.000 charrettes à quatre chevaux, portant chacune 3.000 kilogrammes, donnant un produit de 131.400.000 francs, qui profitent :

Le chemin de fer fera le travail des 10.000 charrettes et n'exigera que 36 millions pour le prix de ce travail. « Voilà donc cent mille personnes ruinées et bien profondément ruinées sans pouvoir se récupérer d'un autre côté, car c'est une grande absurdité que de dire : « Ces gens-là cultiveront les terres ! » Et cela dans un pays où il n'y a pas un pouce de terrain en friche, où le blé a peine à valoir, bon an, mal an, 4 francs le double décalitre.

Et à quel usage seront attribuées les sommes ainsi retirées de la région ?

Aux mines de houille, qui fourniront le charbon pour alimenter les machines locomotrices (ces mines ne sont pas sur la route), aux achats de fer (qui se font au Creusot), à servir le dividende aux actionnaires (qui résident peut-être tous à Paris). »

Enfin, dernière objection : craintes de la fabrique lyonnaise de voir les Anglais exporter les soies grèges des Cévennes, les mouliner à leur usage et donner ainsi à leurs tissus de soie la qualité de ceux de Lyon. « Exporter des soies grèges, c'est comme si on exportait le raisin de Bordeaux pour aller le cuver à Londres ! »

Devant de tels arguments, M. Delorme n'insista pas.

Douze ans plus tard, Paulin Talabot devait reprendre l'affaire et la mener à bonne fin.

Goy, G. Hommes et choses du P. L. M.. 1911

PARIS,
OU
LE LIVRE DES CENT-ET-UN
A PARIS,
CHEZ LADVOCAT, LIBRAIRE
DE S. A. R. LE DUC D'ORLÉANS.
M DCCC XXXI (1831)

Je n'aurai que peu de choses à vous dire du gracieux passage Delorme, beaucoup plus modeste et réservé que ne pourrait le faire supposer le nom qu'il porte. Autrefois, jaloux de concilier les prétentions si différentes des deux rues qu'il caresse, il présentait l'assemblage hétérogénie des goûts futiles de l'une, et des habitudes substantielles de l'autre. Ainsi, le cachemire touchait à la bure, le diamant à la chrysocole, le tulle d'Angleterre au droguet. Aujourd'hui, bien déchu de sa première splendeur, ce n'est plus qu'un bazar de jouets d'enfants et de bougies diaphanes, deux objets qui président aux deux extrémités d'une vie d'homme ; une poupée dans son berceau, un cierge au pied de son cercueil.


RUE DE COURCELLES - Delorme

Delorme, ex-avocat au parlement de Nancy, fut pourvu, à ce qu'on dit, d'un titre de marquis, sans le porter davantage que M. Thiers son titre presque inconnu de baron, et le moyen de lui en vouloir de cette abstention peu commune ! Il édifia en 1808 la galerie qui perpétue son nom dans un autre quartier et pour la construction de laquelle il utilisa les matériaux du château de Villegénis, qu'il jetait bas pour le refaire à neuf et puis le vendre au prince Jérôme. L'ancienne salle-de-spectacle de la rue de la Victoire fut achetée en 1816 par le même spéculateur, puis démolie et remplacée par un immeuble de grande importance, où depuis lors s'exploitent des bains. Il avait affiché ses opinions politiques en choisissant son jour, le 21 mai 1815, pour offrir à la Patrie, une rente de 6,000 francs, avec le sacrifice de sa personne, et d'autres libéralités prouvaient que ce galant homme était aussi un homme galant. Il résida dans le plus grand hôtel de la rue de Courcelles, avec le marquis de Tamisier, dont il était le beau-père, et il y eut pour successeur le général Herrera, ex-président de la République du Pérou. La reine-mère d'Espagne, Marie-Christine, en a fait son palais sous Louis-Philippe, puis S. A. I. -la princesse Mathilde. L'immeuble avait coûté un million à Delorme, et la reine l'avait obtenu à moitié prix : l'empereur actuel l'eut pour 800,000 fr. et il en dota sa cousine, qui habitait d'abord le n° 12 de la rue.

XIIe arrondissement de Paris (Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875) - Notice écrite en 1859, c'est pourquoi il est mentionné XIIe arrondissement, puisque l'annexion des communes jusqu'aux fortifications n'eut lieu qu'en 1860, cette partie du XIIe arrondissement devint alors le XVIIe.

Sources : gallica.bnf.fr - Bibliothèque Historique de la Ville de Paris


MÀJ : 18 mars 2024

Suivi des modificationsInformation
Historique des modifications du site

Les dix dernières modifications

Vilgénis  Promotion 1957-1960 - Photo repas du 12 mars 2024
Vilgénis  Promotion 1971-1974 - Photos « Fifty two years later »
Vilgénis  Mise à jour logo et description AFMAÉ
Vilgénis  Promotion 1963-1966 - Photo 60e anniversaire
Bibliothèque  Mise à jour liens documents Musée Air France chez BNF Gallica
Vilgénis  Photo promotion 1981-1984
Bibliothèque  Mise à jour liens documents Musée Air France chez Gallica BNF
Vilgénis  Photos promotion 1981-1984 - Merci Éric Blasi
Vilgénis  Promotion 1963-1966 - Photos 59e anniversaire
Vilgénis  Promotion 1972-1975 - 50e anniversaire à Vilgénis


Cliquez pour les voir toutes avec les liens

À propos de ce site

Livre d'orInformation
Visualisation des messages laissés dans mon livre d'or. À l'aide d'un formulaire, vous pourrez, si vous le désirez, écrire un message.

Effectuée par freefind.com

Fichiers WampserverInformation
Dépôt secondaire Wampserver
Tous les fichiers d'installation de Wampserver
Tous les « addons »
- Apache - PHP - MySQL - MariaDB
- PhpMyAdmin
- Adminer
- PhpSysInfo
etc.

MétauxInformation
Métaux et alliages aéronautiques
L'acier et ses alliages,
l'aluminium et ses alliages (Alpax, Duralumin, Duralinox, Zicral,...),
le magnésium et ses alliages,
le titane et ses alliages.
Propriétés physiques et chimiques.
Traitements thermiques et chimiques. Etc.

Documents - FichiersInformation
Lecture de documents ou
Téléchargement de fichiers (pdf), regroupant les différents thèmes de ce site.

FAQ de fraInformation
La FAQ (Foire Aux Questions) du groupe de discussions fr.rec.aviation

ConcordeInformation
Concorde dans la presse entre 1965 et 2003

Plus de 700 documents
- des coupures de presse, la plupart patiemment récupérées et archivées par un agent Air France passionné de Concorde, Pierre Dumez, père d'un de mes anciens collègues,
- des extraits de revues internes Air France (Briefing, France Aviation, Point Fixe,...), avec l'aimable autorisation d'Air France
- un extrait de Lignes Aériennes, avec l'aimable autorisation de Jacques Darolles
- quelques photographies de matériel,
- des documents divers, comme la brochure du Comité de soutien Concorde d'avril 1974, aimablement communiquée par Francis SAINT PIERRE.
On peut y trouver l'historique en trois étapes, le premier vol, les essais au sol et en vol, les moteurs, la philatélie, la publicité technique et commerciale, le tragique accident du F-BTSC, les modifications, le redécollage et l'arrêt des vols.

Forum des Anciens de VilgénisInformation
Accès direct au forum des Anciens du CIV (Centre d'Intruction de Vilgénis) d'Air France.

ContactInformation
Formulaire à remplir pour vous permettre de m'envoyer vos commentaires, critiques et suggestions sur ce site.

© Dominique Ottello
2004 - 2024