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Air France Journal - Édition Spéciale - 1937 - Page 2

Air France Journal Édition Spéciale
Exposition Internationale Paris 1937

LES INCROYABLES PROGRÈS DE L'AVIATION COMMERCIALE - Suite de la page 1

les trains d'atterrissage escamotables, les cabines luxueuses, le voyage aérien est devenu une joie raffinée. Les équipages ont de moins en moins l'occasion de démontrer leur vaillance, mais c'est toujours le même esprit qui les anime, celui des Hanin, des Noguès, des Bajac, des Genin, des Mermoz.

Dès l'origine, l'esprit de la ligne fut créé, mais la guerre venait de finir, le matériel n'était pas approprié, on tâtonnait, une certaine fantaisie régnait.

Le pilote - il n'y avait ni radio, ni mécanicien navigant - avait soif de liberté et de plaisir. L'aviateur avait encore son prestige militaire. Les services n'étaient pas tenus à une régularité parfaite : lorsque, par hasard, un passager voulait partir, on l'attendait pour décoller, même s'il était fort en retard. Pas d'horaire : il suffisait d'aller au but et, parfois c'était long. Il y eut certaine étape au cours de laquelle le pilote dut changer quatre fois de moteur ! Évidemment, le train était alors plus sûr et plus rapide.

Et la météo ? Elle n'existait pas. On employait des « trucs ». On s'arrangeait avec le maire, le facteur, le garde-barrière, le curé ou l'instituteur des pays survolés. On leur téléphonait avant de partir pour savoir quel temps il faisait. Selon leur état d'esprit, ils répondaient de la façon la plus contradictoire. En cas d'incertitude, l'un affirmait qu'il allait faire beau, le voisin qu'un orage était à craindre. Et on partait. On se lançait à travers les gorges et les vallées, au-dessus de la Forêt Noire ou de la Manche, le sourire aux lèvres.

C'était la vie d'escadrille en civil, le client étant l'oiseau rare, quand il se présentait, on l'entourait de soins, Si, par hasard, il était accompagné, afin de toucher le prix d'un billet supplémentaire - quelle aubaine ! - on n'hésitait pas à faire monter le compagnon en surcharge, au risque de provoquer la panne d'essence... et ses conséquences.

En 1922, un avion capota en arrivant à Prague. Il était chargé - gros succès ! - de homards et de bidons d'émaillite d'aluminium. Ceux-ci s'écrasèrent et leur contenu transforma les homards en guerriers japonais. Que faire ? Les mécaniciens brossèrent consciencieusement les crustacés avec de l'essence pour les dépouiller de leur armure métallique. Pauvres consommateurs !

Hanin, grand as du bombardement, qui de ses exploits n'avait retenu que le côté comique, volait en 1925 par un temps épouvantable, il avait comme passager un Américain qui, flegmatique ou inconscient, s'obstinait à taper à la machine. Après avoir, pendant de longs instants, livré un duel farouche aux éléments, Hanin décide de se poser, mais son investigation ne lui fait découvrir qu'un mauvais et étroit terrain. Il se prépare. L'autre dactylographie toujours. Au moment de toucher le sol, Hanin lui crie :

- Tiens-toi bien, on va se casser la g.. !

Et il se met en pylône. Il fallut cette circonstance pour arrêter l'inspiration du passager.

Cette histoire est assez difficile à raconter. Elle n'est pas très délicate, mais elle présente un certain pittoresque et, dans tous les cas, prouve le cran de nos pilotes de ligne. C'est pourquoi j'espère ne pas offusquer le lecteur. C'était à l'époque où l'on ne connaissait pas à bord les commodités si utiles et agréables pour certains. II y avait, ce jour-là, de la brume, des nuages, du vent. Le ciel semblait avoir invité en cette région tous les éléments contraires.

Venin atterrit à Strasbourg. Il arrive de Prague. On veut le faire partir pour son troisième voyage consécutif. Il discute :

- Ce n'est pas raisonnable. J'en ai plein les bras. Je suis claqué et de toutes façons ce serait folie d'entreprendre un trajet dans cette mélasse.

L'un des passagers - par miracle il y en avait plusieurs et le chef de centre ne voulait pas les lacher ! - dit à l'un de ses compagnons en mauvais français, car il était Américain :

- Ces pilotes sont tous des dégonflés ! Hanin a entendu : dégonflés les pilotes ? Il va voir. Furieux, il déclare :

- Puisque c'est ainsi, on part !

On monte dans l'avion. Presque tout de suite, tous les voyageurs sont malades, mais malades ! Celui qui avait accusé injustement les pilotes ne l'était pourtant pas comme les autres. La sarabande aérienne ne lui était pas plus favorable, mais lui produisait un autre effet Et quel effet !

Situation affolante ! Dans de telles circonstances, nécessité - même sans chalet - fait loi. L'Américain avise dans le filet un numéro de la Vie Parisienne, Hip ! hip ! hurrah ! Sauvé ! Il va à l'arrière de la cabine, s'isolant le plus possible. À ce moment, Manin regarde. Il voit son ennemi qui a perdu de sa superbe. Il n'en peut croire ses yeux, L'esprit de vengeance agit immédiatement.

Le pilote cabre l'appareil : l'homme s'effondre sur les galants dessins de Le Vie Parisienne. Puis, système des compensations, Manin pique brusquement : l'Américain est projeté comme une balle, en avant, emportant avec lui le journal qui ne voulait pas le quitter !

Aujourd'hui, il est très difficile - sinon plus - d'obtenir un parcours gratuit sur les lignes d'Air France. Autrefois, on n'hésitait pas à faire des gracieusetés. On invitait du monde, qui n'acceptait pas toujours. Ne valait-il pas mieux avoir l'air de transporter du monde que de faire des voyages à vide ? Et puis, c'était plus gai, le pilote se sentait moins seul.

Chargé d'inaugurer la ligne Varsovie-Prague, le 12 avril 1921, alors qu'Hanin accomplissait le parcours dans l'autre sens, Laulhé avait pris comme passagère une jeune femme dont il avait fait la connaissance à Prague. Il l'avait retrouvée à Varsovie et elle désirait retourner dans sa patrie,

À cette époque, l'ouverture d'uns ligne n'était qu'une simple formalité à laquelle nul ne s'intéressait. Laulhé s'était dit qu'à l'arrivée, Il descendrait assez loin sur le terrain pour permettre à la voyageuse de s'éclipser discrètement.

Il survole le terrain de Prague. Qu'aperçoit-il ? Une foule. Impossible de ne pas faire un atterrissage parfait auprès de tous ces notables : ministres, ambassadeurs, officiels, cinéma, rien ne manque. Mauvais, mauvais !

Laulhé se pose de façon impeccable. Les autorités accourent. Le ministre de France tend la main à cette jeune et jolie passagère, qui n'a pas hésité à être la première voyageuse de la ligne, il lui offre le bras, l'emmène sabler le champagne dans un hangar, Gros succès ! Mais Laulhé ne sait où se mettre. Cette publicité donnée à son incartade ne va-t-elle pas lui amener des calamités lorsqu'on saura la vérité ? Non, tout se passa bien, sans le moindre incident et quelle réclame pour la « pionnière » de la ligne Varsovie-Prague, réclame dont la ligne avait bénéficié.

Alors qu'il faisait le service sur la ligne Alger-Biskra, Sayaret, as de la chasse pendant la guerre, fut chargé d'emmener un voyageur allemand à Alger à bord de son avion sans cabine. À peine monté, le passager saute à terre. On le rattrape, on le remet de force dans l'appareil. Sayaret se hâte de partir.

Il prend de la hauteur. Il observe de temps en temps son curieux compagnon : soudain, celui-ci ouvre sa valise pour prendre des effets chauds. Il essaie tout ce qu'il trouve, le répand ensuite pêle-mêle autour de lui et, naturellement, le vent emporte tout au fur et à mesure. Pris de rage, l'Allemand commence à se déshabiller. Sayaret croit qu'il a trop chaud : il l'emmène à 3.000 mètres. L'autre continue à se dévêtir et lance ses vêtements hors de la carlingue, Enfin, Alger : le passager, nu comme un ver, grelotte dans le fond de la carlingue. Plusieurs personnes l'attendent : ce sont les infirmiers d'un asile d'aliénés. On avait fait voyager un fou.

Ah ! la belle époque ! La belle ? Pas toujours ! Songez aux difficultés à vaincre avant d'organiser un service d'une régularité et d'une sécurité parfaites sur la Méditerranée. Le radio Munar eut quatorze pannes en mer en cinq ans et demi, deux de moins que le millionnaire de kilomètres Jean Le Duff qui fut victime de seize amerrissages en Méditerranée de 1925 à 1928.

Lisez ces lignes de Munar, l'homme aux souvenirs dramatiques :

« Lorsqu'au cours d'un voyage nous avions signalé : « Tout va bien » tout le temps, c'était un tel exploit que quinze jours après nous en parlions encore. Cela marquait une date. Il était courant d'accomplir plusieurs faux départs à chaque envol. Une fois, avec Givon, à Alger, nous en avons additionné onze avant le vrai. Des appareils plafonnaient à 50 mètres. Nous ne pouvions même pas dérouler notre antenne. La moindre baisse de régime d'un moteur nous obligeait à amerrir. Souvent, le radio passait les dernières heures du voyage sur un plan, tenant quelque accessoire du moteur qui s'en allait tels que nourrice, tuyauterie, calibres de bougies. »

Aujourd'hui, les 3150 kilomètres de l'Atlantique sont couverts placidement. Des équipages les ont franchis plus de 56 à 60 fois. Et dire que dans dix ans, nous sourions en nous rappelant les merveilles qu'Air France nous procure chaque jour actuellement !

Jacques Mortane.


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AU SERVICE DU PUBLIC - (Suite de la première page.)

Tous ceux qui s'occupent des choses de l'aviation savent que la vitesse courante des appareils en ligne qui était, il y a quelques années, inférieure à 200 kilomètres à l'heure, est devenue aujourd'hui, sur les lignes d'Air France, de l'ordre de 250 kilomètres, et que cette année verra sur ses lignes des appareils qui approcherront de 300 kilomètres. Tout le monde sait aussi qu'aux appareils anciens, de faible capacité de transport, Air France substitue progressivement des appareils de capacité double ou triple, appropriés aux nécessités de ses lignes : hydravions qui constituent de véritables yachts volants ; gros porteurs de quarante places qui, sur les principales relations de trafic européennes, ouvriront une véritable enfilade de salons, comme on a pu l'admirer au Grand Palais, l'automne dernier ; appareils au long cours où l'on voyage allongé, en chaises longues et, bientôt, en couchettes pour la nuit. Mais cet effort vers la vitesse et la charge utile, dont les résultats sautent aux yeux, ne doit pas faire oublier l'effort aussi continu qu'elle poursuit en vue d'obtenir une régularité et une sécurité absolues.

D'ores et déjà, avec la généralisation d'appareils multimoteurs qui volent parfaitement avec un moteur stoppé, avec le perfectionnement des instruments de navigation qui se contrôlent l'un l'autre, avec l'emploi sur tous les appareils de postes radioélectriques perfectionnés, avec la mise en pratique généralisée des nouvelles techniques qui permettent, grâce au gonio au sol et au gonio de vol, de conduire l'appareil comme par la main vers son point d'atterrissage, quels que soient le temps et l'heure, la sécurité des lignes d'Air France est de¬venue comparable à celle des autres mo¬des de transports. Leur régularité est de 97 % et ses bureaux d'études, ses laboratoires, ses ateliers ne cessent d'étudier de nouveaux perfectionnements, de mettre au point de nouveaux équipements pour rendre l'avion de plus en plus sûr, de plus en plus indépendant de l'état atmosphérique.

Ce développement technique a permis d'ouvrir des lignes nouvelles et d'étendre, par des jeux de correspondance et d'horaires appropriés, ta zone d'action de l'aviation commerciale.

La traversée aérienne de l'Atlantique sud permet à la poste, et permettra bien¬tôt aux passagers, d'atteindre en deux jours les côtes du Brésil. La ligne d'Alger, puis celle de Dakar, ont été ouvertes aux passagers. À l'heure actuelle, en partant de Paris, on peut atteindre, par les lignes françaises, Alger en 7 h. 55, Tunis en 8 h. 55, Casablanca en 11 h. 25, Dakar en 22 heures. L'Afrique française est aujourd'hui comme incorporée à la métropole. Vers l'Extrême-Orient, la durée du trajet entre la France et l'Indochine française a été réduite à six jours. Hanoi est relié à Marseille et le courrier aérien parti de Paris se distribue jusqu'en Chine en un temps record. En Europe même, dans la partie du monde la mieux équipée en moyens de transports rapides, on peut dire que, grâce aux horaires établis, aux correspondances obtenues, à la collaboration des différents réseaux européens, sur n'importe quel trajet au-delà de cinq à six cents kilomètres, l'avion permet d'économiser plusieurs heures et parfois plusieurs jours : les lignes françaises permettent d'atteindre Stockholm en 6 h. 40 et Bucarest en 10 h. 5.

Chacun sait aujourd'hui que, pour voyager vite, il faut voyager en avion. Mais le voyageur, à juste titre, demande non seulement de voyager vite, mais de pouvoir voyager facilement et de voyager agréablement.

Voyager facilement. Cela suppose que l'on trouve à sa portée les renseignements nécessaires, que l'on puisse prendre son billet sans difficulté et trouver dans les différentes formules d'aller et retour, voyages combinés, abonnements, ce qui vous convient. C'est pourquoi Air France a. développé ou créé de toutes pièces une organisation commerciale qui étend ses ramifications dans tous les pays qu'elle dessert et se trouvera bientôt représentée en France dans tous les centres de quelque importance. Grâce aux mesures de coordination qu'elle s'est appliquée à faire prévaloir, on peut prendre des billets d'Air France non seulement dans ses propres bureaux et dans toutes les agences qui la représentent, mais encore dans les principales gares, sur les grands bateaux, etc. Des formules de billets spéciaux ont été étatblies pour les maisons d'affaires, pour les voyages touristiques, etc.

Voyager agréablement. Ceux qui prennent aujourd'hui les appareils modernes d'Air France peuvent témoigner que l'avion d'Air France réalise véritablement « le confort qui va vite ». La perfection du pilotage et le volume des appareils les affranchissent des mouvements de roulis et de tangage ; la cabine est aérée et chacun peut régler l'aération à sa guise ; elle est chauffée et éclairée ; les barmen mettent à la disposition des voyageurs des journaux et des bois¬sons froides ou chaudes. Bientôt, pour les traversées un peu longues, les voyageurs disposeront de bibliothèques et d'un véritable salon.

La lettre est moins exigeante que le passager ; l'essentiel est qu'elle soit transportée rapidement et qu'elle arrive à l'heure. Les Postes françaises, qui ont toujours été à l'affût de toutes les améliorations, ont su réaliser, quand il le fallait, des distributions et des levées spéciales. Air France, de son côté, s'est appliquée à multiplier les documents, à étudier, pour les porter à la connaissance du public, les heures limites de dépôt dans toutes les villes importantes de France, etc. Et quand les administrations postales françaises ont jugé que l'heure approchait où il faudrait délibérément, pour mettre l'avion au service de tous, renoncer à percevoir une surtaxe pour le transport aérien et confier à l'avion les lettres ordinaires, Air France a répondu présent.

C'est qu'en effet, ayant une mission nationale à remplir, Air France a tout de suite pensé que l'avion ne devait pas rester en France un moyen de transport exceptionnel, réservé à une clientèle d'affaires ou à une clientèle de luxe. Qu'il s'agisse de poste ou de passagers, l'aviation de transport ne se sera pleinement réalisée que le jour où n'importe qui pourra profiter des possibilités offertes par le génie des inventeurs, l'héroïsme des conquérants de l'air, le dévouement de tous ceux qui ont collaboré à l'essor des ailes françaises.

Le jour où - sur tous les trajets où l'avion permet un gain de temps - toute lettre prendra l'avion, ce jour-là on pourra lire que, sur le plan postal, l'aviation commerciale joue vraiment le rôle pour lequel elle est faite. Quant aux voyageurs, le développement des avions gros porteurs permettra de laisser des places vides même pour les usagers de la dernière minute. Il permettra aussi d'adapter les tarifs aux possibilités d'une clientèle plus étendue et peut-être de prévoir, sur certains avions, des compartiments de seconde classe à côté des compartiments de luxe : Alors on pourra véritablement dire qu'il n'est pas un Français désirant voler qui ne puisse goûter le merveilleux attrait d'un voyage sur les forêts et les champs, les plaines et les montagnes, voire au-dessus des mers...

Dès aujourd'hui, à tous ceux qui ont un message urgent à faire parvenir dans le minimum de temps, à tous ceux qui veulent aller loin et vite, Air France offre des facilités qui auraient fait s'exclamer d'incrédulité les hommes du siècle dernier. Ces possibilités sont à votre portée :

Si vous vous adressez aux bureaux de renseignements d'Air France, vous serez surpris de voir, si vous avez un long déplacement à faire, que, loin d'être inabordable, l'avion, qui économise le temps, les frais accessoires et la fatigue, n'est pas tellement plus onéreux que les autres moyens de transport.

Et si ces renseignements vous convainquent qu'en se mettant au service public Air France s'est mise en mesure de vous rendre service, ce sera la meilleure récompense de ses efforts.


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HÂTEZ-VOUS DE VOYAGER
par Antoine de Saint-Exupéry.

Voyage en avion

Illustration Ch.Lesacq


Je me souviens d'avoir émergé un matin hors de nuages roses, roses vif, et non vaguement colorés. J'ai baigné dix minutes mon vol dans cette écume, coiffé par les plus hautes vagues. Au ras de l'horizon, sur ma gauche, apparaissait et disparaissait un soleil pourpre qui trempait dans cette lessive et la teignait de sang. Et cependant je ne fus guère ému par cet admirable décor : l'acteur essentiel manquait. Il est des lumières plus humbles qui me parurent autrement pathétiques. Quand au cours des nuits difficile, la lune rougeâtre s'annonçait à l'horizon, mal dégagée encore des stries de brume, déjà, le cœur battant, je me réchauffais à ce bûcher pâle. Le spectacle prenait un sens à travers une expérience d'homme : il n'est de féerie qu'humaine.

Vous, passagers, vous que les nécessités d'un métier ne relient point étroitement au décor. Vous n'eussiez assisté qu'à un lever de lune semblable à d'autres. Et le défilé d'une toile peinte ne peut suffire à votre attente. C'est un antre message que vous attendez du voyage.

Hâtez-vous de partir. La terre vous offre ses derniers trésors. Certes, la planète, sous les ailes, ne cessera point de défiler, à la façon d'une mappemonde géante, pour vous instruire. Mais est-ce là ce que vous cherchez ? Regardez-là. Une croûte figée composée de pierres et de sable. Quelquefois un peu de verdure. Des lacs sertis au creux des rocs. Des océans chargés de sel, pétris de vagues immobiles. Des villes rares répandues au hasard des plaines, comme des poignées de grains. Ce spectacle n'est qu'une leçon de choses. L'important vous échappe encore, l'important c'est l'homme. Vous l'étudiez peut-être de là-haut, mais c'est à la façon d'un zoologiste qui le tiendrait sous l'objectif du microscope. Vous observez ses mouvements, vous le regardez bâtir ses villes, ses aqueducs, creuser ses ports, gratter sa terre pour en tirer sa nourriture, installer ses usines et débiter ses marchandises, arpenter les mers pour les répandre, buriner par tous les moyens sur la planète ses canevas géométriques. Ainsi vous surprenez les secrets de la fourmilière, ses besoins, ses lots, ses activités. Mais vous n'êtes point maître d'école et vous savez bien que le mécanisme n'exprime jamais l'essentiel. L'essentiel demeure invisible. Dans le cancer, c'est la souffrance et non la division des cellules. Vous avez faim de l'essentiel et vous cherchez des yeux un message qui vous l'apporte. Qui parle ou de peine, ou de joie, ou de désir, ou d'espérance. Un message qui vous émeuve à la façon d'une musique ou d'un poème, qui vous émeuve tout court, qui s'adresse en vous non au fort en thème, mais au confident. Vous cherchez des messages de l'homme.

Hâtez-vous alors de voyager. Ce luxe-là disparaît de la. terre. Nous courons tous les mêmes traces avec une nostalgie plus poignante que nous ne le pensons. Vos frères de toutes nations cèdent à cet appel, obscurément, quand chacun s'imagine flâner. Suivez-les. Ce n'est point par hasard que vous les retrouvez, ignorant eux-mêmes pourquoi ils sont là plutôt qu'en face des gratte-ciel ou des machines, agglutinés autour des cathédrales, des Parthénons, des Pyramides, des cités d'Angkor, des temples aux dieux du soleil des Incas, de toutes ces enceintes fermées dont le contenu est invisible, Ils cherchent une nourriture qu'ils ont perdue, cette nourriture de l'esprit dont ils ne savent même point qu'ils ont faim.

Partez vite. Pesez du front contre le hublot de l'avion. Voici des tours en ruines aux quatre coins d'un territoire. C'est un langage qu'elles défendaient, un sens de la vie différent des autres. Voici, une légère dérive vous l'apporte, la fragile muraille de la Chine. Elle protégeait une sagesse qui ne voulait point se corrompre. Voici le monastère accroché au roc ; on y demeurait quarante ans de sa vie pour y cultiver une minute d'extase. Voyageurs, arpentez ces empires dans vos grandes bottes de sept lieues, un pas pour la Chine, un pas pour la Grèce, un pas pour les Indes. Vous n'avez point, en chaque citadelle de l'esprit, mille ans à perdre pour essayer d'approfondir...

Eh ! vous avez raison de vous hâter. Cette lumière meurt. Faisons vite notre butin du haut des airs. Nous nous en nourrissons encore, et cependant, déjà, nous ne sommes plus que des pillards. L'humanité, pendant des siècles, a lentement accumulé ce miel dont nous tirons aujourd'hui nos délices et dont, tant bien que mal, nous apprenons à sauver les vestiges en cimentant le Parthénon croulant, en désensablant les Pyramides, en restaurant les cathédrales. Mais, à cette provision-là nous avons cessé de contribuer Nous croyons faire oeuvre de civilisés en écrivant l'histoire de l'art gothique ou du symbolisme de l'Asie, on en prenant tant de plaisir à désentoiler des momies, quand, tristes parasites, nous ne nous nourrissons pas que de dépouilles. Nous qualifions de barbares ceux qui laissèrent crouler ces temples alors que nous les restaurons faute de savoir en bâtir.

Elle continuera à se dérouler, la mappemonde, au gré des voyages aériens, mais nous serons peut-être les derniers à y découvrir autre chose que la stupide perfection d'une fourmilière. Nous sommes peut-être les derniers à communiquer non avec l'insecte habile mais avec l'homme. Nous profitons encore des récoltes accumulées, mais nos arrière-petits-fils, s'ils parcourent le monde, à notre façon, du haut des airs, ne disposeront plus, pour en faire leurs joies spirituelles, que de nos gares, de nos hôtels de ville modèles, de nos ponts de ciment armé, de nos banlieues lépreuses, et parfois, çà et là, dans la mesure où nos ingénieurs auront réussi à sauver des pierres qu'ils n'eussent point su disposer, d'un peu de lumière au fond des sables.


Dans un avion AIR FRANCE,
une seule classe, la classe du confort.

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Nos Échos

Le voyage en avion n'est pas seulement l'apanage des humains, nos frères inférieurs utilisent aussi ce moyen moderne de transport.

Le directeur de l'un de nos plus grands cirques parisiens n'hésite pas à faire voyager par les airs ses vedettes à quatre pattes. On se souvient de l'arrivée d'une belle otarie qui, sous le feu des objectifs, descendit fort gracieusement de l'avion d'Air France.

Certains passagers sont moins aimables et l'un des équipages d'Air France garde un fort mauvais souvenir d'un danois irascible qui, ayant brisé sa cage, fit irruption dans le poste. Bien qu'unicéphale, il fit sur notre trio autant d'effet que Cerbère se montrant à Oreste. Le mécanicien toutefois, avisant un paquet de journaux, assomma le dogue sous te poids et non sous la prose, calmant ainsi l'ardeur de ce belliqueux passager qui fut réintégré dans la soute.

Récemment, les quotidiens français et allemands rendaient hommage à l'esprit de fraternité de l'équipage de l'avion français de la ligne Paris-Varsovie, qui, alerté par radio,se détournait de sa route, pour prendre le professeur Bauer appelé d'urgence auprès du Consul de Belgique à Varsovie. Le chirurgien put intervenir à temps et sauver ainsi son malade.

C'est un nouveau service qui s'ajoute à la liste déjà longue de ceux rendus par l'avion à la médecine et à la chirurgie.

Quelques-uns : le nos grands chirurgiens possèdent leur avion personnel, tous sont usagers de nos lignes aériennes, la rapidité du .voyage leur permettant d'exercer leur mission bienfaisante, dans les villes les plus éloignées de leur résidence et ceci dans une même journée.

Combien d'existences furent sauvées grâce aux sérums que l'avion a transporté dans un minimum de temps, et si le remède ne va pas au malade, c'est celui-ci qui vient dans telle grande ville suivre le traitement qui rétablira sa santé. C'est ainsi qu'il y a un an environ, la direction d'Air France à Beyrouth prenait en surcharge un malade qui devait d'urgence être traité à l'Institut Pasteur de Paris. Sans l'avion ce malade était irrémédiablement voué à la mort,


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Roman-concours

d'Air France Journal

Titre l'egnime du Paris-Bruxelles

Règlement du concours

Le radio enleva son casque :

- Qu'est-ce qu'il y a ? cria-t-il, tandis qu'à 1000 mètres l'avion poursuivait sa course précise.

Derrière lui, les passagers étaient tous debout, gesticulant, et leurs voix se perdaient dans le vrombissement des trois moteurs lancés à fond.

Le barman, en veste blanche, écarta une femme :

- Demandez un docteur !... vite.

Bruxelles n'était plus qu'à quelques minutes. Les Flandres à la poitrine plate glissaient dans une fuite lente sous l'avion. Les cheminées d'usines crachaient une étoupe noire ; un train, là-bas, très loin et très bas, ressemblait à un jouet.

Le radio lança son appel. Derrière lui, on s'affolait :

- Quoi, fit-il, un mort ?

- Syncope, cria une passagère, bizarre syncope.

Les mots arrivaient aux oreilles comme dans un téléphone en mauvais état.

Dans le fond, près du bar, couché par terre, le plastron défait, un homme geignait doucement, respirant mal. Il portait par instant sa main à son estomac, et son visage se crispait douloureusement :

- Le mal de l'air crut devoir dire un passager.

Non, fit le barman...

Sur le comptoir, le verre abandonné par le malade était à moitié plein : un gin soda le plus classique du monde : on voulut lui en faire absorber une gorgée ; il serra ses dents et repoussa violemment la main qui se tendait vers sa bouche.

Bruxelles était en vue. Le pilote se retourna. Le radio donnait des explications. L'avion tournait autour du champ, lentement, comme un oiseau tourne autour de son nid avant de s'y poser.

Chacun maintenant pensait à ses bagages

Les femmes se repoudraient furtivement. L'incident avait, par sa brusquerie, arrêté des gestes familiers, des habitudes exactes.

À peine les roues reposèrent sur l'herbe que le barman ouvrit la porte. Une bouffée d'air, en entrant dans la coque, parut ranimer le malade.

Avec l'agent d'Air France, entra les porteurs, un médecin apparut, sa trousse à la main. On fit descendre toute le monde. Il y avait un quart d'heure avant que l'oiseau reprit sa course pour Amsterdam.

Le médecin se pencha sur l'homme : il essaya de l'interroger ; l'autre, la bouche close, une écume blanche suintant entre ses lèvres - comme bouillonne doucement de l'eau sur un pneu crevé - répondait par signe. Il montrait son ventre :

- Poison, murmura le docteur ; qu'on l'emporte dans le bureau du directeur de l'agence.

On le recoucha.

Par la fenêtre ouverte, on entendait les hélices tourner. Des avions reprenaient leur vol vers Paris, vers Londres, vers Francfort. Comme une gare libère un à un ses trains, le champ donnait le départ de ses gros trimoteurs.

Le barman expliquait :

- Il est monté à Paris. Je l'ai vu au Bourget, au bar déjà ; il parlait avec un homme.

- Comment était l'homme demanda le commissaire qui venait d'arriver ?

- Heu ! fit le barman, je ne sais pas... Le commissaire se pencha sur le malade pendant que le docteur préparait une drogue

- L'homme, cria-t-il, l'homme du Bourget, vous le connaissez ?

Le malheureux fit un effort et murmura : « Hodson » ou « Henson », on ne put très bien comprendre.

Puis ses yeux chavirèrent. Il était mort.

On le fouilla. Dans son portefeuille, il y avait quelques livres sterling, quelques schillings, et, dans une poche, des pièces serrées dans des billets représentant une somme de 9.037 francs. Par ses papiers et son passeport, on apprit son nom et son adresse : Jean Mallan, diamantaire. 7, boulevard de la Saussaye, à Neuilly-sur-Seine.

Le commissaire se précipita au téléphone : - Allô ! Paris... On lui donna Maillot 00-00, le numéro du mort.

Pendant ce temps le directeur téléphonait au siège d'Air France où on lui confirmait qu'à 11 heures, le même matin, le Bourget avait inscrit un nommé Jean Malan pour un billet simple Paris-Bruxelles. L'employé se souvenait parfaitement que le client avait sorti une liasse de billets de mille francs... Mais qu'il avait normalement payé avec deux coupures de cents francs... Il n'avait pas de bagages et avait demandé avec insistance à quelle heure était, vers la fin de l'après-midi, l'avion Bruxelles-Paris. Il y avait paru satisfait d'apprendre qu'il y en avait un à 15 h. 30.

- Voyons dit le commissaire, il arrivait à 14 h. 45 et voulait repartir à 15 h. 30. Que venait-il faire ? Au Bourget, on confirma encore que l'homme du bar l'avait accompagné jusqu'à l'avion.

À Neuilly, on ne comprenait plus rien :

- Mon mari est parti ce matin à 7 heures, avec sa voiture, disait une voix de femme. Il allait à la campagne - en Normandie - pêcher la truite. Oui, il avait de l'argent. Il avait pris 10.000 francs pour payer un entrepreneur. Il devait revenir six heures, cet après-midi, nous avions un dîner...

Relié par téléphone à la sûreté parisienne, le commissaire interrogeait toujours. - La voiture, où est la voiture ?

On la retrouva une heure plus tard dans un garage, près du champ d'aviation, où elle avait été remisée à 7 h. 30.

Il fallait chercher l'emploi du temps du mort dans cette matinée. Le médecin affirmait qu'il avait été empoisonné par une dose de belladone et qu'il fallait à peu près quatre heures au poison pour agir. L'empoisonnement remontait donc à 10 heures du matin.

Au Bourget, personne n'avait remarqué Jean Malan - dont le signalement avait été transmis - entre 8 heures et 11 h. 30. Et pourtant, le garagiste était formel, son client s'était dirigé en sortant vers les bureaux du champ.

Les bureaux interrogés à leur tour déclarèrent avoir délivré, entre 7 h. 30 et 8 h. 30, plusieurs billets pour Francfort. Toulouse, Londres, Bruxelles. Ils s'excusaient, mais les passagers de l'air sont de plus en plus nombreux, et ils ne sauraient remarquer tout le monde. Tous les quarts d'heure, un avion s'envole avec 10, 20 ou 30 passagers ; en tout cas, il n'y avait, autour de 8 heures, aucun passager du nom de Jean Malan.

- À moins, suggéra quelqu'un, que le mort ne se soit servi de faux papiers ?

C'était la seule hypothèse possible qui devait être confirmée le lendemain, puisqu'on retrouva sur le champ, près d'un hangar, un passeport au nom de Raoul Lécorché, dont le signalement correspondait point par point à celui du mort. Mais qu'avait-il fait, entre 8 heures et 11 h. 30. et où avait-il été empoisonné ? Par qui ?

- Si, au moins, murmuraient les policiers, nous savions où il avait eu le temps d'aller ? Avec l'avion, on va si vite d'un point à un autre !

À six heures, il manquait 765 francs dans son portefeuille, et personne n'en pouvait jusqu'ici donner l'emploi exact...

Pierre Humbourg.



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