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Louis GIBERT   -   Brevet n° 92

Gibert Louis

Louis GIBERT, né à Albi (Tarn), le 19 juin 1885, est attiré par l'aviation dès 1908. Cette année-là et la suivante, il construit puis essaie un appareil de sa conception qui ne lui donne pas grande satisfaction.

Alors, il apprend à piloter à Pau, où en juin 1910 il décroche le brevet de l'Aéro-Club de France, le N° 92. Il est le premier à survoler sa ville, Albi, puis les villes de toute la région.

En juillet, il fait des exhibitions en public à Revel. En septembre, il figure au palmarès de la Grande Semaine de Bordeaux et il vole de Bordeaux à Royan (156 km).

Louis Gibert effectue dans tout le Sud-Ouest une série d'expériences publiques et devient populaire dans le Midi de la France. La dextérité et l'audace heureuse dont il fait preuve à ses départs et à ses atterrissages sur les terrains souvent exigus et incommodes mis à sa disposition par les comités locaux le font apprécier de ses camarades et d'Alfred Leblanc qui tient à l'associer à la fortune du Blériot.

Engagé dans la course Paris-Madrid en mai 1911, il s'y classe second. Après avoir franchi les Pyrénées, il brise son avion dans la dernière étape à Alsasna et le seul aviateur terminant la course est Jules Védrines, qui brise également son appareil, mais peut terminer avec celui de son camarade Verrept.

En juin 1911, dans le Circuit Européen, dont neuf aviateurs seulement terminent le parcours sur un lot de 41 partants, Louis Gibert, pilotant un monoplan REP, gagne l'étape Liège-Utrecht et prend finalement la cinquième place au classement général.

En septembre 1911, pour le Prix Quentin-Bauchart, épreuve de totalisation des distances, Louis Gibert couvre 450 km. L'année suivante, en 1912, s'étant rendu à Moscou à l'occasion d'une exposition aéronautique, il présente des avions à l'armée russe et, dans une compétition, y remporte 1er prix d'acrobatie.

En 1913, il se consacre à la construction de trois prototypes, dont l'un est l'objet d'une commande du ministère de la Guerre.

Mobilisé en 1914 à la R.E.P. 27, puis à la « Mixte 32 », il obtient une citation à l'ordre de l'armée.

En 1918, il présente un avion-canon, dans la conception duquel il a une large part. La guerre terminée, Gibert se livre à des démonstrations de propagande et donne des baptêmes de l'air. Il participe aux travaux d'une jeune firme qui construit des planeurs.

Puis c'est son appui à la création d'un club de vol sans moteur à Toulouse, la création du terrain de la Montagne Noire.

Louis Gibert, qui a consacré 40 années à la cause de l'aviation, dont 25 de pilotage, termine sa carrière comme attaché à un aérodrome d'Air France. En 1949, atteint par la limite d'âge, il doit prendre sa retraite. Le terrain d'Albi, inauguré cette année-là, s'appellera désormais « Aérodrome Louis Gibert », en hommage à ce grand pilote.

Louis Gibert, retiré à Toulouse, y est décédé le 8 octobre 1956.

AIGLES PYRÉNÉENS

Après l'arrivée de la course Paris-Madrid en mai 1911, les journaux racontèrent que Gibert sur Blériot, et Védrines sur Morane, avaient été attaqués par des aigles en traversant les Pyrénées, et les éditions dominicales illustrées représentaient en couleurs la lutte des aviateurs contre ces rapaces : leurs correspondants avaient vu sur le casque de cuir des aviateurs les traces des coups de bec !

Fort surpris, car je savais la vitesse des aigles, même pyrénéens, fort inférieure à celle du Blériot et du Morane, je demandai ce qui s'était réellement passé à mon ami Leblanc qui, vainqueur en 1910 du Circuit de l'Est, avait pris en 1911 le rôle de manager des coureurs Blériot.

« Ah ! Vous n'y croyez pas, me dit Leblanc, eh bien, je vais vous montrer le bec de l'aigle. » Et il tira de sa poche un couteau de fort modèle, d'où il fit sortir un poinçon qu'il me tendit en disant « Voilà ! »

Comme je l'interrogeais du regard, il reprit :

« Védrines, questionné par les journalistes à son arrivée à Saint-Sébastien leur en a mis plein les yeux en leur racontant des histoires de brume : il ne distinguait pas le bout de ses ailes, il avait accroché un rocher, etc., patati, patata... Il charriait trop... » J'ai dit à Gibert : « Nous aurons mieux demain. » J'ai emporté son casque dans un coin, l'ai marqué de deux bons coups de poinçon, et j'ai recommandé à Gibert de ne le mettre sur sa tête qu'au dernier moment, au départ, et de dire à l'arrivée qu'il avait été attaqué par des aigles dans les montagnes.

Comme vous le savez, Gibert, atterri à Clazagutra à 100 kilomètres de St-Sébastien, le 25, n'a pu repartir. Rejoint et interviewé par des journalistes, il a répondu : « J'ai été attaqué par des aigles. » Là-dessus, un journaliste, apercevant sur son casque mes coups de poinçon, a demandé si c'étaient là les coups de bec des aigles. « Ça doit être ça, a répondu Gibert, car hier il n'y avait rien. »

Quand Védrines, arrêté le 25 près de Burgos, est arrivé le 26 à Madrid, les journalistes lui ont demandé si lui aussi avait été attaqué par des aigles. Il a d'abord été un peu surpris, mais le journaliste insistant et lui racontant l'histoire de Gibert, il s'est ressaisi : « Je n'ai jamais vu d'aigle et je ne sais pas comment c'est fait. Mais j'ai été attaqué par de gros oiseaux : c'étaient probablement vos aigles... ça doit être ça. »

Le journaliste a câblé à Paris cette nouvelle sensationnelle, qui a fait le tour de la presse. Les Espagnols ont été fiers de leurs aigles qui défendent leur pays, même contre les aviateurs. Personne n'a démenti. Et surtout, maintenant que vous avez vu le bec de l'aigle, n'allez pas démentir : les journalistes m'arracheraient les yeux ! »

G. BELLENGER.

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