Savant et homme politique français, né en 1808 à Chiavari, dans l'ancien département des Apennins, mort à Paris en 1865.
Venu fort jeune en France, il termina ses études au collège Sainte-Barbe, se fit recevoir docteur en médecine vers 1830, et prit une part active à la révolution de Juillet. Peu de temps après, en 1831, il fonda, avec M. Buloz, la Revue des Deux-Mondes, qui, depuis, est devenue le premier recueil littéraire français. Toujours occupé de questions scientifiques, M. Bixio publia la M'aison rustique du XIXe siècle, excellent guide de l'agriculteur moderne, et enfin créa et dirigea pendant onze ans, conjointement avec M. Barrai (1837-1848), le Journal d'agriculture pratique et de jardinage. Nous ne citerons que pour mémoire l'Almanach du jardinier, publié depuis 1844 ; l'Almanach du cultivateur et du vigneron, et l'Annuaire de l'horticulteur, publiés également à partir de la même année.
Rédacteur du National, et, partant, en relations assez intimes avec les principaux écrivains de l'opposition libérale, il était président du comité des électeurs du Xe arrondissement, où il exerçait une grande influence, lorsque la révolution de 1848 survint. M. Bixio se prononça vivement pour la régence, et fit de vains efforts pour empêcher l'insertion au Moniteur du décret qui proclamait la république. A sa prière, MM. Crémieux, Lamartine, Dupont (de l'Eure) et Garnier-Pagès lui donnèrent un ordre signé de leurs noms pour retirer de l'Imprimerie nationale la déclaration du gouvernement provisoire, mais une heure après elle paraissait, grâce à l'intervention des autres membres, cependant, deux jours plus tard, M. Bixio accepta de M. Pagnerre les fonctions de chef du cabinet : l'esprit démocratique avait passé dans ce cœur aux aspirations généreuses. Lors de la révolution italienne, il fut nommé envoyé extraordinaire auprès de la cour de Turin, et, durant cette mission, élu membre de la Constituante par le département du Doubs, avec 23 863 voix. Il revint immédiatement siéger à l'Assemblée, où il fit partie du comité des affaires étrangères. Lors des événements de juin, M. Bixio combattit l'insurrection et fut atteint d'une balle dans la poitrine au moment où il guidait les soldats à l'attaque d'une barricade. Rétabli de sa blessure, il vint reprendre sa place à la Chambre, dont il fut, à sept reprises consécutives, élu vice-président. Après l'élection de Louis-Napoléon Bonaparte comme président de la république, M. Bixio accepta du nouveau pouvoir le portefeuille de l'agriculture et du commerce, mais il ne le garda que peu de jours (20-29 décembre 1848), et se retira à la suite d'une scission qui amena la démission momentanée du récent cabinet. Il vota, durant la Constituante, contre le droit au travail, pour les deux chambres, pour la proposition Rateau et contre la diminution dé l'impôt du sel. Il appartenait, à cette époque, au parti républicain modéré, qui se réunissait à l'Institut. A la Législative, où il fut élu par les départements de la Seine et du Doubs, il vota la nouvelle loi contre les clubs et repoussa l'état de siège, ainsi que toutes les demandes en autorisation de poursuites. C'est vers l'époque de l'élection présidentielle qu'eut lieu son duel avec M. Thiers. Enfin, en 1851, lors du coup d'Etat, il fut incarcéré avec tous ceux de ses collègues qui avaient pris part à la réunion du Xe arrondissement, et se retira de la scène politique, après avoir subi un mois de captivité. Toutefois, il ne fut pas compris dans le décret d'expulsion et put rester en France.
L'année précédente, M. Bixio, qui s'occupait toujours de sciences, avait opéré, avec M. Barrai, deux ascensions aérostatiques dans des conditions très-dangereuses. Depuis 1851, M. Bixio s'est surtout occupé d'affaires industrielles ; il a créé la Librairie agricole, au succès de laquelle il dut une partie de sa fortune, et il était, au moment de sa mort, administrateur du Crédit mobilier. Cet homme éminent a succombé après une courte maladie, durant laquelle il conserva tout son calme et toute sa présence d'esprit. Il est mort en libre penseur, causant avec ses amis les plus intimes, qu'il avait fait appeler lorsqu'il sentit sa fin prochaine. Alexandre Bixio laisse quatre enfants : deux filles et deux fils, dont l'un, après avoir été aide de camp du roi Victor-Emmanuel, est aujourd'hui employé du Crédit mobilier, et l'autre voyage en Amérique.
Comme homme politique, on ne peut se dissimuler que M. Bixio n'ait tout fait pour ne pas ressembler à « l'homme absurde » de Barthélémy ; mais il a du moins pour excuse une entière bonne foi, et l'honnêteté de l'homme privé est un sur garant de sa sincérité politique. En tant que savant, M. Bixio n'a fait aucune découverte importante ; toutefois, il a eu le rare mérite de vulgariser et de répandre les connaissances acquises, par ses nombreuses publications, qui, bien que s'adressant aux masses, n'en étaient pas moins estimées des hommes de science.
Nous terminerons cet article en citant quelques lignes de la notice que son ami Barrai lui a consacrée dans le Journal d'agriculture pratique du janvier 1866 : « Quelles que fussent les préoccupations de Bixio, il s'inquiétait avant tout du progrès agricole, qu'il regardait, avec tous les hommes qui ont médité sur les causes de la grandeur et de la décadence des nations, comme le signe nécessaire de la puissance et de la vitalité d'un peuple. L'instruction étant le moyen le plus énergique d'assurer ce progrès, il consacra une grande partie de sa vie propager des livres qui fussent de nature à se répandre parmi les populations des campagnes... M. Bixio a laissé partout l'empreinte de son esprit de sagacité ardent au bien, devinant avec une perspicacité remarquable les avantages, les dangers, les ressources de toute entreprise. »
En mourant, M. Bixio avait demandé formellement que ses restes fussent portés directement à la nécropole commune sans l'intermédiaire des prières de l'Église ; sa famille et ses amis respectèrent ses dernières volontés. M. Labrouste, directeur du collège Sainte-Barbe, dont Bixio s'était toujours montré le soutien et l'ami, ne s'en crut pas moins obligé de conduire ses élèves au cimetière. Les journaux catholiques virent dans cet acte une sorte de sacrilège. L'incident eut un grand retentissement. Sans nous expliquer plus qu'il ne convient sur la volonté testamentaire du libre penseur, nous croyons que l'honorable directeur de la célèbre institution avait, dans cette circonstance, un devoir sacré à remplir : l'obligation de la reconnaissance qui domine toutes les religions, et que chacune est tenue, sous peine d'exhérédation, d'inscrire en tête de sa Bible ou de son Evangile.