Dénommé « l'Université » par les anciens apprentis
1945 - Une « Citoyenneté Air France » à inventer
Et c'est la formation qui allait grandement y concourir. Elle allait jouer le rôle de « melting pot » en fusionnant les énergies venues d'horizons multiples au bénéfice d'un objectif unique : imposer la Compagnie parmi les meilleures du monde. Les diverses écoles d'Air France agissaient comme autant de moules produisant des hommes et des femmes capables de travailler ensemble et selon les standards professionnels les plus élevés. En dépit de quelques animosités corporatistes entre des métiers très différents, une véritable culture d'entreprise a pu se forger, assez solide pour aider le navire à franchir les tempêtes économiques et sociales dont sa route allait être parsemée.
Portail Vilgénis en 1960 - Extrait photo Musée Air France
En 1945, au sud de Paris, prés d'Igny, sur la commune de Massy, dans le château de Vilgénis (Histoire), Air France ouvre le centre de formation de techniciens aéronautiques. Air France souligne du même coup la fin d'une époque, celle des défricheurs courageux bien qu'un peu casse-cou, des pionniers souvent géniaux, des aventuriers plus ou moins heureux. Vilgénis, c'est le symbole d'un transport aérien qui devient un véritable métier.
C'est en 1947 que l'on situe le début des premières formations professionnelles initiales mises en œuvre par l'entreprise.
L'heure est à la professionnalisation tous azimuts. Le Centre va donc abriter tout à la fois une école d'apprentissage pour mécaniciens capable d'accueillir chaque année 200 élèves, une école technique assurant la formation des nouveaux cadres et pilotes de ligne en même temps que le perfectionnement des anciens, et une unité de formation pour agents administratifs et commerciaux.
Les besoins sont immenses, car la guerre a laissé des traces profondes dans les effectifs, réduits à quelque 3000 personnes fin 1945. Entre ce moment et 1947, près de 8000 agents vont devoir être recrutés. En même temps, se met en place un vaste effort de promotion interne par des stages de formation continue. 400 agents suivent des cycles de perfectionnement en 1948, et dix fois plus en 1956. Peu à peu, le savoir distillé évolue de la technique pure à des matières plus générales comme les langues étrangères ou ce qu'on n'appelle pas encore le « management ». Ainsi, Air France sera-t-elle à même de puiser dans ses propres rangs la majeure partie de son encadrement, ce qui contribuera à donner sa cohésion à l'entreprise.
Lorsque les premiers apprentis sont arrivés en 1946, venant de Marseille-Rognac et du Bourget, Vilgénis n'était pas encore aménagé. Ils étaient au château de Montjean, à Wissous. C'est là qu'étaient formées les hôtesses de l'air. Ils ont emménagé dans les chalets pendant l'hiver 46-47, très froid - l'étang était gelé - et il n'y avait pas encore de fenêtres aux chalets. L'École Toulousaine est ensuite regroupée à Vilgénis pour l'année scolaire 1947-1948.
L'École de Vilgénis a été déclarée légalement ouverte le 22 janvier 1948 par le Sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique. Elle jouit du statut d'École Technique Privée sous contrat avec l'État.
Le recrutement s'effectuait sur concours, niveau BEPC exigé, limite d'âge : 15 ans, ouvert uniquement aux garçons.
Un contrat d'apprentissage était signé avec Air France. Sa durée était de 3 ou 4 ans selon la spécialité retenue et il se concluait par l'obtention soit :
L'internat était obligatoire. L'apprenti s'engageait à rembourser la Compagnie en cas de départ volontaire s'il quittait celle-ci dans les 5 ans qui suivaient sa formation.(Contrat d'engagement en 1963) (Première feuille de paye en octobre 1963)
En juin 1946, premier concours d'entrée pour l'école des métiers de maintenance aéronautique.
La formation était uniquement technique : 6 mois de formation commune puis orientation sur les spécialités « mécaniciens moteur » et « mécaniciens cellule » ou « monteurs électriciens » et sélection parmi ces derniers après 3 ans pour une quatrième année en spécialité « mécaniciens radio » ou « mécaniciens instruments de bord ».
Le programme éducatif scolaire et sportif était aussi lié à des valeurs fortes associées à l'entreprise et à son métier (rigueur, soin, solidarité...).
Le C.I.V. (Centre d'Instruction de Vilgénis), en tant que tel, a été créé le 1er mai 1949 par décision générale n°288 datée du 30 avril 1949.
Les apprentis étaient hébergés dans des chalets en bois, comme les salles de cours, le réfectoire, les cuisines et les dortoirs en chambre de 12 ! avec pour seul chauffage un radiateur électrique par chambre éteint à 22 h 00 (au cours de l'hiver 1956 l'encre gelait, la nuit, dans les bouteilles) ; à la rentrée de la promotion 1956-1959, le chauffage central avait été installé dans les chalets.
Ayant vécu l'épisode de l'hiver 1956/57 qui fut terrible, je crois pouvoir dire que le chauffage central fut installé courant 1956, et qu'un incendie du poste électrique, juste avant les congés scolaires de février 57, entraîna le gel de toutes les conduites extérieures. Internes, nous avons passé nos vacances de mardi gras à dégeler les tuyaux avec des lampes à souder. Des poêles à charbon avaient été installés à la hâte et des dizaines de couvertures nous réchauffaient un peu. Quels souvenirs !MILLET Michel - Promotion 1954-1957
L'étude du soir (obligatoire) se faisait au Château.
La discipline de l'internat était très stricte et éventuellement sanctionnée par les conseils de discipline : interdiction absolue de fumer, coupe de cheveux à 4 cm, tenues uniformes imposées: en cours, au réfectoire, à l'étude... (toile gris bleu), aux ateliers (toile marron), tenue de sortie obligatoire à l'extérieur de l'école: blouson et pantalon (bouffant sur la chaussure) de serge marron. Le port du cache-col nécessitait une autorisation du service médical.
Nous avons porté des sabots pendant quelques mois en 1954-1955, ainsi que des chaussons en basane qui allaient avec. L'expérience a duré peu de temps en raison du bruit sur les parquets des couloirs et l'initiative des 3ème année qui ont pris les sabots dans les racks, à l'entrée des chalets, et en ont fait un tas bien mélangé au pied du drapeau de la cour d'honneur. Vu les difficultés pour que chacun retrouve les siens, retour aux chaussures classiques.
Je ne sais pas quel cerveau musclé était à la base de cette très bucolique opération !
Jacques Roche - Promotion 1953-1956
La plupart des cours techniques théoriques étaient mis en pratique sur des circuits reconstitués, comme pour les transmissions à distance de type autosyn ou synchro.
Les travaux pratiques avion (montages, démontages, recherches de panne, mise au point...) se faisaient sur différents types d'avions, sur des moteurs, dont le Pratt & Whitney R1830 Twin Wasp qui équipait, entre autres, les DC3 et sur des maquettes de circuits, comme le circuit hydraulique du DC4.
Une recherche dans les documents « Vilgénis » au Musée Air France m'a permis de trouver vingt diapositives signées « Air France Relations Extérieures » et vraisemblablement prises entre 1957 et 1961.
Christian LEYSOUR de Rohello, promotion 1946-1949 (La première) après avoir lu l'article : Image et histoire des cars Air France des années 30 à nos jours, paru dans la revue Présence des Retraités d'Air France de juillet 2009 nous donne ce commentaire :
« Nous avions, d'après mes souvenirs, hérité en 1947 d'un car « ISOBLOC » reformé du service passager des invalides en remplacement du camion à ridelles FORD type militaire moteur à essence qui nous transportait depuis la rentrée scolaire au début novembre ou fin septembre 1946, avec nos cartes d'alimentation de "J2" ou "J3", héritage de notre adolescence pendant l'occupation. »
Par ordre chronologique
À partir de 1976 et du Constellation F-BAZU, tout du moins sur sa fin de vie à Vilgénis, tous les avions ont été abrités dans le hangar H66. Avions dans le H66 en 2007
... ils ont donné à de futurs hommes un peu d'eux-mêmes, en ayant à cœur la réussite des apprentis...
Vous êtes peut-être un « ancien » du CIV. Sachez que je recherche des photos, anecdotes, récits de toutes les promotions. Vous pouvez m'envoyer un message via le formulaire de Contact de la page d'accueil dans lequel vous pouvez inclure une pièce jointe.
Merci
La plupart des apprentis ainsi formés ont œuvré dans le domaine technique à la Direction du Matériel. Certains ont bifurqué sur des filières parallèles, programeur informatique, par exemple. Certains ont choisi la voie de l'exploitation commerciale, sur les bases d'Orly ou CDG ou dans les escales. Certains ont voulu quitter le sol et sont devenus, après formation, d'abord mécanicien navigant puis pilote et même Chef Pilote ou Pilote Instructeur Concorde. D'autres ont suivi les cours du Conservatoire National des Arts et Métiers (formations ingénieurs), ou du CESI. D'autres encore ont quitté la Compagnie, soit pour aller dans différentes compagnies (Air Inter par exemple), soit pour exercer d'autres métiers (l'un d'eux est écrivain et il a été directeur de collections chez plusieurs éditeurs). Ainsi, un peu plus de 2800 personnes ont été formées par l'École sur la période 1948-1997.
On retrouve encore à peu près 1 800 actifs issus de l'École dans tous les secteurs d'activité de l'entreprise et de tous niveaux hiérarchiques : 200 PN, 900 Mécaniciens / Techniciens, 500 Maîtrises, 150 Cadres GR-1, 50 Cadres GR 2-3.
De plus 150 élèves ont été formés pour des compagnies associées étrangères (Air Inter, Cameroun Airlines, Tunisair...).
En 1996 se crée le CFA des Métiers de l'Aérien qui élargissait le périmètre des formations et orientait la formation vers l'apprentissage.
Témoignages d'anciens apprentis
Le Centre va abriter une école d'apprentissage pour « mécaniciens », capable d'accueillir 200 élèves, une école technique assurant la formation des nouveaux cadres et pilotes de lignes en même temps que le perfectionnement des anciens et une unité de formation pour agents administratifs et commerciaux. S'y sont ajoutés les simulateurs de tous types (21 juin 1957, arrivée du premier simulateur Super Constellation) et un centre informatique. Aujourd'hui, le CIV est encore une pépinière dans beaucoup de disciplines techniques. Il forme, en plus des agents Air France, de nombreux stagiaires étrangers.
À l'époque où j'ai connu Vilgénis, le parc faisait plus de soixante-huit hectares avec la Bièvre au fond et des arbres magnifiques dont, hélas, certains ont été mis bas pas la grosse tempête.
J'y ai connu en 1960 :
et j'ai failli, à un an près, porter un pantalon « golf » comme uniforme.
Ma mère était très « conservatrice ». Elle avait conservé tous mes courriers de cette époque et, avec l'aide de ma sœur, je viens de les retrouver en juillet 2005. Voici donc deux cartes postales de Vilgénis à la fin des années 50 et une entête du papier à lettre pour les apprentis.
La formation évolue pour aller au plus utile, alors que pendant longtemps l'école de Vilgénis nous donnait une vision large du métier. La formation est plus ciblée. La promotion est-elle encore possible ? L'encadrement, la hiérarchie intermédiaire étaient issus des promotions techniques formées à l'école. C'est la conception même de la formation de l'école qui a permis cela. Aujourd'hui, ne serait-ce plus le cas ? Les mécanos sont-ils formés pour rester des mécanos ? D'où vient la hiérarchie aujourd'hui ? D'où viendra t-elle dans dix ans ?
André Bes,
François Coulomb,
Jean-Claude Le Berre,
Dominique Ottello,
Jean-Louis Rattier
Édition du Musée Air France - Mars 2009
Uniquement disponible auprès de :
Musée Air France
Aérogare des Invalides
2 rue Esnault Pelterie
75007 PARIS
Tél : 01 43 17 20 98
Prix : 10 Euros - Port : 10 Euros
Détails en cliquant sur l'image de la brochure
MÀJ : 4 juillet 2024
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