Célèbre ingénieur maritime français, né à Ploemeur, près de Lorient, 15 octobre 1816, et fils d'un ancien capitaine de vaisseau. Admis à l'Ecole polytechnique en 1835, il en sortit pour entrer dans le génie maritime. En 1845, M. Dupuy de Lôme fut chargé d'aller étudier en Angleterre le mode de construction des navires en fer, et ce fut après son retour, sur ses indications et ses plans, que furent construits à Toulon nos premiers vaisseaux de ce genre. Vers la même époque, il reçut la mission d'inspecter les bateaux à vapeur de ce grand port de l'Etat, présenta des projets pour en agrandir les ateliers et les bassins, réorganisa les chantiers maritimes de la Ciotat, près de Marseille (1852), et devint, en 1853 ingénieur de première classe. Depuis lors, M. Dupuy de Lôme a été successivement nommé chef de la direction du matériel au ministère de la marine (1857), conseiller d'Etat (1860), et en 1861 commissaire du gouvernement, chargé de défendre près du Corps législatif l'administration de la marine. Cet éminent ingénieur a introduit dans notre marine des améliorations et des transformations de la plus haute importance. C'est à lui qu'on doit la construction de notre premier vaisseau de guerre à vapeur à grande vitesse, le Napoléon (1852), qui, sans voiles, peut faire 22 kilomètres à l'heure, et qui, malgré les vents et les courants contraires, permit à notre flotte de traverser le détroit des Dardanelles en 1854, alors que la flotte anglaise était impuissante à le franchir ; c'est à lui qu'on doit la transformation en navires à vapeur de nos anciens navires à voiles, transformation qu'on opère en les allongeant par le centre ; c'est lui qui dirigea, en 1858, à Toulon, la construction de notre première frégate blindée, la Gloire, devenue le type de nos vaisseaux cuirassés, de même que le Napoléon est resté le type de nos vaisseaux à vapeur. Lorsque cette frégate, toute cuirassée sur bois, fournissant une vitesse de 12 à 13 nœuds en temps calme et pouvant franchir d'un trait, avec sa cargaison de charbon, 300 lieues marines à toute vapeur ; lorsque cette frégate fut lancée, le 24 novembre 1859, l'Angleterre prit l'alarme, se mit à organiser des corps de volontaires, et l'amirauté s'efforça, mais en vain, de créer dans le Warrior un vaisseau qui surpassât la Gloire. Enfin, M. Dupuy de Lôme a créé un type particulier de paquebots pour la compagnie des Messageries impériales. En 1869, M. Dupuy de Lôme a été élu, avec l'appui du gouvernement, membre du Corps législatif par la circonscription de Lorient. Il est devenu aussitôt un des députés les plus marquants de la majorité, et lorsque, à la fin de décembre de la même année, l'empereur chargea M. Emile Ollivier de former un ministère et d'inaugurer une politique nouvelle, des ouvertures furent faites, dit-on, à M. Dupuy de Lôme pour le faire entrer dans une combinaison ministérielle qui échoua. Depuis lors il a voté avec la droite, a pris une part fort active à la discussion sur notre régime commercial et s'est prononcé pour le système du libre échange. Depuis 1863, M. Dupuy de Lôme est grand officier de la Légion d'honneur et, depuis 1866, membre de l'Académie des sciences. Il a publié en 1843 un ouvrage sur la construction des bâtiments de fer.
II rentra dans la vie privée après la révolution du 4 septembre 1870. Toutefois le gouvernement, désireux d'utiliser ses talents et son expérience, le nomma membre du comité de défense de Paris. M. Dupuy de Lôme, dès que cette ville fut investie par les Allemands, s'occupa des moyens d'établir des communications avec l'extérieur et entreprit, dans ce but, de construire des ballons dirigeables. Au mois d'octobre, il exposa à l'Académie des sciences l'idée qu'il avait conçue, et le gouvernement de la Défense s'empressa de mettre à sa disposition 40 000 francs pour la mettre à exécution ; mais ce ne fut que tout à fait à la fin du siège qu'il parvint à construire un aérostat, dont on fit l'essai le 2 février 1871, et qui ne donna point les résultats qu'en attendait son auteur. Au mois de juillet M. Dupuy de Lôme entretint la même Académie d'un projet qu'il avait conçu pour accroître la rapidité des communications entre la France et l'Angleterre. Ce projet consiste à transporter, sur des navires construits ad hoc et d'une longueur de 135 mètres, des trains entiers de chemin de fer. Ces trains s'introduiraient dans le navire porte-train par son arrière et seraient recouverts par un pont supérieur, qui les mettrait à l'abri des vents et des mauvais temps. La traversée, qui devrait avoir lieu de Calais à Douvres, où serait construit un port spécial, se ferait en une heure dix minutes par un beau temps et en une heure et demie au plus par un temps mauvais. Ce projet, d'après son auteur, présenterait de grands avantages, au point de vue de la facilité de la réalisation, sur les projets relatifs à la construction d'un pont sur la Manche ou d'un tunnel sous-marin. En 1874, M. Dupuy de Lôme a inventé un nouveau type de bateaux à vapeur pour rivières, qui paraît présenter des avantages considérables. Le 16 mars 1874, il se rendit à Chiselhurst auprès de l'ex-prince impérial et y prit part à la manifestation organisée par les bonapartistes. Le 20 février 1876, il posa, mais sans succès, sa candidature à la députation. Le 10 mars 1877, les groupes réactionnaires du Sénat le portèrent candidat contre M. Alfred André, soutenu par les républicains, et il fut élu sénateur à vie à 2 voix de majorité. Le 19 juillet suivant, M. Dupuy de Lôme a voté pour la dissolution de la Chambre des députés, demandée par le maréchal de Mac-Manon, qui venait de ressusciter la politique de combat contre les républicains.
II est mort à Paris le 1er février 1885. Au Sénat, où il entra le lO mars 1877, en qualité de sénateur inamovible, élu par les groupes réactionnaires, M. Dupuy de Lôme n'eut jamais une attitude militante. Sur certaines questions spéciales, il lui arriva même plusieurs fois de se séparer de la droite pour voter avec le gouvernement. Nous citerons entre autres la question de la marine marchande, dans laquelle il prit une part active à la discussion pour appuyer le projet ministériel. Le premier il a déterminé les conditions qui permettent d'obtenir la stabilité de l'aérostat et la permanence de sa forme. Aussi ceux qui, depuis, se sont occupés de la direction des ballons n'ont point hésité à lui attribuer le mérite d'une découverte dont ils n'ont fait que perfectionner les détails. Lorsque, le 9 août 1884, les capitaines Renard et Krebs firent, à Vélizy, une expérience couronnée de succès, ce fut M. Dupuy de Lôme qui lut à l'Académie des sciences la relation de leur voyage et qui, avec une joie patriotique, prononça leur éloge. Il appartenait à l'Institut depuis 1866.