Chimiste anglais, créé baronnet par George IV en 1818, né à Penzame, bourg du comté de Cornouailles, le 17 décembre 1778, mort à Genève (Suisse) le 29 mai 1829. Il était l'aîné de cinq enfants. Son père, qui, après avoir exercé sans profit l'état de sculpteur sur bois et de doreur, s'était retiré dans une propriété qu'il possédait, mourut en 1794, laissant sa veuve dans une situation fort triste. Le jeune Humphry avait profité avec ardeur du peu de moyens qu'il avait trouvés de s'instruire.
Livré à lui-même, il en profitait pour parcourir en poëte les sites qui environnent sa ville natale et s'essayait à en décrire les beautés, lorsque la mort de son père vint l'arracher à ses plaisirs favoris. Sa mère, réduite à ouvrir une petite boutique de modes et à fonder une pension bourgeoise pour les étrangers, le plaça chez un pharmacien, en qualité d'aide apprenti. Heureusement, son maître le chargeait de toutes les courses, et Davy trouvait souvent à satisfaire son désir d'apprendre.
Un des fils du célèbre Watt étant venu passer quelque temps chez Mme Davy, Humphry chercha obstinément les moyens de se faire remarquer de lui, et, pour pouvoir lier connaissance, se mit à dévorer la chimie de Lavoisier, qui lui révéla sa vocation. Soit fantaisie, soit intuition, il se prit à se persuader que la théorie de la combustion de notre illustre compatriote laissait beaucoup à désirer ; il fit part de son opinion à Watt et l'appuya d'expériences assez ingénieuses, de raisonnements assez subtils pour attirer l'attention de son interlocuteur. C'était le seul but qu'il se fût proposé, mais le goût des recherches scientifiques était né en lui, et il trouva une carrière brillante là où il n'avait cherché qu'une distraction passagère.
Encouragé par Watt, il adressa au docteur Thomas Beddoes, pour le recueil scientifique qu'il publiait, un mémoire sur la chaleur et la lumière, où il essayait de ruiner la théorie de Lavoisier, et un autre sur la respiration des plantes marines et leur action sur l'eau dans laquelle elles vivent. Beddoes s'empressa de l'appeler près de lui dans son Institution pneumatique, établissement médical où il traitait les maladies du poumon. Le contrat d'apprentissage du jeune Davy fut résilié sans difficulté par son patron, qui ne le regardait que comme un pauvre sujet. Heureusement Beddoes en jugeait autrement ; il s'empressa de mettre à la disposition de son jeune ami un laboratoire et même son amphithéâtre, pour y donner des leçons. C'est dans l'Institution pneumatique que Davy reconnut, en 1800, l'action exhilarante du protoxyde d'azote, découvert depuis vingt-quatre ans par Priestley, et qu'il fit sur lui-même une série d'expériences relatives aux actions physiologiques de la vapeur du charbon.
Le comte de Rumford venait de fonder à Londres l'Institution royale, destinée à propager les découvertes scientifiques applicables à l'industrie et à tous les arts utiles ; il s'était brouillé avec son professeur de chimie, le docteur Garnett ; les amis de Davy imaginèrent de le lui proposer. La présentation fut aussi pénible que le comportait le caractère de Rumford ; cependant le jeune candidat obtint la faveur de pouvoir faire quelques leçons sur les propriétés des gaz, dans une chambre particulière de la maison. Il n'en fallait pas davantage : la variété des idées, la clarté, la vivacité du nouveau professeur enchantèrent bientôt le public, et l'on se vit aussitôt obligé de lui offrir le grand amphithéâtre. Sa jeunesse, sa jolie figure l'ayant mis à la mode, il se laissa aller volontiers aux douceurs d'une existence si nouvelle pour lui, sans jamais perdre de vue pourtant les intérêts de la science.
Sa rapide élévation paraîtrait avoir été mesurée à la brièveté de la carrière qu'il lui était réservé de parcourir ; mais sa fébrile organisation lui imposait une activité proportionnée. Nommé membre de la Société royale en 1803 et secrétaire de cette Société en 1806, on le voit couronné par l'Institut en 1807, associé à ce corps en 1817, fait baronnet en 1818, élevé enfin à la présidence de la Société royale en 1820. L'énumération parallèle de ses travaux montrera que de si grands honneurs étaient bien mérités.
Dès 1801, Davy avait construit une pile puissante différente de celle de Volta, dans laquelle un seul métal alternait avec deux liquides ; en 1802, il donnait les premiers exemples de décompositions chimiques par la pile ; en 1806, il formulait cette idée hardie que l'affinité chimique n'est autre que l'énergie des pouvoirs électriques opposés ; peu de temps après, il décomposait la potasse et la soude et obtenait deux nouveaux métaux dont les remarquables propriétés ajoutaient encore à l'éclat de leur découverte. C'est lui qui a donné leurs noms au potassium et au sodium.
La recherche des lois de l'intensité des courants date de 1821. Elle fut tentée par Davy, qui le premier donna la formule de conductibilité des fils métalliques, formule que Becquerel confirma en 1825. Sa pile lui permit de formuler que la résistivité des métaux varie avec la température.
Il avait conservé une sorte de rancune enfantine à la théorie de la combustion, et il y cherchait partout des exceptions. La décomposition des alcalis fixes en métaux et en oxygène, jusqu'alors inconnue, venait déjà de porter un coup assez rude à cette théorie, en montrant l'oxygène aussi bien producteur de bases que d'acides ; mais Davy voulait absolument détrôner l'oxygène. L'acide muriatique lui fournit enfin, en 1810, l'exemple qu'il cherchait depuis si longtemps. Les chimistes s'efforçaient en vain depuis Scheele de découvrir le radical de cet acide ; on se perdait dans les dénominations d'acide muriatique pur, déphlogistiqué et oxygéné ; on s'égarait encore davantage dans les théories qui avaient donné lieu à ces appellations. Gay-Lussac et Thenard venaient bien d'émettre l'hypothèse qui devait trancher la question, mais ils n'osaient pas la formuler catégoriquement. C'est Davy qui proclama le chlore un corps simple et qui le baptisa.
Les découvertes de l'iode et du fluor vinrent bientôt après confirmer la théorie de Davy. Sa réputation était devenue telle, que les industriels ne croyaient plus que rien lui fût impossible.
Une terrible explosion étant ve nue frapper un grand nombre d'ouvriers dans une mine de Cornouailles, un comité de propriétaires de mines vint porter à Davy l'invitation d'indiquer les moyens de prévenir de tels accidents. La question était pressante, mais difficile ; Davy la résolut en quelques mois par l'invention de sa lampe de sûreté, qui a depuis sauvé la vie à des milliers de travailleurs. Cette découverte est d'autant plus belle qu'elle n'a rien de fortuit, la question exigeant une solution d'autant plus prompte qu'il s'agissait de vie et de mort. Davy se mit aussitôt à l'étude ; il commença par analyser le grisou, se rendit compte des proportions dans lesquelles son mélange avec l'air le rendait dangereux, expérimenta l'explosion du mélange dans différents réservoirs, et ayant remarqué que la combustion des deux gaz donnait assez peu de chaleur pour que l'interposition de diaphragmes solides arrêta la propagation de la flamme, il en vint bientôt, après quelques essais, à proposer l'emploi de toiles métalliques pour isoler l'intérieur de la lampe de l'air répandu, dans les galeries de la mine. II semblait, dit Cuvier, que l'on put désormais commander à Davy une découverte comme on commande à d'autres une fourniture.
L'amirauté, préoccupée des dépenses qu'exigeaient l'entretien et le renouvellement des armures de cuivre dont on recouvrait les coques des navires, lui demanda, en 1823, un préservatif pour en empêcher la rapide oxydation ; la réponse ne se fit pas davantage attendre. Davy, après avoir constaté que l'altération du cuivre était produite par le sel marin, qui lui-même se décomposait pour donner lieu à la formation d'un chlorhydrate de cuivre, imagina simplement de fixer les plaques par des clous de fer, qui formeraient avec le cuivre des éléments où ce dernier métal, chargé d'électricité négative, perdrait la faculté d'agir sur la dissolution saline.
La santé de Davy allait en déclinant depuis 1818. Il s'était fait donner alors un million à Naples, pour aider de ses connaissances la commission des fouilles d'Herculanum. L'activité de son intelligence était toujours la même, mais le goût des rêveries poétiques lui était revenu. Pendant les hivers de 1827 et de 1828 qu'il passa en Italie, il écrivit, sous le titre de Salmonia, le récit intéressant de ses voyages et de ses observations sur l'histoire naturelle, et les Consolations en voyage que Cuvier appelle l'œuvre d'un Platon mourant et où l'on retrouve ces douces rêveries et ces vagues pensées qui avaient enchanté sa jeunesse. Atteint d'une hémiplégie du coté droit, il succomba à une dernière attaque, à Genève, le 29 mai 1829.
Il était membre titulaire ou correspondant de la plupart des sociétés savantes de l'Europe. Sa veuve fonda en souvenir de lui un prix de chimie, que l'Académie de Genève décerne tous les deux ans ; quand elle mourut, en 1868, elle légua à la Société royale de Londres, pour que le prix en fût employé à de nouvelles récompenses scientifiques, un magnifique service d'argenterie valant 100000 francs, que les propriétaires de mines avaient offert par souscription à Davy pour lui témoigner leur gratitude, après sa découverte de la lampe de sûreté.
Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle - Pierre Larousse