Astronomie - René Paris - Promotion 1950-1953

En approche du big-bang

Dans l'article « La distance des étoiles de la banlieue et de la grande banlieue » nous sommes allés jusqu'à 100 millions voire 350 millions d'années-lumière. Les céphéides qui nous ont permis d'atteindre ces distances sont des étoiles qui se dilatent et se contractent avec une période allant de quelques heures à quelques dizaines de jours. Leur dilatation provient de ce que l'énergie qu'elles produisent excède celle qui leur serait juste nécessaire pour vaincre la gravité qui tend au contraire à comprimer la matière vers leur noyau. Mais en se dilatant, il arrive un point où l'énergie rayonnée, qui est proportionnelle à la surface, devient supérieure à l'énergie produite. L'étoile se re-contracte, de ce fait sa température augmente donc l'énergie produite aussi jusqu'à ce que... vous avez compris la suite, et ainsi de suite avec la régularité d'un métronome.

Dans ce processus, l'étoile conserve son intégrité, mais il y a des étoiles dont les sautes d'humeur sont bien plus violentes : ce sont les novæ. Pourquoi nova ? Parce que c'est une étoile qui apparaît brusquement là où, la veille, il n'y avait rien. C'est une « nouvelle » étoile et ce sont très souvent les amateurs astronomes qui s'en aperçoivent. En effet, certains d'entre eux connaissent le ciel comme leur poche et un simple coup d'œil embrassant tout le ciel leur révèle l'intruse. Les astronomes professionnels sont occupés sur des programmes bien précis pour lesquels ils ont eu bien du mal à obtenir quelques heures d'observation sur un grand télescope et leur champ de vision se limite en général à quelques secondes ou quelques minutes d'arc. Mais qu'un amateur donne l'alerte et voici que la majorité des télescopes se braquent immédiatement sur le phénomène.

V838 Monocerotis

V838 monocerotis est à 20 000 années lumière dans la constellation de la Licorne. Elle est apparentée aux novæ mais contrairement à ces dernières elle ne semble pas avoir expulsé une grande proportion de matière depuis ses couches externes et n'a pas produit d'explosion nucléaire. On pourrait dire que c'est une étoile intermédiaire entre les Céphéides et les novæ, ou ce peut-être la collision de deux étoiles, évènement dont la probabilité est extrêmement faible mais néanmoins possible.

Que s'est-il passé ? En fait, ce n'est pas une nouvelle étoile, comme le terme de nova peut le faire penser, mais c'est une étoile trop lointaine ou dont la luminosité était trop faible pour être perçue jusque-là. Tout se passe comme si sur une bougie trop lointaine pour être vue, on avait versé un fût d'essence. Pour l'étoile, c'est un brusque sursaut d'énergie, une explosion qui chasse ses couches superficielles à des vitesses qui se chiffrent en milliers de km/seconde. L'énergie rayonnée par l'étoile est multipliée des millions de fois et ne dure que quelques jours. L'étoile reprend ensuite son éclat initial, mais certaines ont déjà renouvelé l'expérience plusieurs fois.

Je ne m'étendrai pas sur le mécanisme qui expliquerait ce phénomène, d'une part car il y en deux possibles et pas totalement satisfaisants pour tous les astronomes et d'autre part parce que le développement serait trop long et surtout parce que ma frappe au clavier est trop laborieuse. De plus, les novæ ne sont d'aucune utilité pour arpenter le ciel car de puissances très diverses. Alors pourquoi nous en avoir parlé, direz-vous ? Tout simplement comme apéritif pour vous parler des super-novæ que l'on appellera SN pour la suite.

L'avenir des étoiles dépend de leur masse. Les étoiles ayant une masse de l'ordre de celle de notre soleil, une fois qu'elles ont « brûlé » leur hydrogène puis leur hélium, se dilatent en une géante Rouge pour enfin s'effondrer pour donner finalement une naine blanche.


Pour d'autres masses d'étoiles, il y a un autre scénario qui donne deux types de SN.

Les SN de type 2, provenant d'étoiles massives qui après avoir « brûlé » leur hydrogène, consommé leur hélium vers 200 millions de degrés C, puis successivement avec des températures croissantes, le carbone, le néon, l'oxygène, le silicium atteignent de l'ordre de quatre milliards de degrés. Mais à partir du milliard de degrés, de nouvelles particules comme le neutrino entrent en jeu au cœur des étoiles. En s'échappant, ces particules emportent avec elles une grande partie de l'énergie de l'étoile. Pour compenser cette perte, l'étoile se contracte pour arriver finalement à l'élaboration du fer dans son noyau. Le fer est l'élément le plus stable de l'Univers. À ce stade les réactions nucléaires s'arrêtent. L'étoile s'effondre sur elle-même en quelques dixièmes de seconde et sa masse volumique atteint dix tonnes par cm cube ! Les électrons et les protons fusionnent en neutrons. La fuite des neutrinos est dramatiquement intense. L'effondrement du cœur s'accélère jusqu'à des vitesses de 70 000 km/seconde. Tout cela dure moins d'une seconde. Quand la masse volumique atteint celle d'un noyau d'atome soit 700 000 tonnes par mm cube, les forces de répulsion nucléaire entrent en jeu et l'effondrement est brutalement stoppé. L'onde de choc qui en résulte fait exploser l'étoile. C'est une SN. Ce n'est plus un fût d'essence versé sur la bougie mais un tanker de gaz tout entier. Une SN fournit en quelques secondes autant d'énergie que la totalité des étoiles de l'Univers. C'est ainsi qu'elle apparaît, même pour celles se produisant dans les plus lointaines galaxies, aussi lumineuse que les plus brillantes étoile proches. Ce qui reste de l'étoile devient un objet compact, trou noir ou étoile à neutrons dont la masse volumique est inimaginable.

Les éléments légers de la table de Mendeleïev sont fabriqués au sein des étoiles au cours de leur vie tranquille, mais les éléments plus lourds au-delà du fer et jusqu'à l'uranium sont fabriqués lors de l'explosion des SN. Tout est dispersé dans l'espace et viendra enrichir les futures étoiles et former les futures planètes et ceux qui vivront dessus... s'il y en a. Les SN de type 2 ne sont pas utilisables non plus pour arpenter l'Univers car trop diverses.

Alors venons-en aux SN de type 1 et particulièrement celles de type 1a. On les appellera SN1 et SN1a.

Ce type de SN se produit lorsqu'une étoile tourne autour d'une naine blanche. Dans l'Univers, les étoiles vivent majoritairement en couple, liées par la gravité et tournent l'une autour de l'autre. On trouve des étoiles doubles appelées binaires, triples, quadruples, quintuples et même sextuples. Ce ne sont plus des couples, ce sont des partouzes ! Les ballets de ces étoiles s'étalent sur des périodes de quelques années à quelques siècles. Il arrive que la naine blanche très dense bien que petite attire à elle la matière de sa compagne. Elle se met à engraisser et lorsque sa masse atteint 1,4 fois la masse de notre soleil (c'est la limite de Chandrasekhar, prix Nobel de Physique) elle explose en SN1. Comme toutes les SN1 proviennent de l'explosion de naines blanches ayant atteint la limite de Chandrasekhar, elles ont toutes la même puissance lumineuse absolue. Il suffit de mesurer leur luminosité apparente, pour qu'en application de la règle déjà vue : la luminosité décroît comme le carré de la distance ; on trouve leur distance.

Mais comment savoir si l'on a affaire à une SN2 ou à une SN1 et en particulier à une SN1A ? On y parvient en analysant le spectre de la SN. Le spectre des SN2 montre les raies dominantes de l'hydrogène et de l'hélium. Le spectre des SN1 n'a pas la raie de l'hydrogène. Le spectre des SN1a, en plus de l'absence de la raie de l'hydrogène, montre celle du silicium.

Galaxie M81

Seule la SN marquée d'une flèche fait partie de la galaxie M81. Les autres étoiles visibles sur la photo font partie de notre Galaxies et sont à quelques dizaines ou centaines d'années-lumière. La galaxie M81 est à 8 500 000 années-lumière.

Voici la nébuleuse du Crabe

Nébuleuse du Crabe

C'est ce que l'on observe aujourd'hui des restes de la SN qui s'est produite en 1054, et qui a été mentionnée par les astronomes chinois de cette époque. Elle est située à 6300 années-lumière dans la constellation du Taureau, c'est donc une SN de notre Galaxie. Elle a un diamètre de 11 années-lumière et sa vitesse d'expansion est de 1500 km/seconde. Elle resta visible en plein jour pendant plus de trois semaines.


Le terme de super-novæ est bien mal choisi, car en fait ce n'est pas la naissance d'une nouvelle étoile mais la mort d'une étoile.

Les apparences sont trompeuses.René Paris, promo 50-53+R.