La traque des planétes extra-solaires

Les planètes, qu'elles soient de notre système solaire ou non sont des corps solides ou gazeux qui gravitent autour d'une étoile. Leur masse est minime par rapport à celle de l'étoile, de plus elles n'émettent pas de lumière visible propre, elles ne font que réfléchir celle qu'elles reçoivent de leur étoile qui, elle, est énorme.

Voir les planètes hors de notre système solaire est une tâche ardue, si ardue qu'elle a longtemps été considérée comme impossible. Mais comme pour l'observation de la couronne solaire, qui a été jugée hors de portée en dehors des éclipses totales (Voir ou revoir à ce sujet l'article sur l'observation du soleil.), des astronomes se sont attelés au problème, regardés un peu par leurs collègues comme de doux rêveurs pas du tout dangereux.

Projecteur DCA

Jugez de la difficulté : c'est en gros vouloir observer depuis la ville de Lille un ver luisant déambulant lentement sur le pourtour d'un puissant projecteur de DCA situé à Marseille. (On fait abstraction ici de la rotondité de la Terre qui de toute façon empêche une vision directe entre Lille et Marseille). Et pourtant, en octobre 1995, deux astronomes de l'université de Genève, Michel Mayor et Didier Queloz annoncent la détection, à l'observatoire de Haute Provence, de la première planète hors du système solaire. La planète orbite autour de l'étoile 51 située à 48 années-lumière, dans la constellation Pégase. Elle est promptement baptisée 51Pégasi. Antérieurement à cette date, quelques annonces de détection de planètes extra-solaires avaient été faites mais après vérification elles avaient toutes été rétractées comme étant des artéfacts de mesures. La détection de 51Pégasi a été faite par la méthode de la vitesse radiale.

Méthode de la vitesse radiale.

Une planète parcourt une orbite car en même qu'elle chute verticalement en permanence sur son étoile, elle s'en éloigne tangentiellement à une vitesse telle que la force centrifuge qui en résulte équilibre à tout instants la force d'attraction de l'étoile. La combinaison de ces deux mouvements aboutit à ce que la trajectoire de la planète est une ellipse dont l'étoile occupe l'un des deux foyers. Mais si l'étoile attire la planète, celle-ci attire également son étoile mais dans une bien plus faible mesure car la masse d'une étoile est considérablement plus grande que celle d'une planète (par exemple la masse de la Terre ne représente que 3 millionièmes de celle du soleil !). En définitive la planète va induire un petit mouvement circulaire à l'étoile. Il suffit de mesurer le déplacement maximum de part et d'autre de l'axe de visée de l'étoile et le tour est joué. Seulement voilà, ce déplacement est si petit et la distance des étoiles est si grande que les télescopes actuels sont incapables de le mettre en évidence. (On peut voir ou revoir à ce sujet l'article sur le grossissement d'un télescope). Alors on baisse les bras, on ferme le télescope et l'on va se coucher ? Eh bien non, on réfléchit. Au lieu de chercher à détecter un déplacement latéral par rapport à la ligne de visée, regardons ce qu'il se passe entre la position de la planète en avant et celle qui est en arrière de son étoile. Et là, on s'aperçoit que lorsque la planète est en avant, l'étoile se rapproche de l'observateur et qu'elle s'en éloigne lorsque la planète passe derrière son étoile. Nous allons pouvoir mesurer non pas une distance ou un angle mais la vitesse de ce déplacement en utilisant l'extraordinaire sensibilité apportée par les mesures basées sur l'effet Doppler Fizeau. Quand l'étoile se rapproche, son spectre se décale vers le bleu et au contraire il se décale vers le rouge quand l'étoile, légèrement attirée par la planète qui passe derrière elle, s'éloigne de l'observateur. (On peut voir ou revoir à ce sujet l'article sur la mesure des très lointaines galaxies.). En ce qui concerne 51Pégasi, la vitesse radiale a été mesurée à 59 m/s et actuellement la méthode permet de mesurer des vitesses de l'ordre de 2 ou 3 m/s, c'est à dire la vitesse d'un bon marcheur à pied. (À titre d'exemple, la Terre imprime au soleil une vitesse radiale de 10 cm/s, on est donc encore loin du compte). Si l'on connaît la masse de l'étoile par la mesure de son spectre, de sa luminosité intrinsèque, de sa distance, etc., on peut calculer la masse de la planète, en plus de sa période de révolution et de sa distance à l'étoile qui permet d'estimer sa température de surface. Pas mal, n'est-ce pas, pour quelque chose que l'on ne voit pas !

Méthode des transits

Lorsqu'une planète passe devant son étoile, elle en diminue la luminosité d'une quantité infime. L'amélioration des détecteur CCD (les mêmes que ceux des appareils photo numériques) et surtout leur absence de seuil de sensibilité a permis la mesure de cette baisse de luminosité par les télescopes au sol et encore mieux par ceux qui sont satellisés tels que Corot et Kepler. La baisse de luminosité est proportionnelle à la grosseur de la planète, ce qui, en conjonction avec la masse déterminée par la méthode de la vitesse radiale, permet de déterminer sa densité et de savoir s'il s'agit d'une planète gazeuse comme Jupiter ou Saturne ou d'une planète rocheuse comme la Terre, Vénus ou Mars, on dit alors tellurique.

Il existe une variante de la méthode que nous venons de voir. La planète en tournant autour de son étoile passe, par rapport à la ligne de visée, par certaines positions où elle réfléchit vers l'observateur une partie de la lumière qu'elle reçoit. Cette lumière réfléchie s'ajoute à celle que le télescope reçoit habituellement en dehors de ces positions particulières. Une « simple » soustraction donne la seule lumière réfléchie par la planète.

Méthode des micro-lentilles

Cette méthode est utilisée lorsqu'une étoile très lointaine vient à être occultée par une étoile plus proche. À l'approche de l'occultation, la lumière de l'étoile lointaine qui est un faisceau divergent comme toute lumière issue d'un point lumineux, subit une déviation provoquée par la forte gravité de l'étoile occultante. C'est l'effet de lentille gravitationnelle expliquée et prévue par la relativité d'A. Einstein. Le résultat est que le faisceau lumineux divergent de l'étoile lointaine devient moins divergent, ou autrement dit plus convergent, ce qui se traduit par une augmentation de la luminosité au niveau du télescope. Si l'étoile occultante possède une planète, la concentration sera variable en fonction de la position de la planète sur son orbite. La mesure de la période de variation de luminosité qui en découle donne la durée que met la planète pour parcourir son orbite. Cette méthode a permis de découvrir les plus petites planètes connues à ce jour avec toutefois une grande incertitude sur leur masse.

Méthode du chronométrage.

Certaines étoiles comme les pulsars émettent une lumière dont l'intensité est variable suivant une périodicité d'une grande constance. Cette périodicité peut être de quelques minutes à plusieurs années suivant l'astre considéré. Beaucoup d'étoiles vivent en couple, l'une tournant autour de l'autre (il y a même des associations de trois, quatre, cinq et même six étoiles, une vraie partouze). La régularité des occultations qui en découlent est là aussi très grande. Si l'on observe une variation périodique de cette régularité, c'est l'indice qu'une, ou plusieurs planètes, vient perturber le système. C'est la même méthode que celle qui avait été employée par Roemer en 1676 pour déterminer la distance Terre-Soleil par l'observation des occultations des satellites de Jupiter. (On peut voir ou revoir l'article sur la mesure des distances dans le système solaire - la distance des planètes).

Méthodes de l'imagerie.

Aucune des méthodes que nous avons vues jusque là ne permet de voir les planètes. Elles ne font que détecter des perturbations que la logique attribue à la présence de planètes. Le ver luisant tournant autour du projecteur est toujours invisible.

Cependant on avance et l'on a pu voir les plus gros vers luisants qui sont dans la pelouse un peu loin du projecteur !

Une première approche consiste à travailler non pas dans le domaine de la lumière visible mais dans celui de l'infrarouge. En effet, si dans le domaine du visible, la lumière d'une étoile est dans la fourchette du milliard de fois plus forte que celle de sa planète, ce rapport tombe à « seulement » un million dans le domaine de l'infrarouge. Voilà un facteur 1000 gagné d'un seul coup bien facilement, seulement les télescopes sont bien moins performants en infrarouge qu'en visible, en particulier en ce qui concerne le pouvoir séparateur ou de résolution qui est inversement proportionnel à la longueur d'onde de la lumière observée. Tout se paye !

Le pouvoir de résolution des télescopes est très fortement dégradé par l'atmosphère terrestre en constante turbulence. Deux solutions pour rétablir le pouvoir de résolution à son maximum théorique qui est proportionnel au diamètre du miroir principal du télescope. (On peut voir ou revoir l'article sur le grossissement des télescopes).

La première solution consiste à placer le télescope en orbite autour de la Terre hors de l'atmosphère. Solution efficace mais chère !

La seconde consiste à compenser les distorsions introduites par l'atmosphère grâce à un petit miroir dans le télescope dont la déformation est commandée par ordinateur. L'ordinateur compare la lumière d'une étoile artificielle, donc non perturbée, à celle de l'étoile observée qui, elle, subit la turbulence atmosphérique. Il calcule alors le signal électrique à envoyer à des vérins piézo-électriques qui déforment le miroir en conséquence et ceci de l'ordre du millier de fois par seconde, tout ceci bien sûr dans le domaine du centième de micron. C'est ce que l'on appelle optique adaptative.

Les planètes circulent très près de leur étoile en comparaison de la distance qui nous en sépare, c'est pour cela qu'il faut avoir le meilleur pouvoir de résolution possible mais elles sont également noyées par la lumière aveuglante de leur étoile. On peut « éteindre » la lumière de l'étoile en plaçant un disque occulteur sur le trajet de la lumière dans le télescope (On peut même envisager de placer le disque très loin sur la ligne de visée du télescope en le satellisant, mais c'est une autre histoire). C'est la solution du coronographe utilisée par Bernard Lyot pour observer la couronne solaire en dehors des éclipses totales (On peut voir ou revoir l'article sur l'observation du soleil). Malheureusement l'occultation par le disque est assez fortement plus large que ce qu'il serait juste nécessaire et seules les planètes circulant assez loin de leur étoile peuvent être vues.

Battement fréquence - René Paris

Revue Ciel et Espace


Une amélioration du système consiste à utiliser non pas un disque occulteur mais une lame de phase transparente. Cette lame est intercalée entre le miroir du télescope et le détecteur. Elle est constituée de deux moitiés juxtaposées (Certaines ont quatre quadrants). Les deux moitiés ont chacune une épaisseur légèrement différente de telle sorte que la lumière qui traverse la plus épaisse soit retardée d'une demi longueur d'onde par rapport à l'autre moitié. N'oublions pas que la longueur d'onde de la lumière visible tourne autour de 500 nm (500 nanomètres soit 0,5 micron) et que la précision doit être de l'ordre du centième de micron avec des faces de la lame strictement parallèles. Ainsi après avoir traversé la lame, les deux demi faisceaux s'annulent. Comme une planète éventuelle ne se trouve que dans un seul des demi faisceaux elle n'est pas annulée et devient donc visible.

Les anciens Radios reconnaîtrons la technique du battement zéro qui consiste à constater l'égalité de deux fréquences par annulation du battement audible qui résulte de leur mélange quand elles ne sont pas trop différentes. Les accordeurs d'instruments de musique utilisent la même technique.


Principe de l'interférométrie.

Battement fréquence - René Paris

Revue Ciel et Espace


Disons enfin un mot de l'interférométrie qui est sans doute la voie ouvrant l'accès aux plus grandes possibilités. Elle consiste à comparer la lumière reçue par deux ou plusieurs télescopes distants de plusieurs dizaines de mètres, voire même centaines ou milliers de mètres. Le pouvoir séparateur de l'ensemble est alors équivalent non pas au diamètre des télescopes mais à celui d'un télescope dont le diamètre serait égal à la distance qui les sépare. Comme dans la technique précédente, le jeu consiste à déphaser la lumière de l'un des télescopes de une demi longueur d'onde (ou d'un multiple entier impair de demi longueur d'onde). Comme la planète éventuelle est légèrement désaxée, son décalage ne sera pas exactement d'une demi longueur d'onde et lors de la recombinaison des deux faisceaux elle ne sera pas annulée. Le résultat n'est pas une image de la planète mais un ensemble de franges d'interférences qu'il faut traiter pour reconstituer une image observable. Le chemin parcouru par les deux faisceaux lumineux doit être maintenu constant au centième de micron près pendant toute la durée de la mesure. Chapeau pour des distances en centaines ou milliers de mètres !

Toutes ces techniques sont à l'extrême limite des possibilités des télescopes actuels. Si leur théorie est simple leur mise en ouvre est d'une extraordinaire difficulté.

Finalement voici quelques images montrant ce que l'on a pu obtenir.

Planète par technique du masque - René Paris

Revue Ciel et Espace


Image d'une planète obtenue par la technique du masque

Planète par Optique adaptative - René Paris

Revue Ciel et Espace


Image d'une planète obtenue par la technique de l'optique adaptative


Planète par Optique adaptative - René Paris

Revue Ciel et Espace


Image de trois planètes obtenue par la technique de l'optique adaptative sur l'un des plus grand télescopes actuels

Cette dernière photo est controversée. Ce ne serait pas trois planètes mais trois naines brunes, c'est à dire des étoiles pas assez massives pour s'allumer complètement.

Beaucoup de chemin reste à parcourir avant de voir le moindre détail sur une planète extra-solaire mais on est déjà capable de tirer pas mal d'informations sur certaines de ces planètes comme savoir si elles ont une atmosphère et en déterminer la composition. Des télescopes de 30 et 40 m de diamètre sont en projet, ce sera un nouveau grand pas de l'astronomie.


Parler des planètes extra-solaires conduit immanquablement à évoquer l'existence de la vie en dehors de notre planète Terre.

Voici ce qui est scientifiquement établi.

Voici ce qui est subjectif.

Cela dit, pourrons-nous avoir un contact avec une vie extraterrestre ? Jusqu'à une centaine d'années-lumière, il n'y a pas de doute que cela soit possible mais cela réduit considérablement le nombre de candidates possibles. De au bas mot 10 000 milliards d'étoiles de l'Univers on tombe sans doute à quelques dizaines de milliers et c'est bien peu au regard des contraintes qu'impose le développement de la vie.

Au delà, si on parle en millions ou milliards d'années-lumière, n'y pensons pas. L'homo sapiens sapiens existe depuis quelques dizaines de milliers d'années seulement. Il est devenu capable de communiquer à grande distances depuis quelques années à peine. En même temps il est devenu capable de faire sauter sa planète. Nos n'avons pas d'expérience sur la durée d'existence d'une civilisation technologique comme la notre capable de s'exterminer elle-même mais cette durée se chiffre sans doute en milliers ou au mieux un million d'années. C'est bien peu de chose devant le temps que la vie évoluée a mis à se développer - 5 milliards d'années - et devant le temps aller retour que mettrait un simple signal émis aujourd'hui. L'humanité a toutes les chances d'avoir disparu bien avant d'avoir reçu la réponse. Peut-être capterons nous un message extraterrestre émis il y a bien longtemps par une lointaine civilisation mais là c'est cette civilisation qui aura disparu avant d'avoir reçu notre réponse.

Cette difficulté de synchronisation dans le temps pourrait bien être la difficulté majeure.

Le temps, n'est-il pas étonnant que cette chose totalement immatérielle, ce truc, ce machin inodore, incolore, insipide qui n'est peut-être qu'une illusion, ait finalement une si grande importance !

Mais je ne voulais pas vous saper le moral !

Ah ! Au fait, une bonne nouvelle : avec la hausse de la température ces derniers jours, mes petits pois sont sortis de terre. (On peut voir ou revoir à ce sujet l'article sur le temps, temps solaire et temps sidéral).

René Paris - Promotion 50-54