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Depuis les temps lointains où Dédale s'affubla d'ailes de cire et de plumes, les rêveurs et les visionnaires ont joué, en aviation, un rôle éminent. Ils furent fatalement le point de mire du scepticisme universel dès l'instant où le fils de cet illustre précurseur devint, en un après-midi, recordman d'altitude et victime de son audace juvénile. L'on croit communément que cette aventure n'est qu'une légende. Je crains fort que les honorables chercheurs qui se sont échinés, pendant deux millénaires, à reconstituer le secret de ce vol oublié n'aient décidé, dans leur affreuse jalousie, d'en discréditer la croyance. Pour ma part, je m'en réfère à Eschyle, Euripide et Virgile, qui affirment que Dédale et Icare ont bel et bien volé de Crête en Eubée. La connaissance des oiseaux voiliers avait sans doute instruit le vieil architecte, et Borée, père des vents étésiens, dirigea vers lui les courants ascendants secourables. Un planeur peut couvrir, aujourd'hui, ce parcours et justement suivant l'itinéraire même que l'histoire assigne à ce vol.
L'épopée dédalienne entretint longtemps, dans le secret du coeur de l'homme, l'imagination et l'espérance du grand rêve. Chaque siècle s'illustrera de chimères ou de merveilleuses inventions sans lendemain, et Vinci lui-même, poursuivi par l'ombre de l'ancêtre cherchera à reconstituer son aile volante : fort de sa science mécanique, le maître de la Renaissance s'entêtera au vain projet de battre le vent au lieu de le prendre comme soutien. Aveuglément, tous les convaincus feront la même erreur jusqu'à Lilienthal. Mais la mystique demeure, et tous, au long des siècles, conteurs, chercheurs, mystificateurs ou savants, prophétiseront les hommes volants ; comme Galilée annonce que la terre est ronde ou Colomb l'existence d'un nouveau monde !
Aussi tenaces, aussi irréductibles que leurs prophètes morts, les pionniers du XXe siècle, renouvelant l'exploit perdu, ont conquis la troisième dimension. Quel scepticisme souriant auraient fait naître les frères Wright s'ils avaient annoncé qu'en 1953 quarante millions de passagers sillonneraient les routes de l'air du monde moderne ! On chanta les louanges de Blériot, pour sa traversée de la Manche, mais on le prit pour un fou, d'avancer, qu'un jour, un homme vaincrait l'Atlantique.
Ainsi va le monde... fourmillent les rêves, s'accumulent les projets, éclatent les exploits : l'homme a supplanté l'oiseau ; les prophètes ont toujours raison.
Ils prédisent, pour demain, la conquête de l'espace sidéral, avec la même joie triomphante. Car le pessimisme n'existe pas en Aviation, et la vie y est trop intense et trop riche pour en bannir l'humour.
Pierre Clostermann
L'homme n'a jamais douté qu'il était destiné à supplanter l'oiseau et depuis les premiers temps du monde, le fait de voler l'obsède au point de lui faire commettre les pires folies tantôt héroïques, tantôt absurdes. Les croyances, les rêves, les projets, les recherches qu'il a forgés avec une dose incalculable d'imagination, constituent un monument aussi précieux qu'ignoré et méconnu.
Il a suffi, hélas, qu'apparaissent, au début du XXe siècle, les premiers engins cahotants sur lesquels se pavanaient, au risque de se rompre les os, les intrépides pionniers de la troisième dimension tels que Wright, Ader, Lilienthal, Chanute ou Blériot, pour que l'on rejette dans l'oubli la merveilleuse fresque aérienne des temps passés, et que sans modestie, le XXe siècle s'attribue l'invention de la locomotion aérienne.
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MÀJ : 4 juillet 2024
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