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Dictionnaire de l'Aviation

André LAINÉ - Officier Pilote de Réserve - Professeur à l'Aéronautique Club

Georges GUET - Ingénieur Adjoint Principal de l'Aéronautique

Dictionnaire de l'Aviation

Préface de M. Paul PAINLEVÉ
Membre de l'Institut
Ancien président du Conseil

2e édition, refondue et augmentée

CHARLES-LAVAUZELLE &CIE

Éditeurs militaires

PARIS, Boulevard Saint-Germain, 124

LIMOGES, 62, Avenue Baudin ! 53, Rue Stanislas. NANCY

1932

COUPLE DE RENVERSEMENT.

Couple dû à la réaction de l'air sur l'hélice en rotation. Si le moteur est monté sur avion, le couple de renversement tend à faire tourner l'avion autour de son axe de roulis (voir ce mot), en sens inverse du sens de rotation de l'hélice.

Si le moteur est monté sur un banc balance (voir : Essais des moteurs), le couple de renversement équilibre le couple moteur. On peut donc, en mesurant celui-là, déterminer celui-ci, et, par suite, la puissance du moteur.

Sur avion, on corrige le couple de renversement en augmentant l'incidence (voir ce mot) de l'aile droite si le moteur tourne à gauche, ou inversement.

Cette correction d'incidence n'est bonne que pour un régime donné (régime d'utilisation).

Sur les avions (multimoteurs) à moteurs disposés latéralement, on peut annihiler les effets des couples de renversement en faisant tourner les hélices en sens inverse les unes des autres.

PRÉFACE

Nul mieux que le pilote aviateur André LAINÉ n'était qualifié pour rédiger ce Dictionnaire.

Breveté à l'École de Paris, ayant piloté en escadrille, où sa conduite lui valut d'être brillamment cité, des appareils de toutes marques, cet aviateur devint, après son évacuation du front, le plus complet des moniteurs. Rien de ce qui touche à l'aviation ne lui fut étranger. Ses qualités de pilote se complétèrent de connaissances techniques éminemment pratiques qui ont fait le succès de ses nombreux ouvrages, - ouvrages classiques aujourd'hui dans la cinquième arme.

Le Dictionnaire de l'Aviation constitue, en même temps qu'une source de documentation considérable, la preuve écrite que l'aviation a progressé à pas-de-géant, dépassant les prévisions les plus optimistes.

Étudions, dans ce livre, les caractéristiques des avions et des moteurs ; comparons à hier et jugeons.

Reportons-nous à ces émouvantes journées de l'automne 1908, quand des milliers de pèlerins passionnés affluent à travers l'Europe vers les camps désormais fameux d'Auvours, de Mourmelon, d'Issy-les-Moulineaux, pour voir de leurs yeux ce miracle : un homme se maintenant au-dessus du sol à bord d'un plus lourd que l'air.

Pour que le miracle s'accomplît quelques minutes, un quart d'heure, une heure ou deux parfois lors des grands records, il fallait des conditions exceptionnelles, une atmosphère absolument calme, une vaste plaine sans obstacles. Et, sur toute la face du monde, on comptait cinq aviateurs !

Aujourd'hui, comment énumérer les prodiges de l'aéroplane : la tempête bravée, les montagnes survolées. L'océan traversé, les limites que notre sagesse d'hier assignait à la vitesse de notre locomotion follement dépassées.

Pour la première fois depuis que la terre existe, un être humain -- on peut dire un être vivant -- a dépassé la vitesse de 650 kilomètres à l'heure, et cette vitesse de tempête, il l'a atteinte sans l'aide du vent, par la seule vertu de sa machine. Pour la première fois depuis que la terre existe, un regard humain a vu le même soleil se lever sur les collines de Provence et resplendir, encore haut dans le ciel, sur les rivages de l'Afrique. Pour la première fois depuis que la terre existe, un audacieux peut défier victorieusement, dans leurs manœuvres les plus téméraires, les mouettes et l'hirondelle ; sublimes victoires de l'audace et de l'ingéniosité humaines sur le temps, sur l'espace, sur la meurtrière pesanteur.

Les légendes que nous a léguées le monde antique ont pour elles le prestige du passé, du lointain, de l'inconnu. Elles ont revêtu, à travers les âges, l'émouvante patine des marbres mutilés. Dans la lumière crue de la vérité, les réalités qui nous entourent nous semblent volontiers moins belles, parce que nous en percevons trop les détails, parce qu'elles sont pour nous sans mystère. Et pourtant, parmi les plus beaux mythes de la Grèce, terre des légendes, en est-il un seul qui égale l'histoire vraie d'un Guynemer ?

Imaginons qu'un cataclysme anéantisse nos civilisations pour n'en laisser subsister que des vestiges et des lambeaux de leur histoire. De quelle merveilleuse atmosphère de légende seraient enveloppés aux yeux de l'humanité renaissante les noms de ces demi-dieux qui se seraient élancés par-dessus les continents, les montagnes et les mers. Et c'est leur souvenir fabuleux qui inspirerait les chercheurs nouveaux dans leurs tentatives pour les égaler et pour retrouver le secret perdu de leurs exploits.

À cette conquête humaine, toutes les grandes nations ont collaboré. Mais comment méconnaître -- à moins de nier la lumière -- le rôle prépondérant que la France a assumé, avec tous les risques, dans l'étonnante aventure ? La première à la peine, la première à l'honneur.

Cette épopée qu'est l'histoire de l'aviation présente un tel caractère de grandeur qu'il a imposé silence aux détracteurs. Mais bien que tous admirent, beaucoup se demandent, avec inquiétude, devant le nombre des victimes, si cet héroïsme n'est pas aussi stérile que magnifique et si l'aviation n'est pas destinée à demeurer un sport sublime, mais inutile et meurtrier.

C'est là une question positive qu'il faut discuter méthodiquement, sans pessimisme comme sans enthousiasme.

Lorsqu'on étudie l'histoire du plus lourd que l'air, il est une circonstance qui frappe dès le premier examen : c'est cette sorte de trêve de dix ans qui suit la mort, en 1898, de Lilienthal et de son premier et imprudent imitateur Pilcher. Jusqu'à Lilienthal, toutes les tentatives expérimentales des hommes volants ne sont qu'enfantillages tragi-comiques, et presque toujours plus tragiques que comiques. Lilienthal, le premier, fait rationnellement des vols planés de plus en plus hardis, et, s'il succombe, c'est à sa deux millième glissade aérienne. Dans les dix années qui suivent, et qui aboutissent, en 1908, au triomphe de l'aéroplane, jamais les expériences n'ont été plus nombreuses, plus obstinées, et pourtant aucun accident mortel n'est à relever. Jusqu'en septembre 1909, les vols se suivent en France chaque jour plus hardis et prolongés, sans coûter aucune victime (1). Cette victoire sans larmes fut saluée avec une joie et une confiance infinies : l'aviation, disait-on, était sortie de la période héroïque ; la période scientifique et industrielle commençait. L'aéroplane était désormais comparable à l'automobile.

Décevante illusion : avant de devenir un mode de locomotion vraiment usuel, l'aviation devait traverser encore de longues années meurtrières.

Pourquoi cette courte trêve de 1898 à 1909, et pourquoi ce retour fatal de deuils ?

À la fin du siècle dernier, la science et l'industrie étaient assez avancées pour pouvoir réaliser un appareil volant, et, d'autre part, Lilienthal avait légué à ses successeurs une méthode rationnelle qui devait leur permettre de faire leur éducation d'oiseaux. Mais, pour s'élancer dans l'atmosphère avec leur pesant et encombrant attirail de bois et d'acier, pour trouver leur équilibre par de justes commandes dans ce milieu léger, fuyant, impalpable, les cinq aviateurs de 1908 étaient astreints à une extrême prudence : c'était pour eux une nécessité et un devoir. S'ils s'étaient tués par excès de confiance, bien loin de faire progresser l'aviation, leur témérité l'eût retardée de combien d'années ! D'autre part, ayant appris leur héroïque métier patiemment, jour à jour, à leurs risques et périls, pendant des mois ou des années, connaissant par des expériences minutieuses et répétées les traîtrises de l'air, comprenant merveilleusement le rôle des manœuvres, que souvent ils avaient inventées ou perfectionnées, ils étaient armés contre les surprises des remous, des précipices invisibles qui semblent se creuser sous l'appareil ou des lames de fond qui le bousculent vers le ciel.

Mais, ce périlleux apprentissage terminé, une nouvelle période allait commencer. Si l'homme s'était donné des ailes, ce n'était pas pour tourner indéfiniment en rond à quelques mètres au-dessus d'un camp. Il allait épuiser jusqu'à l'extrême limite toutes les ressources et toutes les audaces de sa puissance nouvelle. Il allait s'élancer en pleine campagne par-dessus tous les obstacles naturels, voler pendant des heures à des centaines, à des milliers de mètres de hauteur pour être plus maître de son lieu d'atterrissage, braver le vent, parfois la tempête ; faire de la voltige aérienne, tel un cavalier qui veut connaître toute la souplesse d'un pur-sang.

Ce n'étaient pas les cinq initiateurs de 1908 qui devaient inaugurer ces nécessaires témérités : leur tâche était accomplie. De nouveaux venus allaient prendre leur place qui, profitant de l'expérience de leurs devanciers, feraient leur apprentissage de pilotes, non plus en quelques années, mais en quelques semaines. Leur connaissance très incomplète des perfidies de l'air et des subtilités théoriques des manœuvres redoublait leur confiance en leur instinct, en leur sang-froid et en leur adresse. La conquête de la hauteur est l'illustration la plus éclatante de cette phase de l'aviation. En 1907, lorsque le ministère de la guerre, au cours de ses négociations avec les Wright, leur demanda de s'élever à 300 mètres, cette clause fut considérée comme une fin ironique de non-recevoir. Le premier record de hauteur, péniblement atteint en 1908, fut de 30 mètres. À la même époque, dans une conférence faite au Parlement, quand je déclare que les appareils existants permettaient de monter à 100 mètres, à 1000 mètres et au-delà, et que c'était pure question de volonté de la part du pilote, un scepticisme étonné accueillait ces affirmations. Dix-huit mois plus tard, c'étaient des débutants, comme Chavez, comme Morane, qui, après trois semaines d'apprentissage, s'élançaient à des 3000 mètres d'altitude.

L'ère des grands records allait donc commencer, mais aussi celle des grands périls, périls accrus encore par la fragilité des appareils et les insuffisances de leur construction. Lors des expériences de 1908, chacun des vols était précédé d'un examen, d'une mise au point de l'appareil et du moteur qui duraient beaucoup plus que le vol lui-même. Une telle minutie devenait impossible pour des vols nombreux et prolongés. C'étaient les risques inévitables, avec leurs conséquences souvent mortelles, qui allaient révéler les défectuosités de la construction et contribuer à ses progrès.

Certains lecteurs penseront peut-être qu'il est facile de jouer les prophètes après coup et d'expliquer, une fois accomplis, les événements qui nous ont surpris. Uniquement pour répondre à cette objection et pour mieux justifier les prévisions qui vont suivre, qu'il me soit permis de rappeler celles que je publiais en 1909. Dès octobre 1908, dans la propagande que je commençai à travers le pays en descendant du biplan Wright, je célébrais ce miracle : ' L'homme sait voler ', mais en mettant l'opinion en garde contre l'illusion optimiste qui assimilait déjà l'aéroplane à l'automobile. J'annonçais les années de transition meurtrière par lesquelles il nous faudrait passer. Vers la même époque, le président de la Ligue Nationale Aérienne, René Quinton, exprimait la même pensée sous la forme paradoxale qui lui est familière : ' L'aviation existera quand il se tuera un aviateur par jour ! ' Mot inhumain, mais vérité d'aujourd'hui, sans parler naturellement de l'époque de la Grande Guerre, où la vie humaine ne compta plus.

Cette prodigalité d'héroïsme, c'est elle qui, malgré l'effort systématique et puissant de nations rivales, a maintenu la France à la tête de l'aviation, et nous permet d'entrevoir la fin de la période meurtrière et l'avènement de l'ère industrielle.

Certes, la fréquence des accidents est encore excessive, mais nous arrivons pourtant à des chiffres qui sont de l'ordre de ceux de l'automobile.

L'individualisme héroïque, l'initiative spontanée et hardie devant le péril inattendu qu'on affronte seul, sont les qualités maîtresses de l'aviateur, et ce sont aussi les qualités maîtresses de notre race. C'est pourquoi, dans la conquête de l'air, la France a toujours tenu la tête des nations. Mais ces qualités magnifiques ont, comme contrepartie, une certaine répugnance à la discipline, à l'action concertée où l'individu se fond dans une foule. Ainsi les dons mêmes qui font de notre pays la terre des aviateurs contribuent à rendre plus difficile la coordination de leurs efforts.

Or, cette œuvre de coordination est indispensable aujourd'hui que l'aviation est devenue un grand service national. Ses héros ne se sont pas sacrifiés seulement à la défense de leur patrie : ils ont servi aussi la cause du progrès universel et de la fraternité. Ayant triomphé de la pesanteur, la plus lourde des chaînes, le génie humain saura triompher un jour des lourdes haines.

Paul PAINLEVÉ,

Membre de l'Institut, Ancien Président du Conseil.

(1) En Amérique, il est vrai, le lieutenant Selfridge, compagnon d'Orville Wright, était tué le 11 septembre 1908, mais c'était le fait d'une déplorable inadvertance de construction.



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