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Henri Roth
Un pilote d'exception
Du Spad VII au Superstarliner

Claude Leymarios - Éditions Alain Sutton - ISBN 2-84253-956-7

Henri Roth se défend, et à juste titre, d'avoir été un « aventurier du ciel ».

Il fut simplement un pilote dans l'extraordinaire épopée aérienne qui se déroula, pour lui, de 1923 à 1963. Débutant aux commandes du fameux biplan Spad VII que Georges Guynemer avait brillamment illustré durant la première guerre mondiale, il se posa une dernière fois aux commandes du plus bel avion à hélices des années soixante : le quadrimoteur L 1649 Superstarliner.

En prenant place à ses côtés dans le cockpit, nous revivons la belle aventure de Blériot Aéronautique sur l'aérodrome de Buc ; nous passons ensuite avec lui à Air Union, principalement sur la ligne Paris - Londres ; nous partons enfin pour Air France, qui l'affecte en 1934 à la ligne mythique Toulouse - Casablanca - Dakar. Henri Roth effectuera même 14 traversées en tant que copilote de Marcel Reine ou d'Henri Guillaumet.

Lorsque le 28 septembre 1963 Henri Roth pose pour la dernière fois son Superstarliner à Tananarive, il a parcouru près de 7 millions de kilomètres sur les lignes aériennes.

De superbes photographies anciennes d'appareils de légende, des documents inédits, tous en provenance des collections d'Henri Roth et d'André Leymarios, viennent enrichir un récit magnifique rempli de l'esprit des pionniers de l'aviation commerciale.

Le 23 mars 1938, un trimoteur Dewoitine 338 s'écrase sur le mont Canigou lors d'un vol Casablanca - Toulouse. Le radio navigant, André Leymarios, qui eut l'occasion de voler à plusieurs reprises avec Henri Roth, est tué dans l'accident. L'un de ses fils, Claude, rencontrera Henri Roth un demi-siècle plus tard et convaincra celui qui, entre-temps, est devenu le doyen des pilotes français, de raconter son histoire : l'ouvrage est le résultat de cette émouvante rencontre.

Henri Roth est décédé le 5 mars 2005 dans sa centième année.


Article de Guy Groueix dans la revue de l'Association des Retraités d'Air France de mars 2005

Henry Roth nous a quittés dans sa centième année...

Je ne développerai pas sa carrière professionnelle ni son rôle de pionnier de l'aviation qui a été largement développé par Henry Roth lui-même lors de la cérémonie du cinquantième anniversaire de I'ARAF et dont nous avons relaté tout le détail dans le numéro 131 de Présence du quatrième trimestre 2002 ; je rappelle-rai cependant qu'il a obtenu son brevet de pilote en 1924, qu'il a volé sur tous les avions de cette époque dont le Farman Goliath, qu'il a connu les grands noms de l'histoire de l'aéronautique, Guillaumet, Delaunay, Reine et aussi Mermoz et qu'il était le plus ancien pilote d'Air France et peut-être de France.

Je souhaiterai plutôt parler de l'homme que j'ai eu l'honneur et le plaisir de connaître ces dernières années.

Il y a seulement cinq ans je rencontrais Henry Roth pour la première fois lors d'une assemblée régionale de Bourgogne Franche Comté. Lors de cette réunion j'ai été fasciné par cet homme de 95 ans qui m'a longuement parlé de cette époque légendaire de l'aviation avec une simplicité, comme si ce qu'il avait fait à cette époque était tout naturel, et avec une extraordinaire précision dans les faits et les dates qui dénotait une mémoire hors du commun.

Nous avons été plusieurs, ce jour-là, à lui dire qu'il ne fallait pas que disparaisse tout ce vécu qu'il avait toujours en mémoire ; il nous paraissait important que le dernier acteur vivant de cette époque laisse un témoignage.

L'année suivante, lors d'une même assemblée, nous avons repris nos discussions toujours aussi passionnantes et c'est là que j'ai pensé faire témoigner Henry Roth à la cérémonie que nous allions organiser pour le cinquantième anniversaire de l'ARAF ennovembre 2002. Nous avons ainsi eu de nombreux contacts pour, d'abord lui faire part de mon idée qu'il a acceptée immédiatement, et ensuite pour préciser sous quelle forme nous allions le faire intervenir. Le principe d'une présentation en duo avec une jeune femme pilote d'Air France l'enthousiasma.

Cette cérémonie, organisée au Musée de l'air du Bourget le 22 novembre en présence du président Spinetta fut, de l'avis de tous les participants, une grande réussite due en particulier à l'extraordinaire prestation d'Henry Roth.

Par la suite, pour les manifestations du soixante-dixième anniversaire d'Air France, le Président Spinetta invita Henry Roth qu'il avait découvert et apprécié lors de notre cinquantenaire l'année précédente. À cette occasion tout le personnel de la Compagnie et même au-delà, puisque plusieurs chaînes de radio l'ont interviewé, a pu découvrir, à travers lui, une partie de l'histoire de l'aviation.

En parallèle à ces manifestations Henry Roth a décidé de faire écrire par Claude Leymarios, le fils d'un ami radio navigant mort en service, le récit de sa vie professionnelle si riche ; nous avons présenté dans notre revue Présence 135 (quatrième trimestre 2003) ce livre dont le titre était : « Henry Roth, un pilote d'exception : du Spad VII au Superstarliner » qui venait de sortir.

Depuis notre première rencontre je n'ai cessé d'être en relation avec Henry Roth et son épouse Michèle et au fil de ces années je crois pou-voir dire que se sont tissées une connivence et une amitié qui m'a fait découvrir l'homme. Il n'a cessé de m'étonner lors de chacune de nos conversations par sa simplicité, sa vivacité d'esprit, son humour et son extraordinaire mémoire.

Je l'ai contacté en novembre dernier pour qu'il me donne des précisions sur un article que nous souhaitions passer dans le dernier numéro de Présence de décembre 2004 intitulé « Les rapides de l'air ». Il s'agissait de la citation d'un article de Lecture pour tous de 1919 qui parlait d'un vol sur Goliath dont le pilote n'était autre que Bossoutrot, le chef pilote d'Henry Roth à ses débuts chez Blériot. Pendant plus d'une demie-heure il m'a donné tous les détails, et plus encore, que j'ai relatés à la suite de cet article ; ma conclusion était : « il a aujourd'hui 99 ans et demi et nous espérons bien tous fêter avec lui son Centième anniversaire en juillet prochain ». Dernier contact en janvier pour lui présenter mes vœux, sa voix était toujours aussi tonique.

J'ai, et nous tous, avons été surpris et très touchés de sa disparition le 5 mars. Il laisse un grand vide parmi nous ; nous aurions aimé pouvoir fêter avec lui et son épouse ce centième anniversaire qu'il espérait tant. Pour terminer je voudrais évoquer ce qu'il me disait toujours à la fin de notre conversation téléphonique : « bon vent », ce qui rappelait, bien évidemment, l'importance de ce facteur à ses débuts de pilote.

Bon vent Commandant...


Article de Jacques Lalut de l'ARPPNAC dans Briefing n°27 de mars/avril 2005

Henri Roth le plus ancien pilote d'Air France nous a quitté dans sa centième année ...

C'était le plus ancien pilote d'Air France et peut-être du monde entier. II était aussi mon ami, resté aussi fidèle en amitié qu'il l'avait été durant ces cinquante-cinq dernières années, faisant suite à notre premier contact sur un terrain de brousse à Madagascar. Né le 31 juillet 1905 à Paris, toujours aussi lucide, il vient de s'envoler le 5 mars 2005 dans le Jura où il s'était retiré en compagnie de Michèle, sa dernière. épouse, fille du radionavigant Roger Pierre qui disparut le 28 octobre 1949 dans l'accident du Constellation aux Açores avec Marcel Cerdan.

Breveté pilote militaire le 28 novembre 1924, il fut qualifié sur une cinquantaine d'avions différents jusqu'à son dernier vol sur Constellation Superstarliner L1649 en septembre 1963 à Tananarive.

Il était titulaire d'une dizaine de décorations dont celles d'Officier de la Légion d'Honneur, d'Officer British Empire et Médaille de vermeil de l'Aéronautique.

Après avoir passé son enfance à Buc où habitaient ses parents, il commence sa carrière comme apprenti mécanicien chez Blériot à Buc et devient élève pilote sur Spad avec son premier vol solo le 14 août 1924, puis est breveté pilote le 26 novembre 1924 sur Spad 7, avion de chasse sur lequel s'illustra Georges Guynemer durant la première guerre mondiale. Il n'a que 19 ans... Le 12 décembre 1924, il devance l'appel et s'engage comme soldat-pilote de 2eme classe affecté à Istres. Puis c'est le vol en escadrille des Cigognes. Démobilisé le 26 juin 1926, il choisit l'aviation civile et revient chez Blériot à Buc où il commence comme "mécanicien pilote moniteur voyage", il a 21 ans. Le 1er mars 1928, il est nommé moniteur pilote et par la suite est breveté pilote de trans-port public; en avril il obtient le brevet de navigateur. En 1929, sur bimoteur Blériot 127, il effectue un vol d'altitude jusqu'à 6000 mètres, pas de chauffage l'hiver, affrontant chaudement vêtu des températures descendant jusqu'à - 40° C. En mars 1930 il quitte Buc et Blériot Aéronautique pour Air Union basé au Bourget et vole sur Goliath, Breguet 280, Farman 190 et L60 213. Le 16 janvier 1931 dernier vol sur Goliath sur la ligne Le Bourget-Croydon. Henri Roth était le dernier pilote encore en vie à avoir piloté professionnellement le Goliath.

Le ler septembre 1933 fut la date officielle de constitution de la compagnie Air France inaugurée au Bourget. Henri Roth est affecté à Toulouse en juillet 1935: pendant trois ans il assurera la ligne Toulouse - Casablanca avec décollage du terrain de Montaudran. Ce qui lui donna l'occasion d'avoir à son bord Mermoz en passager, et d'échanger avec lui leurs points de vue respectifs qui différaient quelque peu

sur la conduite du vol, Mermoz était un aventurier à risques et Roth un pragmatique prudent raisonnant juste. Le 26 septembre 1938, Roth décolle de Dakar pour Natal et jusqu'au 26 décembre effectuera 14 traversées en compagnie de Marcel Reine, Henri Guillaumet et de Delaunay, "l'homme à la main brûlée". Mobilisé à Casablanca en juillet 1939 il part pour l'Afrique Noire qu'il sillonnera jusqu'en 1945 avant de partir pour Alger où il est affecté pour des liaisons sur Tananarive aux commandes d'un bimoteur Loockheed C60 et réalisera la première liaison commerciale d'Air France sur La Réunion et Maurice.

Fin 1946, il passe au Bourget sa qualification sur DC 4 et en 1947 effectue de nombreux vols sur Saïgon et Shangaï d'une part, et vers l'Île Maurice d'autre part. C'est en décembre 1947 qu'Henry Roth va s'installer à Madagascar où Air France exploite les lignes intérieures sur des Junkers 52 et par la suite des DC3 et DC4. En février 1951 il passe sa qualification sur Constellation 749 et prend le relais à Tana vers La Réunion et Maurice. Puis en février 1954 c'est la qualification sur 1049.

En mars 1960, dernière étape de sa carrière avec qualification sur Constellation L1649 Superstarliner qu'il pilotera au départ de Tana vers Maurice en prenant le relais de l'équipage d'Air France venant de Paris. C'est en 1961 qu'il quitte Tananarive pour se fixer à Maurice d'où il effectuera les liaisons sur Nairobi et retour, vie de rêve partagée entre les plongées sous-marines à Maurice et les safaris photos au Kenya. Le 28 septembre 1963 mon ami Doudou, dans le courant de sa 58ème année, quittera définitivement son poste de pilotage à l'escale de Tananarive.

Son carnet de vol se refermera sur 28.000 heures de vol alors qu'il espérait continuer encore quelques années mais Air France considéra qu'à 58 ans il était trop vieux pour être transformé sur réacteurs. Et pourtant... Sois heureux au paradis des équipages disparus, tu l'as bien mérité, la France aéronautique se souviendra de toi.


Extrait d'un article de Robert Belleret - Le Monde du Mercredi 8 Octobre 2003, à l'occasion du 70e anniversaire d'Air France

LA PASSION AIR FRANCE

Née le 7 octobre 1933 au Bourget, Air France a 70 ans. Histoire d'un rêve, à travers quatre témoignages de personnels navigants qui l'ont vécu.

La saga d'Air France est d'abord une affaire de cœur, battant au rythme de fantasmes collectifs : affiches exotiques, tableau des départs promettant le bout du monde, annonces suaves pour des embarquements immédiats. Images de stars descendant la passerelle frappée du logo à l'hippocampe ailé - surnommé « la crevette » dans la maison. Bien qu'ils ne représentent qu'environ un quart des effectifs d'Air France - quelque 71 500 salariés, dont 53 500 employés au sol - les personnels navigants, techniques (PNT) ou commerciaux (PNC) - en uniformes d'opérette ou en tailleurs griffés et foulards Hermès - constituent la vitrine de la compagnie. Ainsi, au risque de renforcer les mythes, pour célébrer l'anniversaire de cette « machine à fabriquer des rêves et des légendes » - selon la formule de Philippe-Michel Thibault dans Le Roman d'Air France (Gallimard) -, c'est à quatre « chevaliers du ciel » d'hier et d'aujourd'hui que nous avons demandé d'évoquer leur vie dans les nuages.

LE PIONNIER

Il n'en reste qu'un, et c'est lui. Henri Roth, 98 ans et une belle vivacité d'esprit, est le dernier survivant des pilotes de Goliath Farman bimoteurs qui assuraient la ligne Paris-Londres au début des années 1930. Il est aussi le doyen des anciens commandants de bord d'Air France, compagnie qu'il a quittée en 1963, peu après l'arrivée des jets.

« C'est en 1922, à 17 ans, que je suis entré comme apprenti mécano à l'école Blériot, où je suis devenu élève pilote, sur le même type d'avion de chasse que Guynemer, raconte-t-il. En 1930, j'ai intégré la compagnie Air Union, qui, en 1933, a été fusionnée avec quatre autres afin de constituer Air France. Pour rejoindre Croydon depuis le Bourget, nous mettions environ 2 h 30, mais parfois beaucoup plus par vent debout. Les huit ou dix passagers étaient à l'abri et sur certains appareils, comme le Lioré et Olivier, ils étaient même installés autour de tables avec nappes blanches, vaisselle fine et bonnes bouteilles servis par les premiers barmen, mais, nous, nous pilotions à l'air libre et, malgré nos vêtements de cuir et nos bottes fourrées en peau de lapin, c'était parfois assez dur. »

Aux commandes des Wibault, des Bréguet, des Dewoitine ou des Lockheed, M. Roth a vécu les premières grandes étapes de avec ses impressionnants gains de vitesse, de 120 km/h en 1930 à plus de 600 km/h après guerre. Et il a progressivement élargi son rayon d'action pour effectuer des Marseille-Lyon-Paris-Londres, en 6 ou 7 heures, avec parfois des « bretelles » vers Genève. « Comme on volait à vue, sans radio ni goniomètre, par mauvais temps on devait louvoyer entre les montagnes et, pour se repérer, on passait en rase-mottes au-dessus d'une gare, se souvient M. Roth. Un jour que je transportais de l'or, mal arrimé, j'ai vu un lingot crever le plancher et tomber au-dessus de l'Angleterre. Une autre fois, lors d'un "coup de tabac", c'est la tête d'un passager qui a traversé une paroi en contreplaqué. » En ces temps héroïques, les carburateurs givraient, les haubans pouvaient se casser et les mécaniciens acrobates réparaient parfois en vol pour éviter d'avoir à se poser en catastrophe.

Les pilotes, qui étaient alors moins de 150 en France, formaient une famille avec une même obsession : « la ligne ». Parmi tous ces « fous volants », il y avait les as des hydravions, qui faisaient du Marseille-Tunis ou Alger, mais aussi quelques pionniers légendaires de l'ex-Aéropostale. Le commandant Roth, qui a fait lui-même quatorze traversées de l'Atlantique sud - « sur des Farman quadrimoteurs, dix-neuf heures en moyenne pour atteindre Natal » -, a ainsi eu pour camarades Delaunay, Reine ou Guillaumet, le magnifique survivant des Andes.

Il a même côtoyé Mermoz, qui a volé avec lui, comme passager, de Casablanca à Toulouse. Entre « l'Archange », canonisé par Joseph Kessel, et Henri Roth qui l'a trouvé « peu bavard et un rien tatillon », le courant n'est pas passé. « II venait dans le cockpit me donner des conseils, mais moi je pilotais selon mon idée. Du coup, il est parti sans me dire au revoir, happé par la foule de ses admirateurs, qui l'accueillaient à chaque escale comme un héros. » Durant la guerre, Henri Roth a continué à voler sur les lignes autorisées par l'occupant, et puis il est parti à Dakar pour assurer des liaisons vers Madagascar ou le Tchad. A la Libération, après une brève affectation sur l'Extrême-Orient, il a fini sa carrière à Tananarive, comme chef pilote. 27 500 heures de vol après son premier décollage, c'est le cœur lourd que le commandant Roth s'est résigné à « lâcher le manche ».


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