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Air France - 1928 1948 - La Ligne France-Amérique du Sud
Achevé d'imprimer le 1er mars 1948
pour la Société Nationale AIR FRANCE
par les éditions Perceval
Texte de Maurice Bedel
Gravures sur cuivre d'Albert Decaris
Le ler mars 1928, le premier service postal France Amérique du Sud consacrait à jamais l'œuvre des pionniers de la Ligne. Sacs de toile grise, en route! Gonflés de nos messages, volez vers le Brésil, l'Uruguay, l'Argentine! Malgré vos airs de vous tenir dans le secret professionnel, sacs, vous ne sauriez nous cacher l'émoi qui vous habite. C'est une fière mission que d'avoir à porter d'un peuple à d'autres peuples les messages de l'amitié, du commerce, de la politique, de l'art, de la science. Tel est le rythme où nous vivons sur une terre de plus en plus étroite qu'il faut des ailes à nos courriers pour joindre ceux que nos lettres vont chercher.
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Voilà pourquoi Mermoz est mort et pourquoi sont morts avec lui sur la vaillante Croix du Sud, Pichodou, Ezan, Cruveilher, Lavidalie ; c'est aussi pourquoi sont morts avant lui Etienne et Baudel, Depecker, Le Duigou, Morel et Clayère, Ponce, Parayre, Lhotellier, Marret, Collenot et Barrière, Génin, Aubert et Savarit ; et pourquoi aussi tant d'autres iront mourir après ceux-là : pour que les peuples se sentent mieux unis.
La conquête de l'Atlantique Sud par Air France est une grande aventure romanesque : c'est le roman de l'amitié. Semblable à ces héros fabuleux qui brisaient tous obstacles et toutes résistances pour joindre la dame de leurs pensées, la France s'est portée avec une tendresse impatiente vers l'Amérique latine. Elle a poussé les élans de sa ferveur jusqu'au Chili, forçant l'impossible pour y atteindre, escaladant les pics mortels de la Cordillère des Andes qu'un de ses enfants, Guillaumet, franchira trois cent quatre vingt-treize fois. Que ne tenterait-elle pas, quelles prouesses n'accomplirait-elle pas lorsqu'il s'agit de jeter parmi les nations le levain d'une entente fraternelle ?
Ainsi donc le but était atteint : la Ligne entrait avec éclat dans le jeu du cœur à cœur des peuples.
Elle avait eu ses pionniers, ses héros, ses martyrs ; elle s'était faite dans la sueur de l'effort, dans le sang des blessures, dans le silence du tombeau des mers.
Une ligne parmi toutes celles déjà que les ailes françaises avaient tracées dans les plaines de l'air, droite, claire, nette, couleur d'azur, avec un quelque chose d'humain dans sa céleste rectitude : une fille du ciel de France.