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AVANT-PROPOS
Par l'image et par des textes d'époque, le plus souvent écrits par Roland Garros lui-même, le n° 7 de la collection "Envols" se propose d'évoquer l'extraordinaire parcours d'un héros du siècle.
Né en 1888, Roland Garros, après avoir obtenu son diplôme de l'école HEC, commence sa carrière aéronautique en 1910. 11 effectue une tournée aux États-Unis puis participe à de nombreuses courses dès l'année suivante. Il établit plusieurs records du monde d'altitude et, en 1913, il accomplit la première traversée aérienne de la Méditerranée de Saint-Raphaël à Bizerte, son plus grand exploit. Engagé volontaire en 1914. il met au point un système de tir à travers le cercle de l'hélice qui lui permet d'obtenir trois victoires aériennes en avril 1915. Fait prisonnier par les Allemands le même mois, son évasion très spectaculaire en février 1918, inspirera à Jean Renoir La Gronde Illusion. Négligeant tous les conseils de sagesse, Roland Garros reprend les combats. Il est abattu cinq semaines avant la fin du conflit.
Sa personnalité complexe tait de Roland Garros un personnage fascinant mais accessible parce qu'ayant beaucoup écrit dans les journaux et à ses amis. Il tient aussi son carnet de guerre et il occupe sa captivité à relater ses mémoires dans un style étonnant. Ses amis. loin de se cantonner au monde de l'aéronautique, sont bohèmes ou artistes, tel Jean Cocteau. Sportif, pianiste, propagandiste talentueux de l'aviation, Roland Garros demeure toujours discret, voire réservé. Il se prête cependant, de bonne grâce, aux obligations que lui crée sa jeune gloire auprès d'un public enthousiaste.
Aviateur audacieux, Roland Garros ne prendra jamais que des risques mesurés. Toujours attentif aux détails, il tire constamment des leçons du comportement des autres aviateurs. Il fait preuve d'une générosité singulière, même auprès d'adversaires qu'il apprécie peu et comme tant d'hommes pacifiques, il assume les horreurs de la guerre avec l'amertume d'une conscience éveillée.
Jean-Paul Siffre, Directeur du Musée de l'Air et de l'Espace
« Je contemplais, pour la première fois, le spectacle éblouissant de la mer de nuages.
Au-dessus, un ciel bleu d'une pureté idéale. À ma gauche, un soleil comme on n'en peut pas voir de la terre, car elle est toujours enveloppée de vapeurs imperceptibles qui tamisent les rayons lumineux, les décomposent ou les ternissent. Là-haut, c'était de la lumière vierge dans de l'air vierge. C'était une volupté de voir et de respirer.
Je glissais sur les flots figés d'un océan d'argent. En descendant plus près, cette mer prenait du relief et se transformait en paysages étranges, chaos de rochers, de grottes, de vallées, de précipices. Mes ailes écrêtaient des pics vertigineux, surplanaient des abîmes inondés de blancheur. Dans ma tête, c'était un rêve qui se déroulait. Le souvenir de la vie ordinaire flottait lointain et flou. »
Roland Garros - 23 mai 1911 après l'étape Angoulême-Saint Sébastien de la course Paris-Madrid.
L'absence de grande épreuve sportive conduit Garros à choisir d'effectuer un raid Paris-Fréjus-Tunis. Deux avions spéciaux sont construits sur la base du type H, le meilleur étant envoyé à Fréjus. Le pilote n'a rien dit de ses projets. Il arrive par le train à Fréjus le 22 septembre. "Au bord de cette Méditerranée familière, dans cette beauté ruisselante de lumière, où vivre est une volupté, c'était une impression étrange de penser que le lendemain peut-être j'allais disparaître... Et pour-quoi? Par luxe, pour vivre une jolie aventure, quitte à en mourir... Aucune hésitation ne me troubla. Par un dédoublement que j'ai éprouvé maintes fois, je me voyais suivre ma destinée. Ces dernières heures avaient un goût rare."
Garros décolle le 23 septembre à 5 h 47. Au bout de vingt minutes, il distingue déjà la Corse qu'il contourne par l'ouest. "Soudain, un éclatement sinistre de métal brisé." Le moteur continue à tourner en cognant régulièrement. D'instinct, Garros se détourne de la trajectoire prévue, survole Ajaccio mais décide de continuer son périple au moins jusqu'à Cagliari. Progressivement, « je m'habituais à cette terrible trépidation". Après une longue hésitation au-dessus de Cagliari "une force mystérieuse, plus forte que ma raison et que ma volonté m'entraîna vers la mer."
Pour économiser l'essence qui lui reste, Garros monte à 3 000 mètres. Plus aucun repère visuel ne lui signale sa vitesse. "Nouvelle alerte, un 'clic' de rupture d'une netteté lugubre en cette solitude." Et "ce niveau d'essence comptait comme un sablier, les dernières minutes de l'épreuve. Quel serait le dénouement? tragique, radieux? Plus que trente de ces minutes étranges, intoxicantes, pleines de lucidité intense, presque de bien-être." Le pilote calcule et recalcule ce qui lui reste d'essence.
Il distingue soudain trois torpilleurs. " Sauvé... sauvé... Cette certitude soudaine me jaillit au cerveau, m'inonda de chaleur. " Garros pose son avion non loin de Bizerte. " J'atterris sur le champ de manœuvre où personne ne m'attendait. Au milieu du terrain, sous le soleil ardent, je me trouvai seul, dans le silence, l'immobilité, la paix. Cet instant de recueillement... comme il terminait bien les heures que je venais de vivre !"
Le premier homme que je vis, fut un soldat en bourgeron. Il s'approcha sans hâte, m'observa curieusement. Puis s'enhardissant :
- Vous venez de loin ?
- De France...
Il sourit d'un air perplexe et ne dit plus rien.
Garros arrive à Tunis le lendemain et s'embarque pour Marseille avec son avion démonté.
La traversée de la Méditerranée inscrit le nom le Roland Garros au panthéon des grandes gloires de l'aéronautique. Blériot, admiratif, écrit dans un journal : " L'homme qui a fait cela peut tout faire. " L'accueil à Marseille puis à Paris est triomphal.
MÀJ : 4 juillet 2024
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