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LOUIS GAUBERT est né à Paris, le 6 juin 1879.
D'abord excellent cycliste, il est champion d'Algérie amateurs et professionnels sur 50 km, puis l'un des premiers adeptes du tricycle à pétrole, motocycliste et enfin automobiliste. Collaborateur du constructeur Brasier, il prend part à plusieurs épreuves.
L'aviation naissante devait tenter ce minutieux metteur au point. En septembre 1909, il entre à l'Ariel, société concessionnaire des aéroplanes Wright en France. Il apprend tout seul le pilotage pourtant délicat du biplan américain. Ce n'est d'ailleurs qu'en mai 1910 que Gaubert reçoit le brevet de l'Aéro-Club de France, le N° 59.
Entre-temps il est allé exhibitionner en Bohême et en Allemagne. Longtemps, Gaubert demeure fidèle adepte du Wright qu'il perfectionne peu à peu, de concert avec le comte de Lambert. C'est cette équipe qui étrenne le terrain de Villacoublay où Gaubert remporte le Prix Poliakoff en réussissant un vol plané de 7 minutes, magistral pour l'époque.
En 1911, Gaubert s'engage dans le Circuit Européen, mais un fâcheux accident où il vient de se casser la jambe l'empêche d'y participer. Quelques semaines plus tard, quoique tout béquillant, il remporte le Circuit de Bologne et le Grand Prix de la Ville de Padoue.
L'année 1912 voit les essais d'avions bombardiers. Le Prix de l'Aéro-Cible Michelin doit récompenser l'équipage qui placera au but une cible de 20 m de diamètre - le plus de projectiles sur un lot de 15 lancés d'une hauteur minimum de 200 m. Une vive rivalité s'élève entre les équipes militaires puissamment secondées et le seul équipage civil : Gaubert et le lieutenant de vaisseau Scott, inventeur d'un dispositif ingénieux de visée et de lancement. Une patiente mise au point et un long entraînement donnent finalement la victoire à ces derniers qui, à l'épreuve finale, réussissent 12 coups sur 15.
Le Wright tombé en désuétude, Gaubert passe chez Farman, marque à laquelle il est demeuré fidèle depuis lors, si bien qu'il ignore ce que c'est que de piloter un monoplan.
Gaubert fait en 1913 des démonstrations d'hydravions à la Marine anglaise aux bases de Callshott. Il se classe second au deuxième Concours Aéro-Cible Michelin de 1913 et est gagnant aux meetings d'hydraviation de Monaco et de Deauville en 1914.
La guerre venue, Louis Gaubert, bien que réformé pour une amputation presque totale de la main gauche, offre ses services à la réquisition le 1er août 1914. Breveté militaire N° 565 le 30 août 1914, il est caporal en septembre, sergent en janvier 1915.
Le 8 août 1914, il se rend à Bruxelles par la voie des airs pour livrer des avions à l'armée belge. Dès son retour, il forme l'escadrille M F 25 et initie de nombreux officiers à la conduite des appareils Farman.
Entre les reconnaissances en territoire ennemi, où le lancement des fléchettes était alors pratiqué, Gaubert descend le 7 octobre 1914, entre Étain et Metz, un aéroplane allemand, celui du lieutenant Finger, abattu d'un coup de mousqueton épaulé (seconde victoire aérienne de la guerre).
Le 19 mai 1916, Gaubert est mis à la disposition des Usines Farman où tant à Buc qu'à l'école de tir de Cazeaux, il met au point et réceptionne les appareils pour l'armée.
Titulaire de deux citations à l'ordre de l'armée, Gaubert se voit décerner par l'Aéro-Club de France sa médaille comme ayant réceptionné le plus grand nombre d'appareils pendant la guerre. Le ruban rouge s'y est ajouté plus tard, après un séjour aux États-Unis où, malgré des difficultés inouïes, Gaubert fait une oeuvre étonnante de propagande française, créant notamment de toutes pièces l'aérodrome de Roosevelt Field, près de New York.
Rentré en France, il devient un des collaborateurs de M. Chauvière, fabricant d'hélices pour avions, et continue à piloter son Farman.
Officier de la Légion d'Honneur, médaillé militaire, croix de guerre, médaille de l'Aéronautique, Gaubert se retire à Ville-d'Avray ; il prend part activement à la Résistance pendant l'occupation. Il est décédé le 9 avril 1959 dans sa propriété de Ville-d'Avray, après avoir été le maire de cette ville.
J'ai toujours piloté des biplans, d'abord l'Ariel-Wright, puis le Farman avec lequel j'ai fait des centaines de démonstrations un peu partout en Europe et aux Etats-Unis. Ma carrière a pris fin en 1940, lorsque les Allemands ont saisi les deux avions que je possédais. Elle avait débuté en septembre 1909. Les circonstances de mon initiation méritent d'être contées.
À cette époque, j'étais occupé à la mise au point d'un hydroglisseur inventé par le comte de Lambert qui fut l'un des tout premiers élèves des Wright. Sur sa recommandation, je fus engagé par Michel Clemenceau qui venait de fonder la Société Ariel pour exploiter le brevet Wright.
L'Aviation était bien mystérieuse encore. J'avais cependant décidé de devenir aviateur, niais je ne savais même pas de quel côté il fallait gauchir pour rétablir l'équilibre.
J'avais naturellement la liberté d'examiner tout à loisir l'aéroplane Wright qui était garé sur le plateau de Juvisy et j'essayais de me rendre compte des mouvements qu'il fallait faire. Pendant toute la semaine, en fiacre, en omnibus, en auto, dans le métro, partout, sauf évidemment sur l'appareil, je m'apprenais à voler. Fermant les yeux, je m'imaginais être dans l'espace...
Au bout de huit jours, cependant, je m'installai dans l'appareil à l'arrêt. Enfin, un beau soir, je lâchai l'ordre décisif, « Sortons l'appareil ». Le moteur tournait et les deux hélices aussi ! Qu'allait-il se passer une fois dans l'espace ?
Les mécaniciens me regardaient comme une bête curieuse. Moi, naturellement, j'affectais d'avoir l'air calme et même joyeux.
Je donnai l'ordre de mettre en marche pour de bon et j'eus un moment l'espoir que le moteur ne partirait pas. Fatalité, il partit merveilleusement. Plus moyen de reculer. Allons-y ! Je fais le signal fatal « lâchez tout ».
Je sens que je glisse sur le rail de lancement. Arrivé au bout, je tire un peu (comme j'avais lu que le faisait Wright) et me voilà en l'air, ne voyant absolument que le ciel devant moi. Je veux revenir sur la terre, je pique, le sol se rapproche avec une rapidité effrayante, je cabre à nouveau l'appareil, je remonte, je penche à droite, puis à gauche ; je retombe ; j'ai la sensation d'être ivre.
Décidément, l'apprentissage que j'ai fait en fiacre, en auto, reste très insuffisant. Et tout en réfléchissant, je vois avec terreur arriver la petite rivière l'Orge qui traverse l'aérodrome de Juvisy. Je la passe en montagnes russes, mais cette fois j'en ai assez. Il arrivera ce qu'il arrivera et j'arrête le moteur.
C'était un appareil solide. Il le prouva cette fois-là, en me déposant tranquillement à terre sur ses patins, sans rien casser.
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