TROISIÈME PARTIE
Le simple déroulement chronologique auquel le lecteur vient d'assister, pourrait constituer les feuillets d'un livre d'or, s'il avait pu y être relatés les innombrables traits de courage et d'abnégation déployés par la phalange des précurseurs.
PROGRÈS RÉALISÉS PENDANT L'ÉPOQUE HÉROÏQUE
Aux côtés des 101 tout premiers aviateurs, dont une biographie condensée vient d'être présentée, de nombreux champions ont surgi, qui, se lançant à l'assaut des records, ont égalé et surpassé leurs aînés en se rendant célèbres par des exploits retentissants. Leurs noms doivent rester inscrits dans l'histoire de l'aviation.
Les records de vitesse, de durée, d'altitude, les raids splendides accomplis sont si nombreux qu'il ne serait pas possible d'en faire l'énumération sans s'éloigner des limites de la présente étude. Voici, cependant, pris parmi beaucoup d'autres, quelques-uns de ces événements qui illustrèrent encore l'époque héroïque :
- 28 mars 1910 : Sur l'étang de Berre, Henri Fabre exécute les premiers vols du premier hydravion au monde.
- 27-28 avril 1910 : Paulhan remporte la course Londres-Manchester, premier long vol au-dessus de la campagne.
- 10 juillet 1910 : La vitesse de 100 km. à l'heure est atteinte pour la première fois par Léon Morane.
- 17 août 1910 : Leblanc termine premier le Circuit de l'Est suivi de près par Aubrun.
- 23 septembre 1910 : Chavez réussit la première traversée des Alpes, mais il est blessé mortellement à l'atterrissage.
- 30 décembre 1910 : Tabuteau gagne la Coupe Michelin 1910, vol de 582 km. sans escale.
- 7 mars 1911: Premier voyage Paris-Clermont-Ferrand avec atterrissage au sommet du Puy-de-Dôme, effectué par Renaux avec Senouque comme passager, qui remporte le grand prix Michelin.
Tabuteau, brevet n°128
Renaux, brevet n°139
- 26 mai 1911 : Course Paris-Madrid remportée par Védrines.
- 31 mai 1911 : Course Paris-Rome remportée par le lieutenant de vaisseau Conneau sous le pseudonyme de Beaumont qui enlève encore la première place au Circuit Européen, le 7 juillet, et dans le circuit du « Tour d'Angleterre », le 26 juillet.
- 20 septembre 1911 : Premier voyage colonial Casablanca-Fez par Brégi avec un passager (journaliste-reporter) effectué au-dessus d'une zone dissidente.
- 17 juin 1912 : Garros triomphe dans le premier grand prix de l'Aéro-Club de France à Angers.
- Septembre 1913 : Premières démonstrations par Pégoud de la manoeuvre acrobatique aérienne.
- 23 septembre 1913 : Première traversée aérienne de la Méditerranée, immortel exploit de Garros. Une tentative avait été faite le 3 juin 1911 par le lieutenant Bague qui disparut en mer.
- 29 septembre 1913 : Prévost porte le record mondial de vitesse à 203 km. 850 à l'heure.
- 28 décembre 1913 : Le record d'altitude est porté à 6.210 mètres par Legagneux.
- 22 octobre - 29 novembre 1913 : Emmanuel Helen, pour la troisième année consécutive, s'adjuge la Coupe Michelin ; en volant chaque jour entre le lever du jour et le coucher du soleil, il totalise 16.096 km.
- L'année 1913 se termine par les plus beaux voyages réalisés jusqu'alors en aéroplane : Jules Védrines relie la France à l'Égypte par l'Europe Centrale et l'Asie Mineure, suivi par Marc Bonnier qui parcourt le même itinéraire, tandis que Brindejonc des Moulinais réalise le raid le plus long d'avant-guerre en accomplissant un extraordinaire tour des capitales européennes.
Enfin, dans les premiers jours de 1914, Marc Pourpe vole du Caire à Khartoum et retour.
L'ère des grands raids aériens est commencée, mais l'Europe entière se prépare aux terribles événements de 1914-1918.
Garros, brevet n°147
Védrines, brevet n°312
LE PREMIER MUSÉE DE L'AIR
Pour perpétuer et rassembler les souvenirs des temps héroïques, un musée de l'aéronautique avait été créé à Paris, dès la fin de la guerre, en 1918.
Par le seul fait que la France a été la créatrice de l'aérostation libre et dirigeable et qu'elle a été le berceau de l'aviation, son musée de l'air détient des collections d'une valeur inestimable, comme aucune nation au monde n'en possède de comparables : ballons, nacelles, avions, moteurs, bibliophilie, tableaux, objets d'art, autographes, archives et documents de toutes sortes, témoins authentiques depuis les origines de l'aérostation jusqu'à nos jours.
Beaumont, Brevet n°322
Brindejonc des Moulinais, Brevet n°448
Helen, Brevet n°586
Pégoud, Brevet n°1243
Malheureusement, par suite d'un changement d'affectation de l'ancien local du musée du boulevard Victor, toutes ces richesses se trouvent entassées depuis 1940 dans des caves ou dans un hangar à Chalais-Meudon, où elles risquent de se détériorer.
Ainsi, la France n'a plus de musée de l'air ! Malgré un vote du Parlement, du 30 juin 1955, invitant le Gouvernement à réinstaller le musée, aucune décision n'a encore été prise à ce sujet. Une association des Amis du Musée de l'Air, dont le promoteur est M. Louis Vallin, a été constituée. Son premier objet est d'aider à la réouverture de ce musée qui était jadis une des gloires de l'aviation. Puisse-t-on y réussir bientôt et voir enfin tous ces souvenirs émouvants réunis à nouveau dans un local digne du passé.
D'ici quelques années, il n'y aura plus de contemporains des débuts de l'aviation. Il serait inconcevable que la postérité puisse être privée du véritable patrimoine national que représentent ces collections, preuves matérielles de l'ère de grandeur du prestige aéronautique français.
PART PRÉPONDERANTE DE LA FRANCE
DANS LA CONQUÊTE DE L'AIR
C'est, comme on l'a vu, dans une très courte période que les tout premiers aviateurs firent passer les balbutiements d'une science toute nouvelle à des possibilités désormais réelles, alors qu'elles avaient paru, pendant des siècles, être hors d'atteinte.
On ne doit pas oublier non plus que les hommes-volants de la première heure durent, au prix d'une immense somme de courage et de renoncement, cumuler parfois les rôles d'inventeur, de constructeur, de mécanicien, de pilote, car ce ne fut que plus tard que les méthodes archaïques firent place à une industrie de construction aéronautique avec des industries annexes d'équipement suffisamment puissantes. L'aviation du début s'est alors dégagée des exploits héroïques pour faire place à l'aviation contemporaine.
Il existe peu d'exemples de l'activité humaine où le progrès ait légitimé à un tel degré les espoirs qu'elle avait pu susciter.
C'est donc à bon droit que la France peut s'enorgueillir d'avoir engendré la race des précurseurs, comme d'avoir été le théâtre des prémices de l'aviation.
La France a su aller de l'avant dans les domaines les plus anticipés de la technique. De même qu'elle l'avait fait auparavant dans la solution du problème de la force ascensionnelle et de la dirigeabilité des « plus légers que l'air », c'est un rôle prépondérant qu'elle a joué dans la naissance de l'aviation.
En achevant définitivement la conquête de l'air dont l'avènement avait été préparé par elle, notre Patrie a justifié cette évidence historique :