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Gonfleurs d'Hélices et Causes de la mort d'Hélène Boucher

Les « gonfleurs d'hélices »

Hélice Ratier à pas réglable

Les premières hélices à pas variable Ratier étaient mises en position "petit-pas" avant le décollage, au sol par le mécano qui branchait une pompe pneumatique (genre pompe à vélo améliorée) sur une valve en bout du cône d'hélice. La pression générée déplaçait un piston (repoussé par un ressort) jusqu'à la position petit-pas à laquelle il était alors bloqué par un cliquet. Après le décollage, le pilote tirait sur une manette qui déclenchait le cliquet ; le piston poussé par le ressort revenait vers la position grand pas progressivement grâce à une fuite calibrée dans le cylindre. Cette hélice n'avait de "pas variable" que le nom puisque seules deux positions existaient et qu'il était impossible au pilote de revenir vers petit pas. Le mécano "gonflait" réellement l'hélice.


Caudron C440 Goéland

Les premiers « Gonfleurs d'hélice » firent leurs armes sur le Caudron « Simoun », puis sur le C440 « Goéland » équipé de 2 moteurs Renault de 220 ch et des "fameuses" hélices Ratier - 260km/h - 6 passagers ou "poste". Premier vol le 1er mars 1935. En exploitation à Air France entre 1937 et 1950.


Produit à 1702 exemplaires, Il inaugura la postale de nuit le 10 mai 1939 (Caudron 449 piloté par Raymond Vanier) pour Air Bleu.


La Passion du Ciel

Ce terme de « Gonfleur d'hélice » et son origine sont confirmés par ce qu'on peut lire dans le livre La Passion du Ciel, de Madeleine Charnaux, Souvenirs d'une aviatrice ; Librairie Hachette, 7e mille, édition de mai 1942.

« C'était Clément, le chef de la station Renault de Guyancourt, qui devait me mettre le Rafale en main. »

« Nous décollâmes. J'entendais pour la première fois la furie d'une hélice au petit pas emballant le moteur ; puis, après avoir légèrement piqué, le bruit redevint normal.     « Vous sentez, cria Clément, l'hélice a passé au grand pas. »

« Clément gonfla avec la pompe à main la vessie qui déclenche le grand pas de l'hélice. »

« Mon avion ne permettait pas de reprendre un atterrissage. Si un zinc militaire se mettait à rouler là où je voulais atterrir ou me coupait la piste, je ne pouvais « remettre la sauce » et m'envoler pour attendre des temps meilleurs : 1° mon hélice ne se remettait pas au pas de décollage autrement que par gonflement à main d'une vessie de caoutchouc, »

« Bouteille, le cher Bouteille, mécano prêté par Caudron, Bouteille, qui n'a jamais le temps de se raser, mais toujours le temps de travailler pour vous, tenait à ce que chaque chose fût en état. [....] il brocardait ceux qui le traitait de "gonfleur d'hélice". »

« J'eus de petits ennuis mécaniques, la vessie de gonflage d'hélice éclata plusieurs fois. Ratier avait abandonné la construction de ce type d'hélice, ayant mis au point un modèle qui se réglait électriquement. Les hélices à réglage pneumatique encore en service étaient utilisées par Air-Bleu, qui raflait toutes les vessies de caoutchouc disponibles. »


Pour des précisions supplémentaires sur le livre de Madeleine Charnaux : La Passion du Ciel


Tout Pour La Ligne

Nouvelle confirmation du « gonflage d'hélice » dans le livre Tout pour La Ligne de Raymond Vanier ; Éditions France-Empire - 1960.

« ... Enfin, le 17 avril, après deux tours de piste avec Delmotte, je pris en main le premier Simoun d'Air Bleu, le F-ANRI. »

« Le Simoun était le premier avion français à hélice à pas variable en vol. Cette première hélice Ratier à deux positions, petit pas pour le décollage et grand pas pour le vol en croisière, innovait un dispositif automatique constitué par une vessie de caoutchouc logée dans le moyeu de l'hélice. Une valve permettait de gonfler cette vessie et la pression maintenait l'hélice au petit pas, ce qui facilitait le décollage. En vol, quand l'avion avait pris de la vitesse, la pression de l'air sur un disque actionnait la valve, l'air s'échappait et automatiquement les pales d'hélice libérées reprenaient la position grand pas favorable à une plus grande vitesse en vol horizontal. »

« L'inconvénient du système était qu'on ne pouvait refaire fonctionner ce dispositif avant le retour et l'arrêt au sol. Il y avait bien sûr, après l'atterrissage, de quoi s'étonner en voyant le pilote descendre de l'appareil une pompe de bicyclette à la main pour la brancher au centre de l'hélice et donner de vigoureux coups de pompe afin de bloquer celle-ci au petit pas. »

Pour des précisions supplémentaires sur le livre de Raymond Vanier : Tout pour La Ligne

Gonfleur d'hélice

Source : L'Illustration - 17 Novembre 1934 - Spécial Aéronautique


Contribution française
à une victoire britannique

Scott, vainqueur avec Campbell Black de Londres-Melbourne, regonfle la vessie incorporée, au mécanisme d'orienration des pales, dans l'une des hélices Ratier à pas variable qui équipaient son avion De Havilland « Comet ».

 
 
 
 
 


Causes de la mort d'Hélène Boucher

Ce type d'hélice, ne pouvant être remise au petit pas, a été une des causes de la mort d'Hélène Boucher, la deuxième cause étant le système de sortie et de rentrée des volets.

Voilà ce qu'en a écrit Madeleine Charnaux dans son livre, La Passion du Ciel, Édition de 1942.

De fait, nous étions les seuls dans le ciel d'Orly. Après deux tours de piste nous cessâmes de voler. De retour à Paris, j'entendis les vendeurs de journaux crier avec animation, comme les jours d'événements extraordinaires.

Hélène Boucher s'était tuée à Guyancourt, cet après-midi même, en s'entraînant sur son Rafale, en vue d'une présentation d'avion pour le lendemain. Les feuilles du soir publiaient de grosses photos où elle souriait de son rire jeune, où elle rayonnait de santé et d'équilibre. J'étais atterrée. Machinalement, j'allai chez mes amis Jonchay. Lui, étant directeur au département aviation chez Renault, sa femme saurait peut-être ce qui s'était passé.

Elle téléphona à Delmotte, à Guyancourt. La voix rauque d'émotion, il répondit : « Il faisait mauvais, je lui ai dit de ne pas voler, mais elle semblait butée et ne m'a pas écouté. A mes conseils elle a répondu par un ordre aux mécanos : Sortez le Rafale » !

« Elle a décollé, et tout de suite, à cent mètres, elle est rentrée dans la crasse. Elle a voulu se reposer, s'est présentée au terrain, mais elle a été trop longue (le terrain de Guyancourt est exigu et demande une grande précision pour l'atterrissage des machines rapides, sinon on sort des limites). Elle a remis la sauce et a oublié de rentrer les volets (1). Elle volait donc tangent. Elle était alors dos au vent ; elle a viré pour aller reprendre son terrain. En se mettant vent debout, elle a fait une perte de vitesse, et l'avion est parti en vrille. Elle a voulu le rattraper en mettant du moteur, et elle est passée sur le dos et a filé au sol. Vous savez, dans la pépinière.... - Elle est morte sur le coup ? balbutia Gène, bouleversée. - Oui, la nuque brisée, « le coup du lapin ». Elle était couchée face à la terre, dans les feuilles mortes, le visage dans son bras replié comme si elle dormait. De l'avion il ne restait rien... des bouts d'allumettes.... Pauvre gosse ! Elle est à l'hôpital de Versailles. »

Le lendemain matin, Gène et moi allâmes à Versailles. Au seuil d'une chambre d'hôpital toute claire, un élève de l'École de l'Air, en tenue de cérémonie, montait la garde. Trois personnes inconnues priaient. Hélène était étendue sur le lit. Des gerbes de fleurs dénouées, et sur sa poitrine la Légion d'honneur, pesaient sur le drap qui la recouvrait. On avait voilé de tulle son pauvre visage noirci d'un côté et tuméfié par le choc. Seul le front droit et volontaire gardait sa forme pure.

Nous restâmes une heure. Nul ne parlait ni ne bougeait. Le petit aviateur en faction semblait une statue. Quelqu'un pleurait silencieusement. Un pas dans le couloir, un pas d'homme. La porte ouverte encadre la silhouette du directeur général des usines Renault : François Lehideux. Ce n'est plus le grand patron impassible, c'est un être sensible aux yeux brillants de larmes. Les parents d'Hélène ne sont pas ici ; son vieux papa est paralysé. Sa mère doit s'occuper du transport du corps à Paris, où le service funèbre aura lieu. Christian du Jonchay, comme ami d'Hélène et directeur Renault de l'aviation, aide la pauvre femme dans ses lugubres préparatifs. L'appartement de famille, trop petit. où il y a un impotent, est mal préparé pour recevoir les milliers de visiteurs qui voudront s'incliner devant celle qui fut la reine de la vitesse.

Le commandant du Jonchay, petit-fils et fils de généraux, fait ouvrir pour Hélène les portes des Invalides. C'est dans la chapelle Napoléon, réservée jusqu'alors aux funérailles d'officiers, que sera exposée l'aviatrice tombée en service aérien, et, désormais, tous les pilotes tués en vol et décorés de la Légion d'honneur.

Ce soir-là, Maryse Bastié me téléphona. Elle avait rassemblé toutes les aviatrices pour qu'à tour de rôle deux d'entre elles soient toujours présentes auprès du cercueil de leur camarade. J'y fus, je me le rappelle, vers la fin de la soirée. La presse avait annoncé le transfert du corps aux Invalides. Il faisait très sombre en la grande nef, où dans l'obscurité je devinais les vieux drapeaux pâlis.

Je pris place dans une file d'inconnus qui par le bas-côté gagnait la chapelle Napoléon et aboutissait à un vaste demi-cercle d'hommes et de femmes parmi lesquels je reconnus bien des camarades.

La petite chapelle était un brasier de cierges. Le sol jonché d'épaisseurs de roses. Des gerbes, des couronnes, de simples bouquets revêtaient aussi entièrement les murs, débordaient sur les marches d'accès pour se déverser le long de ce bas-côté de l'église, serrés contre la paroi.

Un capitaine aviateur en grande tenue, avec ses décorations, montait la garde près du cercueil. Un peu en retrait, j'apercevais l'aviatrice que j'étais venue remplacer, et une autre encore. Je relayai l'une d'elles. A ma droite, une femme en noir était assise sans prier, le regard très fixe, comme stupéfié.... A sa ressemblance avec Hélène, je reconnus Mme Boucher. Au bout d'un long moment, je levai les yeux sur le demi-cercle humain qui maintenant me faisait presque face. Je voyais Arnoux très droit dans son cuir, Delmotte, Lacombe. Ceux d'Air-France en uniforme de la Ligne, les pilotes d'essais, des officiers, tous ceux et celles qui avaient vu Hélène travailler, faire son chemin, ceux qui avaient, sur les aérodromes, appris à la juger et à estimer son caractère et son courage.

Et puis il y avait la foule qui ne connaissait que sa légende, qui l'imaginait comme une guerrière héroïque, une sorte de Jeanne d'Arc moderne. Cette foule nombreuse, chaleureuse, le concierge, le bistrot, l'épicier, le camionneur, la modiste, le cycliste, le mécano de garage, certains encore en tenue de travail, des femmes tenant leurs gosses par la main ; cette foule venait devant le cercueil d'une morte de vingt-six ans, se recueillir, saluer sa mémoire, rêver à cette vie intense et fugitive Des enfants, des mères posaient, sur la nappe de fleurs, d'autres fleurs, toujours, encore des fleurs. Au bout d'une heure, l'odeur puissante des roses, la chaleur des cierges et, je dois l'avouer, l'émotion qui me poignait commençaient à m'étourdir. En face de moi, le capitaine tout droit ne cillait même pas. Dans le groupe des camarades, personne ne se décidait à LA quitter. Ils restaient tous, les yeux fixes, coude à coude, sans mot dire. Après trois heures de veille, je vis que la haie de couronnes et de gerbes avait envahi le mur du bas-côté jusqu'à la sortie.

Vraiment, cette nuit-là, Hélène Boucher fut pleurée par Paris tout entier.

Le service funèbre eut lieu aux Invalides. Le Tout-Paris aéronautique, qu'on retrouve au grand complet à tous les enterrements d'aviateurs, commentant l'accident, doutant d'un matériel ou d'un ingénieur, ou du pilote même qui vient de mourir, ce public qui, depuis longtemps, enterre chaque année un lot d'hommes jeunes, courageux et habiles, avec la même pitié machinale, avec la même émotion vite secouée, vite repoussée devant une petite veuve de vingt ans, hier une femme heureuse, devant des orphelins ou de vieux parents brisés, ce public n'était pas préparé pourtant à la chute d'une jeune fille, presque une enfant. II y avait des larmes dans les yeux des constructeurs qui avaient vu s'écraser cinquante ou cent pilotes, des larmes dans les yeux des aviateurs civils ou militaires qui avaient ramassé tant de camarades broyés ou en cendres.

Arnoux me conduisit, ainsi qu'une autre aviatrice, à Yermenonville, dans l'Eure-et-Loir, où Hélène fut inhumée. Le petit cimetière campagnard à flanc de coteau fut soudain envahi par une foule.

Telle femme pilote, qui avait détesté et combattu Hélène, était cependant venue jus-qu'ici, au bras d'une amie, l'œil allègre, comme pour s'assurer que c'était bien fini, que sa rivale était bien enterrée, recouverte, disparue. Il faisait clair et beau. Des avions passèrent. La patrouille d'Étampes, volant au ras des tombes, vint dire un dernier adieu à la camarade de tant de meetings. Puis, chacun se dispersa et Hélène fut seule pour toujours.

[....]

Maintenant, je tâtai l'avion. Il avait une sensibilité incroyable, un mouvement de manche de quelques centimètres d'amplitude et il piquait sec, cabrait sec.... Je finis par comprendre ce qu'on appelait au perfectionnement d'Étampes : piloter par pression. En fait, il ne me fallait le piloter que le moins possible et le laisser faire sans le contrarier. Parfois, appuyer un peu de la main, du pied. C'était tout. Lorsque je me sentis à mon aise, je me promenai, puis je décidai d'atterrir. Je me mis très loin face au terrain. Moteur réduit, je commençai à sortir les volets d'intrados. Je compris ce qui avait pu arriver à Hélène Boucher quand je vis qu'il fallait tourner une soixantaine de fois le volant qui commandait leur ouverture pour les déployer en position de freinage.

C'était là un appareil qui ne pouvait pardonner un atterrissage raté. Je n'aurais jamais le temps, si je manquais le terrain, de tourner dans le sens inverse soixante fois ce volant de malheur, avant de remettre l'avion en montée. Et si je mettais l'avion en montée, volets ouverts... je savais le résultat : perte de vitesse, tour de valse jusqu'au sol.

 

(1) Volets d'intrados, frein utilisé pour la descente à l'atterrissage qui nécessitent une cinquantaine de coups de volant pour les ouvrir ou les fermer sur le Rafale.


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