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Né à Paris le 13 avril 1869, Alfred LEBLANC effectue ses premières ascensions en 1904.
Sportman à l'audace tranquille, il s'affirme bien vite l'un des champions du plus léger que l'air. Ses randonnées de plus de mille kilomètres ne sont pas rares ; son nom figure en bonne place au palmarès des grandes compétitions : en 1912, il se classe second de la Coupe Internationale Gordon-Bennet, parcourant de Stuttgart à Pouga (sud de Moscou), 2.100 km. en 45 h., battant le record du monde de distance.
L'année suivante, il remporte le Grand Prix de l'Aéro-Club.
Mais l'aérostation n'est plus alors qu'un succédané à son activité aérienne. Depuis 1909, l'aviation l'accapare. Ami de Blériot, il assiste sans relâche l'illustre constructeur-pilote, blessé et souffrant, dans ses préparatifs de traversée de la Manche. Et si, le 25 juillet 1909, Blériot peut pointer victorieusement sur Douvres, c'est en grande partie à Leblanc qu'il le doit.
Le 16 décembre 1909, Leblanc passe, à Pau, son brevet de pilote aviateur sous le N° 17. Désormais, il participe à tous les grands meetings : à Rouen, à Deauville, à Reims, où il bat les records de vitesse de 5 à 100 km. A la Coupe Gordon-Bennet de 1910, il confirme sa maîtrise mais doit abandonner par suite d'une panne d'essence, alors qu'il avait la course en main.
Son plus brillant exploit fut sa victoire dans le Circuit de l'Est, la première grande épreuve à travers la France, où il s'affirme le meilleur ; grâce à sa connaissance de la géographie aérienne, il put accomplir tout le circuit sans jamais s'égarer et, après 12 h. 56 de vol effectif, il se pose en vainqueur à Issy-les-Moulineaux.
La guerre venue, Alfred Leblanc, malgré son âge, se fait affecter comme instructeur des soldats de seconde classe à Dijon où il demeure quelque temps, avant de reprendre la direction de l'usine d'où devaient sortir tant de fameux Spad.
Après avoir produit, il fallut, la paix rétablie, liquider. Lourde opération que dirigea Alfred Leblanc. Il devait succomber à la tâche en 1921.
« À la fin de 1909, j'étais en Angleterre, à Blackpool, pour y exécuter quelques vols. Or, à cette époque, j'étais très novice. Une fois là-bas, il fallut pourtant voler. Nos hôtes nous avaient reçus d'une façon exquise. Toutes les maisons de la ville étaient pavoisées de pavillons français, tandis que des transparents lumineux vantaient les bienfaits de l'entente cordiale. Le champ d'aviation était moins hospitalier. Il était situé au bord de la mer, en plein vent, bordé de tribunes découvertes dans lesquelles 20.000 personnes s'étaient entassées et nous acclamaient.
Tout le monde avait volé, Farman, Paulhan, Rougier, Latham. C'était mon tour. J'avais à cette époque un petit Blériot à moteur Anzani dont la principale qualité n'était certainement pas l'excès de puissance du moteur. On s'envolait comme une perdrix, en rasant le sol, et il n'y avait pas à craindre ce que les poètes ont appelé le vertige des cimes. Je pris mon essor, m'élevai à 5 mètres intrépidement et commençai mon tour de piste. Par malheur, le vent ne facilita pas beaucoup mon courage et lorsque j'eus pris mon premier virage, je me trouvai juste au-dessus du public, au-dessus des tribunes découvertes. J'entendais le moteur, timide probablement lui aussi, qui s'efforçait de ne pas tomber, et cramponné à ma cloche de direction je faisais comme le moteur. Au-dessous de moi, à deux mètres à peine, je voyais des milliers de visages, j'entendais des milliers de hourras. Les mains s'agitaient frénétiquement, avec des mouchoirs. Si ces braves gens que j'admire encore avaient su à quoi je pensais, et combien j'eusse donné pour être un peu plus loin, hors d'état de leur raboter la tête, comme je le craignais à chaque seconde, leur enthousiasme eût certainement été moins vif. Mais ils pensaient en eux-mêmes : « Enfin en voilà un qui sait voler et qui nous donne une émotion ! »
Pas si grande que la mienne, soyez-en certains. Tout a une fin, heureusement, même cette tribune interminable. Une minute après, j'étais à terre, au milieu de mes amis, et je leur disais d'un air dégagé, dégagé de toute responsabilité : ça ne va pas mal. Ça allait même mieux, car j'étais enfin au port. »
Alfred LEBLANC.
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