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Né à Sedan le 4 décembre 1888, Henri BRÉGI, après de solides études à Paris et nanti du brevet d'ingénieur électricien, décide de bonne heure de mettre ses connaissances mécaniques au service de l'aviation naissante.
L'opposition de sa famille l'oblige longtemps à différer ses desseins. Mais le hasard sait parfois bien faire les choses : la victoire éclatante au concours Lépine de 1908 d'un modèle réduit construit avec l'aide de son frère Christian et de Louis Paulhan décide de sa vocation. Le prix décerné au jeune trio n'est autre qu'un aéroplane cellulaire « Voisin », auquel il ne manque, pour s'envoler, que le moteur, l'hélice... et aussi le pilote.
Installée au fond du terrain d'Issy-les-Moulineaux, l'équipe se met avec ardeur à la tâche. Et c'est ainsi qu'en octobre 1909, à la Grande Semaine de Paris, organisée à Juvisy Port Aviation, se révèle à l'immense public enthousiaste, un nouvel homme-oiseau : Henri Brégi, qui s'adjuge une bonne partie des prix, réussissant le dernier jour un vol, magnifique pour l'époque, de 33 minutes.
Le 21 décembre 1909, le brevet de pilote aviateur N° 26 vient consacrer cette maîtrise.
Le mois suivant, les frères Brégi décident hardiment d'aller présenter aux populations d'Amérique du Sud leur machine volante. Près de Buenos-Aires, ils improvisent un terrain d'aviation où les vols se succèdent dans un enthousiasme indescriptible. Henri Brégi doit donner le baptême de l'air à toutes les notabilités de la région, et l'une d'elles, conquise d'emblée, leur achète leur appareil, qu'un second « Voisin » vient d'ailleurs bientôt remplacer. Mission fructueuse pour l'influence française dans ce pays ami et qui a laissé là-bas une trace durable : l'une des rues de Buenos-Aires se nomme « Calle Henri Brégi ».
De retour en France, Henri Brégi participe à tous les grands meetings : Reims, Bordeaux, Bourges, d'où il rentre à Paris par la voie des airs. À Pau, il vient se poser sur la terrasse du château du président de l'Aéro-Club du Béarn. À l'étranger, il se distingue aux meetings de Milan, de Spa, de Cologne.
En octobre 1910, Henri Brégi devient le sapeur Brégi. Il est attaché au centre d'aviation militaire de Douai et dès lors va devenir le grand spécialiste des aéroplanes Bréguet. C'est à bord d'une machine de ce type qu'en compagnie du correspondant de guerre Lebaut, du « Petit Journal », il va accomplir le premier raid dans le ciel marocain. Le 13 septembre 1911, sans convoyage, sans possibilité de ravitaillement, il survole le Maroc en pleine effervescence, reliant Casablanca à Fez par Rabat et Meknès. Ce raid a un énorme retentissement, l'avion réalisant en trois heures un parcours qui exige dix jours d'une caravane. La médaille militaire vient récompenser ce haut fait, tandis que le glorieux biplan prend le chemin du conservatoire des Arts et Métiers où il se trouve exposé à côté de l'avion d'Ader et du Blériot de la traversée de la Manche.
De 1912 à 1914, Henri Brégi se spécialise dans l'hydraviation, remportant encore de beaux succès à chaque grande épreuve. Et c'est sur un hydravion qu'il devait trouver une mort héroïque quand, en 1917, partant bombarder un sous-marin allemand signalé au large de Toulon, il fut blessé par le tir du corsaire et contraint à un amerrissage brusqué qui fit capoter l'appareil. Tandis que bombardier et mécanicien s'en tiraient indemnes, Henri Brégi, secouru trop tard, périt noyé.
Dans une lettre en date du 18 octobre 1910 adressée à l'écrivain Jacques Mortane, Henri Brégi, décrivant les impressions d'un séjour qu'il a fait en Argentine, raconte ainsi certaines de ses aventures :
« Là-bas, à Buenos-Aires, les émotions n'ont pas manqué ; il fallait montrer aux Argentins les progrès de l'aviation française inconnus d'eux. Après bien des incertitudes, des difficultés de moteur, j'ai pu réussir les vols annoncés et aussi une promenade aérienne dans les environs de la capitale.
« Quel voyage I Perdu dans le brouillard, inquiet, ne sachant plus où aller, j'ai enfin retrouvé le soleil après avoir décrit deux grands cercles. Alors, le rire me prit à la vue des bestiaux effrayés courant en tous sens ; une fermière surprise laisse choir son seau de lait ; un laboureur ébahi lâche sa charrue !
« L'aviation avec passager a aussi ses gaietés : un snob étranger veut s'auréoler d'un voyage aérien ; il est très crâne au départ ; je le monte à 50 mètres ; mon homme se cramponne aux montants, me serre avec les genoux, devient muet, pâlit, claque des dents. Il était temps de toucher terre car, tel le conscrit entendant pour la première fois siffler les balles, mon compagnon s'était oublié !
« Il y a des femmes plus braves. Prestement, ma passagère est coiffée d'une casquette par mon mécano qui, après lui avoir serré les jupes avec une corde, l'installe dans le fuselage. En l'air, une voix s'exclame : « Plus haut, encore plus haut, quelle griserie ! » À la descente, plus de casquette, plus de chichis ; ils ont quitté la gentille tête pour s'accrocher aux tendeurs !
« C'est moins désagréable que ma première bûche lors d'un concours d'aviation. Avec un appareil flambant neuf, je pars chargé de cent litres d'essence, serrant de près les concurrents à 70 à l'heure. Étant à faible hauteur, un remous me plaque dans les blés qui s'enroulent autour du châssis ; je me cramponne au volant et faisant un saut périlleux pour retomber à quatre pattes dans le champ ; l'appareil se retourne et je vois la cellule arrière qui va m'écraser. Comme un lapin, je détale pour sauver ma peau I Et mélancoliquement, je contemple ensuite le bel oiseau blessé ! »
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