Oui, elle est de retour, principalement grâce à la pugnacité des personnels de la Direction Générale des Opérations Aériennes.
Grande nouvelle pour ceux qui sont sensibles au sort de l'emblème des équipages et des racines vivantes de la compagnie : L'hippocampe ailé, « La Crevette » retrouve progressivement, au grand jour, toute la place qui lui est due sur les capots des moteurs des avions d'Air France, dans sa version originale, avec la queue.
Devenue la « marque » de la Compagnie, elle figura sur tous ses documents administratifs ou promotionnels, ses uniformes, ses matériels, ses appareils, imposant sa curieuse et insolite silhouette sur les tarmacs des quatre coins du monde. Jusqu'au jour où un ukase la déclara démodée, ringarde.
Que de souvenirs s'attachent à ce drôle d'animal... les plus anciens d'entre nous se souviennent de ces deux grandes « crevettes » sculptées dans la pierre, se faisant face, qui décoraient l'entrée du premier siège d'Air France, le mythique « 2 rue Marbeuf ». Il semble bien me souvenir que lorsque la Direction générale émigra vers Maine-Montparnasse, elles purent être sauvées de la pioche des démolisseurs et furent transférées à Vilgénis. Y seraient-elles encore ? Et, dans les colonnes de France-Aviation, n'avons-nous pas, pendant de longues années, retrouvé avec plaisir les billets de Jean G. Marais, alias « Lacrevette », si bien tournés, toujours emplis d'un humour parfois bonhomme... et parfois corrosif.
C'est avec un grand plaisir que je salue la décision de la Compagnie de réhabiliter et de mettre en valeur l'ancien logo dans toute sa pureté originelle.
Très longue vie et tous nos meilleurs voeux de réussite à notre chère « Crevette ».
Guy Groueix - Présence des retraités d'Air France
Nous avons reçu la lettre publiée ci-contre, qui revient sur une question que plusieurs lecteurs nous ont déjà posée et que nous signalons à l'attention de la Direction générale.
Messieurs,
Au moment où, plus que jamais, la Compagnie s'engage dans la « prospective », nous fignole de beaux « plannings », s'adonne au « marketing » et truffe notes de service et correspondances de néologismes à faire frémir M. Etiemble, j'ose à peine, à la veille du G.D.V.M.M. (Grand Départ vers Maine-Montparnasse) venir vous parler d'une de ces « chères vieilles choses », qui, aux yeux d'affamés de progrès que nous sommes, risque de passer pour une vieille lune.
Certes, l'installation soigneusement « planifiée » a prévu pour chacun et pour chaque chose une place « fonctionnelle ».
Je crains cependant qu'outre quelques regrets et souvenirs, l'on n'oublie dans l'inévitable affolement du départ quelque chose au (déjà vénérable) numéro 2 de la rue Marbeuf.
Que va-t-on faire des deux crevettes de marbre, sous lesquelle ont passé tant de gens célèbres ou obscurs ? Cela peut paraître un peu bébète, un peu « presse du cœur », mais je crois que beaucoup d'entre nous sont attachés à cette arche tutélaire qui fait l'angle de la rue Marbeuf et de l'avenue George-V.
Trouvera-t-on dans le « Centre » ultramoderne de Maine-Montparnasse (M.M. comme on dit B.B. ou C.C.) un petit coin qui permette de ne pas séparer ces deux « crevettes » qui se regardent en chiens de faïence depuis si longtemps ? A tout le moins, ne pourrait-on leur trouver un petit coin douillet, où elles puissent couler des jours paisibles de bons petits retraités ?
Je pense à Vilgénis, pour l'édification des générations montantes.
Quelqu'un a dit quelque part, et à peu près, que notre industrie, le transport aérien, plonge ses racines dans un passé glorieux, connaît un présent brillant et se prépare un avenir fabuleux.
Aurons-nous l'ingratitude d'abandonner ces deux vieux serviteurs au pic d'un possible démolisseur ? D'avance, nous sommes plusieurs à penser que non.
Amicalement vôtre.J. M. Inspecteur à RGP.
La mémoire de Guy Groueix est bonne. En effet, les deux « Crevette » qui ornaient le 2 rue Marbeuf furent bien transférées à Vilgénis
L'une des deux, comme le relate France Aviation n°175 de juin 1969 et n°177 d'août 1969, fut installée sur la pelouse de l'internat du CIV et inaugurée le jour de la distribution des prix, le vendredi 27 juin 1969.
Cette photo (prise par notre fidèle correspondant de FCE, L. Weill) est historique. Elle représente la façade de l'ex-immeuble du Siège social d'Air France, 2, rue Marbeuf, à Paris, peu de temps avant transformation par l'acquéreur du bâtiment. Témoins de moments glorieux ou simplement émouvants, les deux « Crevettes » de marbre que vous voyez ici pour la dernière fois face à face, ont été déposées grâce au concours d'aimables bonnes volontés à Bases et Bâtiments et aux Services Intérieurs. Transportées en morceaux â Vilgénis, elles ont pu être reconstituées grâce aux efforts minutieux d'agents du Centre, ajoutant ainsi aux vocations déjà nombreuses de celui-ci celle de « correspondant » (officieux) de l'U.N.E.S.C.O.
C'est sur la pelouse de l'internat du Centre d'apprentissage, où se préparent les futurs techniciens d'Air France, que l'une de ces deux crevettes rêve désormais de son passé, tourmenté et passionné autant que respectable. On peut dire qu'elle symbolise la jonction entre hier et demain, entre les efforts de plusieurs générations et les projets de beaucoup d'autres.
Sa soeur attend un point - non de chute, terme proscrit, bien entendu - mais de repos et de méditation. Avis aux amateurs d'histoire !
À Vilgénis, le vendredi 27 juin 1969, a eu lieu la remise des prix aux apprentis, sous la présidence de M. Pierre D. Cot, directeur général d'Air France. Voici une « page photo » de cet événement dont ceux qui y assistèrent se souviendront à plus d'un titre.
On peut sourire, ironiser, ricaner, grogner, contester, rouspéter, ronchonner, soupirer, transpirer, renâcler, broncher, s'étonner, se blaser, s'endurcir, se blinder, rêver, « nostalgier », regretter, déplorer, se plonger dans le passé ou se lancer dans la prospective, planifier, futuriser, minimiser, magnifier, amplifier, ramener-à-de justes-proportions-qui, fraterniser, coopérer, se retrancher dans le mutisme, citer, omettre, oublier, rappeler, évoquer, effacer...
Oui, on peut faire beaucoup de choses, chacun à sa façon. Mais tout cela n'empêche que ce qui est fait est fait, que les résultats sont là, que l'histoire est écrite, petite ou grande, et qu'ont existé les hommes qui; l'ont faite, grands ou petits, et qu'existeront ceux qui la continueront.
C'est un peu tout cela que résume l'inauguration à Vilgénis, le jour de la distribution des prix du Centre d'Apprentissage, de la fameuse « Crevette » de marbre venue de la rue Marbeuf .
« Littérature » ou pas, ce monument est un symbole : celui d'une œUVRE COMMUNE, accomplie depuis plus de trente ans et qui ne demande qu'à être poursuivie. Puisse ce symbole être perçu - et compris.
Jeunes et anciens, au coude à coude, ont le sourire historique seyant à l'inauguration de cette « chère vieille Crevette » de Marbeuf, qui, pour son dernier voyage, a franchi la Seine et la Bièvre.
Il lui manque un bout de patte
Merci d'excuser la mauvaise qualité des photos. Le Musée Air France ne possède pas tous les exemplaires originaux de France Aviation. Les photos présentées ici sont extraites de photocopies des n°175 et 177.
MÀJ : 4 juillet 2024
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