LES avions ont parfois une histoire et celui-ci racontera la sienne pendant longtemps. Son histoire, c'est l'Histoire, celle de la dernière guerre au moment où les Armées Alliées débarquaient sur les côtes de Provence et d'Italie.
Pour les visiteurs innombrables d'un musée américain, il évoquera l'une des plus extraordinaires phases de la guerre en Europe car cet avion, qui prit part aux opérations dans ce secteur, entre pour toujours dans les galeries du souvenir de l'Armée de l'Air Américaine qui le reçoit en don d'Air France comme une précieuse relique.
cet avion est un Glenn-Martin B-26 qui se rendit célèbre sous le nom de « Marauder » ; il équipait notamment les escadrilles de bombardement de la
France libre. Après la guerre, il fit partie du matériel stocké par l'Armée de l'Air française sur la base aérienne de Mont-de-Marsan et comme la plupart des appareils éprouvés par des missions difficiles, il fut réformé.
C'est à cette époque, en 1951, que Air France, pour doter son école d'apprentis mécaniciens installée à Vilgénis, en Seine-et-Oise, recherchait un avion dont la cellule et les moteurs pourraient sans conséquence être démontés et remontés par une main-d'œuvre sans expérience, l'appareil étant voué désormais à cette unique utilisation.
Air France fut amené à faire son choix parmi le stock d'avions militaires réformés par l'Armée de l'Air et fit l'acquisition à Mont-de-Marsan d'un bimoteur Glenn Martin B-26, « Marauder », dont la technique de construction présentait des analogies avec les avions de transport de l'époque. D'une conception qui n'avait pas vieilli (les avions de guerre ayant pris une grande avance dans les méthodes), il fut retenu surtout pour le principe de son circuit hydraulique qui, encore aujourd'hui, est considéré comme très utile pour l'enseignement.
Il fut démonté, transporté par la route et remonté à Vilgénis sur une aire en ciment, au milieu des arbres et offert à la curiosité des jeunes mécaniciens qui s'en servirent comme d'un jouet.
Pendant quatorze ans, le vieux bombardier fut l'objet de millions de réparations factices, ses moteurs furent mis en panne, puis remis en route, toutes ses pièces furent livrées une à une à l'attention des futurs mécaniciens.
Sous la neige, dans le vent, sous la pluie et le soleil de l'été, le « Marauder », vieux, mais fier, a résisté aux caprices des jeunes apprentis qui, pourtant, ne voulaient que lui prolonger la vie.
Sans doute serait-il resté longtemps le « banc d'essais » de ces générations de mécaniciens dont les plus anciens veillent aujourd'hui à l'entretien des Caravelle et des Boeing, si un jour de l'an dernier un collectionneur venu des États-Unis et amateur des souvenirs de la guerre n'avait eu vent de sa présence en Seine-et-Oise.
Il s'extasia devant la « merveille » que depuis tant d'années il cherchait pour le musée qu'il anime : c'était le B-26, le seul au monde, l'unique exemplaire existant encore et lui seul manquait à une collection déjà considérable de machines volantes.
Devant tant d'intérêt, Air France en fit don à l'Armée américaine - qui, en échange, lui a offert un DC-3 — et c'est ainsi que le vieux serviteur des Armées de Libération entrera à l'Air Force Muséum situé dans l'Ohio, sur la Wright Patterson Base, de l'U.S.A.F.
On sait qu'il a beaucoup servi. On a retrouvé sur sa dérive les marques effacées par le temps qui sont ses origines d'escadrille : sur la face droite on devine les chiffres 581-7-2, sur la face gauche 334-6-1. On sait qu'il a, comme ses pairs, porté l'assaut sur l'Italie, la Sardaigne, Cassino, les plages de Provence, le Rhône jusqu'au Rhin et la victoire finale.
Les apprentis mécaniciens d'Air France ont effectué le démontage des hélices, des moteurs, des volets, de l'empennage, puis des mécaniciens américains chevronnés sont venus pour les aider à morceler le fuselage, les ailes.
Après une cérémonie officielle à Vilgénis, le 29 juin, au cours de laquelle le commandant Rivalant, conseiller PN des Relations Extérieures, remit l'avion au colonel Curry, directeur du Musée de la Wright Patterson Base, toutes les pièces furent chargées sur des remorques et par la route transportées à la base aérienne de Châteauroux. C'est là que mis à bord d'un avion cargo géant de l'U.S.A.F. il a commencé son dernier vol, mais sans doute restera-t-il toujours le souvenir vivant d'une page de l'Histoire de laGuerre.
PHOTO : Devant le nez du B 26, déjà chargé sur une remorque, on reconnaît de g. à dr. M. SLOAN et le Colonel CURRY, du musée de l'air de l'Ohio et le Commandant RIVALANT.
MÀJ : 2 décembre 2024
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