Georges Le Morvan (1949)
La « clope » presque toujours au coin de la bouche ; des roulées main. Un accent avec une tendance à parler un peu « du nez » : Ondré, tu beux aller me chercher mon baquet de gris.
Les nombreux apprentis de Vilgénis qui ont connu Georges Le Morvan, ont apprécié sa bonne humeur et son affabilité.
Extrait d'un opuscule édité par les 4e année Radio de la promotion 1958-1962
Le Morvan
Pour nous inculquer la notion de sécurité,
D'inventer des contes fabuleux il se crut obligé.
Des apprentis il est estimé
Car toujours il s'est dévoué.
France Aviation août 1968
« Jojo » part en retraite
Georges Le Morvan, le plus ancien instructeur du centre de Vilgénis, partant à la retraite, a dit adieu à ses jeunes et à ses collègues dans une allocution improvisée et non conformiste, alliant l'affection aux conseils bien sentis (y compris ceux destinés aux parents). Ancien apprenti mécanicien de la marine, ayant débuté en 1945 à Air France Biscarosse, il fut muté à Vilgénis en 1948 et a instruit, depuis, quelque 1000 apprentis. Ses amis lui ont, pour cadeau de départ, offert un poste de soudure, « histoire de ne pas perdre la main ».
Nota : Georges Le Morvan, apprenti de la promotion 1948-1951 est le fils de « notre JoJo » le Morvan, lui-même frère jumeau de Gaston Le Morvan (Voir ci-dessous).
Le détail qui nous amusait le plus dans la notation de Jojo le Morvan, c'était ceci :
Lorsqu'un outil ou une pièce tombait sur le sol depuis la nacelle d'un B26, un prof classique mettait 2 ou 3 points de moins sur la note finale. Lui mettait 0 en disant « Mon p'tit gars, si tu travaillais sur hydravion, ça serait au fond de l'eau ! »Témoignage de Jean-Pierre Beaufey - Promotion 1962-1965
Perdu en brousse, il est fait prisonnier et mis tout de go dans la marmite avec les fines herbes qui vont bien... Le chef de tribu alerté arrive, il ordonne de retirer immédiatement le prisonnier en précisant : « vous n'allez pas bien, vous ne voyez pas que c'est mon pote Jojo le Morvan »Témoignage de Francis Fraïssé - Promotion 1962-1965
Il avait des « accointances » avec son « p'tit pot » le ministre, ce qui lui permettait de « pistonner » ceux qui le désiraient pour effectuer leur service militaire dans l'Aéronavale avec possibilité d'embarquement.
Qui, lors des cours techniques sur le B26, n'a pas entendu ses phrases fétiches :
« Mes p'tits gars, gardez toujours l'œil et le bon, sur le manomètre. »
« Bouton inconnu, touche à ton c*l. »
N'oublions pas les P'tits Garnets ou Jojo books dans lesquels nous devions prendre des notes et qui étaient régulièrement vérifiés par Jojo.
Le premier des T6 (1965) a été mis en route par Jojo le Morvan excité comme un pou ce jour là. Je revois un apprenti « pomper » le carburant comme un fou pendant la mise en route sous les cris de Jojo !.Témoignage d'Alain Leverne - Promotion 1964-1967
Musée Air France
En blanc, Georges Le Morvan (Instructeur). À gauche, sous le train avant, Raymond SCHMITT ; En haut, à côté de l'hélice, Pierre IUND ; Au centre sur le haut de la nacelle moteur, Claude LEBRUN ; En haut de l'escabeau, Serge BERTHIER.
L'Illustration - 19 novembre 1938
Latécoère 521 « Lieutenant de vaisseau Paris » sur le terre-plein à Biscarosse
Gaston Le Morvan était le frère jumeau de Georges.
Né le 20 août 1908 à Lambezellec (Finistère). Mort en mer le 1er août 1948. Il entre à Air France en 1937 et effectue avec Henri Guillaumet huit de ses douze traversées de l'Atlantique Nord sur les hydravions Laté 521 « Lieutenant de vaisseau Paris » (F-NORD) et « Ville-de-Saint-Pierre » (1938-1939).
Disparaît en mer avec l'équipage et les cinquante passagers du Laté 631-06 (F-BDRC), au-dessus de l'Atlantique, entre Fort-de-France (Martinique) et Port-Étienne (Mauritanie).
DANS SON LIVRE DE SOUVENIRS PARU EN 1969, « LA RONDE S'ARRÊTE », GEORGES BOUCHARD ÉVOQUE AVEC HUMOUR UN DE CES VOLS :
... Une autre traversée, réalisée les 14 et 15 juillet 1939 avec deux passagers à bord, M. Louis COUHÉ, directeur général d'Air France Transatlantique, et Saint Exupéry compagnon de Guillaumet, eut un retentissement énorme...
Le « Paris » et son équipage furent à l'honneur le 15 juillet 1939 : pour la première fois, un hydravion commercial traversait l'Atlantique Nord sans escale, et cet appareil était Français. La grande presse s'empara de l'affaire : des articles élogieux, publiés par les journaux d'information, parurent en première page ; les films de l'arrivée à Biscarrosse passèrent dans toutes les salles de France et des Etats-Unis. Nous avions conquis le RUBAN BLEU de l'Atlantique Nord ! Quel exploit pour l'époque ! Et, cependant, à 3.000 kilomètres de l'Irlande, nous avions eu un accident de vol assez grave qui nous avait obligés de couper un moteur.
L'équipage du vol des 14 et 15 juillet 1939
Voici, tel qu'il s'est produit. l'incident mécanique survenu au moteur inter-droit : dans la nuit, subitement, un nuage de fumée envahit le poste de pilotage ; tout d'abord, nous crûmes que cette fumée provenait du poste de navigateur situé à l'avant où Paul COMET, fumeur invétéré, se laissait aller à son plaisir favori. Nous fûmes vite détrompés ; cette fumée dégagea bientôt une odeur de brûlé. Pas de doute il y avait le feu quelque part ; les mécaniciens impassibles à leur tableau de contrôle, situé en retrait du poste de pilotage, n'avaient rien remarqué d'anormal. Immédiatement alertés par nos cris : " Le feu à bord ! ", ils se précipitèrent dans les tunnels des ailes pour vérifier les moteurs dont la partie arrière était accessible. Le chef mécanicien Gaston LE MORVAN revint de sa visite dans le tunnel droit et, immédiatement coupa le moteur inter-droit, ce moteur commençait à chauffer, sa pompe d'alimentation d'eau grippée, les garnitures en feu : il était temps, quelques minutes plus tard nous avions le feu à bord. Les mécaniciens noyèrent le tout avec des extincteurs mousses, puis parvinrent à changer la pompe endommagée. Au bout de deux heures, le moteur fut remis en route : hélas ! ses soupapes avaient terriblement chauffé et nous dûmes le couper à nouveau. Le « PARIS » continua à voler avec 5 moteurs heureusement, nous avions un fort vent d'ouest et notre vitesse, en augmentant le régime des moteurs, fut maintenue.
De toute les traversées, c'est le seul incident mécanique que nous eûmes à déplorer. Cette traversée, marquée par la conquête du « RUBAN BLEU » en 28 h 27 mn de vol nous valut une citation élogieuse dont voici le texte :
" Les 14-15 juillet 1939. le « Lieutenant de Vaisseau PARIS », un appareil vieux de 10 ans, et son équipage Henri GUILLAUMET, CARIOU, Paul COMET, Georges BOUCHARD, Jacques NÉRI, Gaston LE MORVAN, COUSTALINE, René CHAPATON, vient de réaliser le plus beau vol sur l'Atlantique Nord, en accomplissant aussi un magnifique exploit qui redonne à la France, sur la ligne de New York, le prestige que nous n'aurions jamais dû perdre, etc... "
Nous étions, évidemment, très fiers de ce succès. SAINT-EXUPÉRY, notre passager mascotte, qui nous avait mystifié au cours de ce voyage par des tours de prestidigitation et ses tours de cartes, était très ému et en vue de la côte française, à l'heure où le succès paraissait assuré. Il embrassait son vieux camarade GUILLAUMET, se réjouissant de sa réussite.
À l'arrivée à Biscarrosse, nous fûmes accueillis par une foule enthousiaste, où les autorités, la presse et le cinéma étaient largement représentés, nous félicitant pour ce magnifique exploit.
Mais nous étions très fatigués et, après le vin d'honneur et les discours d'usage nous n'avions plus qu'un désir, retrouver notre hôtel à Parentis pour goûter un peu de calme et de repos, après toutes ces émotions.
Georges Bouchard
Latécoère 521 « Lieutenant de vaisseau Paris » sur le lac
L'hydravion Latécoère 521 « Lieutenant de vaisseau Paris » F-NORD détient toujours des records dans la catégorie Hydravion à moteur à pistons, avec Henri Guillaumet comme pilote et l'équipage composé de Henri Leclaire, Paul Comet, Le Duff, Gaston Le Morvan et René Chapaton.
L'équipage à Parentis en Born en août 1938.
De gauche à droite : Bouchard, Néri, Comet, Le Morvan, Guillaumet, Chapaton, Leclaire, Roux.
Le Latécoère 521 « Lieutenant de vaisseau Paris » a participé au
Pays atlantique situé à l'extrême pointe de l'immense continent eurasien, la France s'est tournée vers le Nouveau Monde dès la découverte de celui-ci.
En 1554, ce sont les équipages normands et poitevins de l'armateur français Jean Ango qui, sous la conduite de Jean de Verrazano, ont reconnu l'estuaire de l'Hudson et les lieux qui seront un jour New York, et en 1534, Jacques Cartier découvrait le Canada que Champlain allait explorer en grande partie, de 1603 à 1620.
La France a été également l'une des nations qui ont ouvert la voie à la conquête aérienne de l'Atlantique Nord.
En 1924, Charles Nungesser écrivait des États-Unis où il se trouvait : « Je trouverai une route qui, dans 10, 20 ou 30 ans, sera sillonnée par des milliers d'avions et deviendra une grande voie internationale. »
Le 21 mars 1927, Lindbergh ouvrait la route New York-Paris, suivi de nombreux autres équipages parmi lesquels Assolant, Lefèvre et Lotti. Mais cette route devait rester à sens unique jusqu'au 1er septembre 1930, date à laquelle le vol Paris-New York du « Point d'Interrogation » démontrait que, grâce aux progrès de la technique, l'Atlantique pouvait être aussi franchi dans son sens le plus difficile.
Désormais, les compagnies aériennes peuvent commencer à étudier, sur des bases concrètes, des liaisons aériennes régulières entre les deux continents les plus avancés clans le domaine de la technologie.
Le 27 mai 1934, l'hippocampe ailé d'Air France traverse, pour la première fois, l'Atlantique Nord, avec le « Joseph Le Brix » de Codos et Rossi. Geste symbolique qui préludait à la naissance de l'actuel faisceau d'Air France : 32 liaisons hebdomadaires entre Paris, New York, Boston, Washington, Chicago, Miami, Los Angeles, Mexico, Montréal, Anchorage, c'est-à-dire quelque cinq traversées de l'Atlantique par jour, en été 1968, sans compter les « charters », les vols spéciaux.
Le 8 juin 1937, naît Air France Transatlantique, dirigée par M. Louis Couhé. Deux missions effectuées par M. Louis Castex, secrétaire général, accompagné de l'amiral Nomy, puis de Paul Codos, reconnaissent les points d'escale possibles aux Açores.
Latécoère 521 « Lieutenant de vaisseau Paris » à Port Washington, près de New York
Un programme d'hydravions transatlantiques est établi et aboutit à la construction des Latécoère 521 « Lieutenant de Vaisseau Paris » et « Ville de Saint- Pierre ». En même temps, un navire météorologique, le « Carimaré », le premier de son genre, est équipé pour assurer la protection des premières traversées aériennes et étudier le comportement de l'atmosphère jusqu'à des altitudes bien supérieures à celles des avions de l'époque.
Du 6 septembre 1938 au 4 août 1939, six voyages aller-retour sont accomplis avec une régularité remarquable, sous le commandement de Guillaumet. On ne peut omettre de citer, avec lui, Cornet, navigateur, Néri et Bouchard, radios, qui participèrent également aux douze traversées, Cariou, second pilote. Le Morvan, Chapaton, Coustaline, Roux, Montaubin et Leclaire.
Mais déjà, dès 1937, Paul Codos avait pressenti l'évolution des moyens et avait nettement pris position pour la vitesse, pour l'altitude, c'est-à-dire pour l'avion. À la fin de la guerre, alors que l'aviation civile se réorganisait sur un plan mondial, ses vues sont confirmées : l'avion a définitivement affirmé sa supériorité. Capable de pénétrer au coeur des continents, de moins en moins tributaire du relief, il introduit la notion de « géographie du transport aérien ». Aux itinéraires séculaires, il ajoute les siens propres (le vol par le pôle en sera la meilleure illustration). L'accroissement de ses performances est à la base du prodigieux développement de l'aviation de transport et, en particulier, du faisceau des lignes aériennes unissant l'Europe et l'Amérique du Nord.
Quelques dates et quelques chiffres permettent de jalonner justement le chemin parcouru sur l'Atlantique Nord par Air France :
Depuis 1930 et le Breguet-Hispano Suiza « Point d'Interrogation », quel progrès dans les domaines du confort, de la vitesse et de la régularité ! - un progrès ne résultant pas de circonstances plus ou moins heureuses, d'un coup de dés, d'un trait de lumière, mais d'études méthodiquement menées, progressivement programmées, d'efforts dirigés, d'un travail collectif au bénéfice de la collectivité.
Le progrès a changé de dimensions ; il n'est plus à l'échelle d'un ou plusieurs individus : nous vivons désormais la grande aventure de l'Humanité.
Extrait d'AIR FRANCE REVUE
Le 31 juillet 1948, à 15h 05, le LATÉ 631 n° 6 (F-BDRC), au poids de 73 tonnes, avec 40 passagers à bord et 12 membres d'équipage :
aux ordres du commandant Kersual, pilote habituel de l'appareil, appareilla de Fort-de-France à destination de Port-Étienne, où il devait faire escale avant de regagner Biscarrosse. Le 1er août, entre 0 h 10 et 0 h 17, son radio communiqua la dernière position de l'appareil (19°27' Nord 38°34' Ouest), environ à mi-chemin entre Fort-de-France et Port-Étienne, et signala simplement « volons au-dessus des nuages ». La vitesse indiquée à ce moment-là était de 260 km/h à l'altitude de 3 000 m.
Puis, comme dans le cas du F-BDRD au large du Cotentin, ce fut le silence, malgré les tentatives des stations d'écoute à terre pour entrer en contact avec le F-BDRC.
Pourtant, à Port-Étienne, l'opérateur radio Joseph de Joux, de service cette nuit-là, captera un dernier message du F-BDRC, « fort et clair », dans le courant de la nuit, le situant étrangement nettement plus au sud de sa route habituelle....
L'appareil n'accusa pas réception des messages en retour de Joseph de Joux. Dans la matinée, de vastes recherches furent lancées, auxquelles participèrent de nombreux avions et navires étrangers, y compris un sous-marin français. Air France fit décoller d'Orly le Constellation F-BAZI et le LATE 631 n° 4 (F-BDRA) depuis Biscarrosse. Entre les 5 et 8 août, le garde-côte américain W.C.G. Camp¬bell et la frégate française Croix de Lorraine, qui croisaient autour du point estimé de la disparition de l'appareil, découvrirent divers débris dont des sièges et des panneaux de bois, partiellement calcinés.
Durant ces recherches, le F-BDRA exécuta sans incident plus de 75 heures de vol très dur, dont une patrouille ininterrompue de 26 heures, constituant un record de durée de vol qui ne sera plus jamais égalé par ce type d'appareil !
Le F-BDRC n°6, peu avant sa disparition. Vu ici dans la darse des Hourtiquets à Biscarosse, face à la vigie Air France.
La commission d'enquête, présidée par Maurice Bellonte, ne parvint pas à déterminer les causes techniques de la perte brutale du F-BDRC, qui était pratiquement neuf au moment de sa disparition (185 heures de vol).
Dès les premières investigations, les services officiels, faute d'indices matériels probants, émirent une série d'hypothèses : explosion de réservoirs de soute par inflammation de gaz au contact d'étincelles des robinets à commande électrique, rupture d'hélice (réédition de l'accident de Rocha), défaillance du pilote automatique, et même, possibilité d'un... attentat. On craignait également que l'augmentation du diamètre des hélices Ratier (4,40 m au lieu de 4,30 m comme celles des moteurs A5B) ait pu amener les cercles balayés par les extrémités de pales à tangenter, donnant ainsi naissance, par interaction entre ces éléments mobiles, à des phénomènes vibratoires néfastes.
Il était connu, d'autre part, que les groupes 14BB ainsi équipés vibraient plus que les types A5B, sans que cela fût toutefois perçu comme dangereux par les représentants du CEV, de la compagnie Air France et du constructeur.
Dans leur rapport, les enquêteurs retinrent principalement la thèse de l'explosion en vol pour les raisons suivantes : « Une partie seulement des débris retrouvés étaient brûlés. Ils étaient éparpillés sur près de 100 km de distance, un positionnement plus conforme à une dispersion en altitude (l'appareil volait à 3 000 m) qu'à des courants marins. De plus, les débris découverts étaient des aménagements de cabine, et notamment ceux de la cabine arrière, laissant à penser à un éclatement très important de la coque. »
Les Paquebots Volants - Gérard Bousquet
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