Selon Cujas, de a privatif, et lodis, leude, vassal ; selon Budée et Alciat, de a privatif, et du latin laudare, louer, parce que l'alleu ne devait aucun droit de lods ; selon Bodin, du mot aldius, qui, dans les lois des Lombards, signifie affranchi ; selon M. Guizot, de loos, sort, loi, parce que les premiers alleux furent reçus en partage par les barbares après l'occupation des provinces romaines. L'étymologie la plus probable est celle qui tire alleu du danois ail, tout, et de od, bien, propriété, ail od, propriété pleine et complète.
Bien que l'on possédait en toute propriété et qui n'imposait aucune obligation. Fief possédé librement par quelqu'un sans dépendance d'aucun seigneur
Dans le soixante-douzième titre de la loi salique, le mot alleu est pris pour exprimer des fonds héréditaires ; dans les Capitulaires de Charlemagne et de ses successeurs, alleu est toujours opposé à fief ; et, enfin, dans les anciens jurisconsultes, les expressions alleu et patrimoine sont souvent employées comme synonymes.
On voit la différence qui existait entre les alleux et les fiefs. Le possesseur du fief n'en avait que la jouissance et non la propriété ; il ne pouvait ni en disposer, ni le transmettre ; il reconnaissait un seigneur ; le propriétaire de l'alleu en avait la disposition pleine et absolue ; il ne relevait, quant à son alleu, d'aucun seigneur.
Les propriétaires d'alleux ou terres allodiales étaient appelés hommes libres, par opposition aux vassaux, qui possédaient des terres à titre de fiefs. Sous la deuxième race et au commencement de la troisième, l'insécurité naissant du désordre et de l'anarchie générale, la faiblesse et l'avilissement de l'autorité royale amenèrent la transformation de la plupart des alleux en fiefs ; les hommes libres se firent vassaux pour s'assurer des protecteurs, et la féodalité, entraînant dans son orbite toutes les propriétés et tous les rapports sociaux, fit prévaloir partout la maxime : Nulle terre sans seigneur.
Le mot alleu se conserva pour désigner non des alleux véritables et qui l'eussent toujours été, mais des fiefs affranchis par le seigneur des devoirs féodaux, et des droits censuels. De là, la dénomination de franc-alleu, pour désigner un héritage qui n'était chargé d'aucune redevance censuelle ou féodale. La coutume de Paris distinguait deux sortes de francs-alleux : le franc-alleu noble et le franc-alleu roturier. Le franc-alleu noble avait justice, censure et fief mouvant de lui ; le franc-alleu roturier n'avait ni justice annexée, ni censure, ni fief dépendant de lui, mais il ne devait rien à aucun seigneur. Sous l'ancien régime, l'allodialité n'était pas de droit commun ; il fallait qu'elle fût prouvée. La Révolution a fait disparaître de nos lois la distinction des alleux et des fiefs : aujourd'hui, tous les biens en France sont devenus allodiaux.
Grand Dictionnaire Universel du XIXe Siècle - Pierre Larousse
s. m. Vieux mot Gaulois. Allodium, praedium immune, liberum, nihil pensitans. L'Auteur de la vie de S. Déicole, qui écrivoit dans le Xe siècle, dit alodus, qu'il fait féminin. Il est vrai que deux manuscrits écrivent allodium. Bollandus T. II. p. 204. l'explique ainsi : Est allodium, praedium, seu quaevis possessio libera jurisque proprii, & non in feudum clientelare accepta. La Loi Salique dit Alode aussi-bien que les Loix des Boiens, ou Bavarois, chap. II. & les Formules de Marculphe. Après les conquêtes des Gaules, les terres furent partagées en deux manières à l'égard des particuliers, en bénéfices ; & en alodes, ou alleuds. Les bénéfices consistoient en terres que le Prince donnoit aux gens de guerre, ou à vie, ou pour un temps fixé. Les alleuds étoient les terres qu'on laissoit en propriété aux anciens possesseurs. Le titre 62 de la Loi Salique est Des Alleus, De Alodis, & ce terme y est pris pour les biens héréditaires, patrimoniaux, qu'on reçoit de ses pères, & souvent Alode & patrimonium sont employés comme synonymes. Voyez le Glossarium Salicum de Chifflet au mot Alodes, & les Notes de Mr Bignon sur Malculphe Liv. I. ch. 12. Liv. II. ch. 4. 6. & 9.
Dans les Capitulaires de Charlemagne, de Louis le Débonnaire, & de Charles le Chauve, on trouve cette perpétuelle opposition entre bénéfice, & alleu. Le P. Sirmond en distingue de trois sortes, propres, acquêts, & ceux qui provenoient de la libéralité du Prince. Cette prérogative des alleuds sur les bénéfices, dura jusqu'à la décadence de la seconde race. Alors les alleuds changerent de nature. Les Seigneurs féodaux contraignirent les possesseurs des biens allodiaux de les tenir d'eux à l'avenir. Ce changement arriva en Allemagne aussi-bien qu'en France. Il n'y eut que les villes qui se conserverent un peu davantage contre l'oppression ; c'est pourquoi l'on y trouve encore plus de francs alleuds. Ainsi les alodes, ou les alleuds, dans leur naturelle signification, n'étoient autre chose qu'une propriété héréditaire.
Mais présentement ce mot n'est plus en usage, qu'en y ajoûtant le mot de franc ; & alors il signifie une terre, Seigneurie, ou héritage, soit noble, soit roturier, indépendant de tout Seigneur, qui ne doit aucune charge ni redevance, & qui n'est sujet à aucuns droits, ni devoirs Seigneuriaux : il est seulement sujet à la jurisdiction. L'usurpation des féodaux sur les biens allodiaux alla si loin, que presque tous les alleuds, ou leur furent assujettis, ou furent eux-mêmes convertis en fiefs. De-là est venue la maxime, Nulle terre, sans Seigneur. Sur ce fondement la plupart des Docteurs François tiennent que le franc-alleu, étant un privilége, & une concession particulière contre le droit commun, tout héritage est présumé tenu d'un fief, à moins que le franc-alleu ne soit prouvé par un titre spécial. La présomption générale est pour le Seigneur ; sur-tout quand son territoire est continu & uniforme, ensorte qu'il ne s'y trouve point de terre en franc-alleu qui y soit enclavée. En ce cas, il faut que celui qui prétend posséder un franc-alleu, le justifie par un titre particulier. En quelques lieux on distingue entre un franc-alleu noble, & un frant-alleu roturier. Le franc-alleu noble, est celui qui est érigé en fief, où il y a Justice, censive, & fief mouvant de lui. Le franc-alleu roturier, est celui qui n'a ni Justice, ni fief relevant de lui : il se partage roturièrement, & l'autre noblement. Voyez Du Moulin sur l'art. 68. de la Coutume de Paris. En Latin allodium.
L'origine de ce mot est fort controversée. Mr de Caseneuve dit qu'elle n'est guère moins inconnue que celle du Nil. Budée & Alciat le dérivent de a, & de laudare, parce que celui qui tient en franc-alleu, n'est point tenu de louer, ni de reconnoître aucun Seigneur : Bodin, de aldius, ou de aldia, qui dans les Loix des Lombards signifie un Affranchi : Vossius, de l'Allemand al-oudt, qui signifie, Ce qu'on possède en propre d'ancienneté, sans aucun bienfait de Seigneur : Caseneuve, de a, & de loz, ou de an lodt, après Rhénatus, vieux mots Allemands, qui signifioient sort, croyant que ces terres en franc-alleu étoient venues d'un ancien patrimoine, & n'avoient point passé par le sort qu'avoient jetté les Conquérans des Gaules, quand ils avoient partagé entre-eux les terres qu'ils avoient usurpées. Hauteserre, après Dominicus, le dérive de l'Allemand ohn leiden, qui veut dire, sans sujettion. Quelques-uns le dérivent de l'Hébreu halal, qui signifie laudare, quasi possessionem laudatam habere. Lipse le dérive de Aleudi, Isle d'Allemagne : Borelli du Grec , c'est-à-dire, libre ; car en effet, alleu signifie franchise. Le P. Ménestrier, dans son Histoire de la Ville de Lyon, p. 94. veut que ce nom vienne du nom Alauda, mot Gaulois, qui selon lui signifie franc, ou libre ; d'où vient qu'il appelle Légion libre, celle que César avoit appellée Alauda ; ainsi que Suétone le rapporte ; mais il se trompe sur la signification de ce mot Celtique. Voyez ALLOUETTE. Du Cange prétend que alodium tout seul signifie un héritage sans charge : mais qu'en général alodis & alodum s'est dit de tout héritage, ou fonds, ou immeuble propre ; & qu'on disoit Transire in alodum ; pour dire, Donner en propriété. Outre les origines ci-dessus, il dit que Spelmannus le dérive du mot Saxon leod, qui signifie héritage populaire, opposé à Seigneurial. Wendelinus le dérive de alder, qui signifie majeur, comme étant une chose qui advient par succession légitime des ancêtres. Ménage rapporte toutes les différentes opinions des Auteurs là-dessus, & ne se détermine point. Mais après toutes ces incertitudes, il y a plus d'apparence de s'arrêter à ce que dit Galand, que leud est un vieux mot François d'origine Gauloise, dont Pasquier dit que sont dérivés lots, & lotir. Ce dernier observe dans ses Recherches Liv. VIII. Ch. 2. que Leudes dans Grégoire de Tours & Aimion est pris pour sujet, que Flodoart les nomme Allodes, & que de ce mot est venu alleud, qui est la reconnoissance censuelle, que nous faisons à nos Seigneurs, en conséquence de quoi nous disons tenir des terres en franc-alleud quand nous n'en payons aucune redevance. Pasq. Chifflet, dans son Glossaire Salique p. 128. le dérive de l'Allemand ael, qui signifie ingenuum, legitimum, légitime, franc ; & de lod, qu'il interprete : Onus meum quod porto & mihi aufero : Ma charge, ce que je prends pour moi, & que j'emporte ; du verbe Allemand ladem, qui veut dire, emprunter, enlever. De-là, dit-il, s'est formé Aellod, Allodium, allea ; pour dire, mon bien légitime, que je prends pour moi, & dont je me saisis.
Les Espagnols appellent encore Aldea un village, ou une bourgade : & les esclaves, hommes & femmes, sont appellés Aldii, Aldiae, Aldiones, & Aldionae du même mot ael, ou parce qu'ils étoient à la campagne, dans les villages, dans les terres que l'on héritoit de ses pères, ou parce qu'ils étoient une partie dee l'alleu, ou patrimoine. Icquez paroît avoir rencontré la véritable origine de ce mot alleu, ou alodes, en le dérivant de deux mots de la langue Teutonique & Gothique, all, tout, & lod, revenu : suivant cette étymologie alleu, ou alodes, veut dire un bien dont le revenu appartient tout entier à celui qui possède le fonds dont le revenu est franc ; c'est ce qu'on a exprimé par le terme de franc-alleu.
Il y a un petit pays vers l'Auvergne qu'on appelle Franc-alleu, qui est proche de Combraille. Voyez Mr Bignon sur Marculphe, & le P. Sirmond sur les Capitulaires de Charles le Chauve, & Chifflet dans son Glossaire.
Dictionnaire TRÉVOUX - 1743-1752
MÀJ : 2 décembre 2024
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