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26 Juillet 1950
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE — Annexe administrative
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME
RAPPORT
DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE INTERMINISTÉRIELLE
SUR
L'ACCIDENT SURVENU SUR L'APPAREIL LOCKHEED CONSTELLATION F-BAZN
de la compagnie Air-France, le 28 octobre 1949, à Sao Miguel (Açores)
TABLE DES MATIÈRES
Chapitre 1er - Historique
Chapitre II. - Renseignements de base.
Chapitre III. Circonstances de l'accident.
Chapitre IV. - Examen des débris.
Chapitre V. - Discussion des hypothèses.
Chapitre VI, - Conclusions.
Chapilre VII. - Enseignements.
ANNEXE au Journal Officiel - 18
18
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JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CHAPITRE 1er
HISTORIQUE
1.1. — Compte rendu des travaux de la commission.
Les services d'Air-France et du secrétariat général à l'aviation civile et commerciale apprirent au début de la matinée du 28 octobre 1949 la disparition du Constellation F-BAZN, survenue à proximité de l'île de Santa-Maria, où cet appareil devait faire escale en route pour New-York.
En vue d'accroître les moyens de recherches la compagnie Air-France décida d'envoyer, dans les plus brefs délais, aux Açores, un avion spécial.
La mission d'Air-France se composait de MM. de Genouillac chef du service « Opérations » d'Air-France, Fabre, chef de la division Navigation et infrastructure d'Air-France, Baile, chef du service« Opérations d'Orly », Marion, ingénieur d'Air-France et de l'équipage du Constellation envoyé sur les lieux (parmi lesquels M. Doulet, chef pilote du secteur « Atlantique Nord »).
En même temps, le ministre des travaux publics prescrivait à M. de Levis-Mirepoix, inspecteur général de l'aviation civile el commerciale, et à M. l'ingénieur en chef de l'air Fournier, du secrétariat général à l'aviation civile et Commerciale, de se joindre à la mission décrite ci-dessus.
En cours de route, la mission apprit par radio que l'épave du BAZN avait été retrouvée sur l'île de San Miguel.
Les caractéristiques du terrain de San Miguel ne permettant pas l'atterrissage en sécurité d'appareils du type Constellation, la mission dut atterrir Sante Maria où elle arriva vers dix-huit heures T. U. (seize heures locales).
Là, M. Fabre fut laissé sur place pour recueillir auprès du personnel de l'aéroport de Santa Maria tous renseignements utiles et MM. de Levis-Mirepoix, de Genouillac et Fournier et les autres membres de la mission partirent par un avion de la compagnie portugaise S.A.T.A. pour San Miguel où ils atterrirent à la nuit.
Le compte rendu de l'activité de la mission pendant son séjour à San Miguel fit l'objet d'un rapport de l'inspecteur général de l'A.C.C. au ministre des travaux publics et des transports, daté du 7 novembre. Les événements relatés dans ce rapport concernent surtout les dispositions prises pour le transfert, la reconnaissance et l'expédition des corps des victimes.
Nous rappellerons, toutefois, que, en conformité d'ailleurs avec la réglementation internationale, le gouvernement du Portugal décida d'envoyer sur place une commission d'enquête et invita la mission française à ne déplacer aucun des débris de l'épave avant l'arrivée de celle commission. Quand les personnels français se rendirent sur les lieux, ils ne prélevèrent donc aucun débris d'appareil, mais se rendirent compte, d'une part, que le choc avait été extrêmement violent et, d'autre part, que de rares éléments d'équipement , compte-tours, boite de récepteur, altimètre etc.), très détériorés, pouvaient être récupérés pour examen.
La mission portugaise, sous la direction de l'ingénieur Pinto Coelho, ne parvint sur les lieux de l'accident que le surlendemain (dimanche 30 octobre). Elle groupa et emporta, ultérieurement, tous les débris susceptibles d'être utilisés dans l'enquête, parmi lesquels ceux désignés ci-dessus. Elle laissa cependant les agents d'Air-France emporter le boîtier de récepteur du radio-compas manuel après avoir examiné celui ci.
Avant de repartir, la mission française examina le terrain pour en tirer tous renseignements utiles concernant la trajectoire de l'avion piste avant l'accident et effectua un vol au-dessus de l'emplacement de celui-ci pour en vérifier la position par rapport aux aides radios de l'île de Santa-Maria et de l'île de San Miguel.
*
* *
La commission d'enquête francaise fut constituée par arrêté inter-ministériel du ministre des travaux publics, des transports, et du tourisme et du secrétaire d'État aux forces armées (air), publié au Journal Officiel du 12 novembre 1949.
Cette commission, dont la composition est donnée ci-après, se réunit pour la première fois le samedi 12 novembre au S.G.A.C.C.
Les procès verbaux de ces séances, au nombre de quinze entre le 23 novembre 1949 et le 26 janvier 1950, sont annexés au dossier de l'enquête.
Entre le 23 novembre et le 3 décembre 1949, M. Bellonte fut envoyé à Lisbonne pour une mission de liaison avec la commission d'enquête portugaise.
La commission a procédé ou fait procéder aux travaux suivants :
Examen à Orly de l'équipement de radio-navigation des Constellation du type BAZN ;
Reconstitution en vol, les 7 et 8 décembre, avec le Constellation F-Bazo, des circonstances de l'accident du point de vue routes suivies et aides-radios à la navigation ;
Le rapport de cette reconstitution effectuée par le commandant Maltais, ingénieur du service technique des télécommunications l'air, et M. l'ingénieur en chef Fournier, est joint au dossier.
Analyse des cinq rapports complets de vol (cartes, journaux de bord, météo, plans de vol, etc.) concernant les traversées Paris Santa-Maria effectuées en cours d'année. Sur ces cinq traversées, quatre avaient été faites par M. de la Noue ;
Reconstitution des routes possibles du BAZN avant l'accident à partir des données de fait ;
Audition des autorités compétentes du service s « Opérations et télécommunications » de la compagnie Air-France, de plusieurs navigants pilotes et radios choisis en raison de leur expérience professionnelle et de leur connaissance de l'itinéraire et de la machine, ainsi que du pilote et du radio qui avalent effectué le dernier voyage du BAZN avant l'accident, du chef du service « Entretien Radio » d'Orly et de tous les contrôleurs radio qui avaient travaillé su 5 l'appareil pendant les six semaines précédant l'accident ;
Analyse des documents de la commission portugaise.
La commission a tenu compte des recommandations contenues dans le manuel d'enquête sur les accidents d'aviation de l'Oaci (Doc. 6920-AN/855).
La commission a utilisé le concours permanent de :
MM. Chatel, lieutenant de vaisseau du centre d'essais en vol ; Goepfert, officier pilote de l'aviation marchande, chef du bureau d'études du conseil supérieur de la sécurité arienne ; colonel Lebon et M. Lefeuvre, commandant d'aérodrome, adjoints de M. Bellonte, et a fait fréquemment appel à MM. de Genouillac, Fabre et Comet, de la compagnie Air-France, pour sa documentation.
La commission tient à remercier la compagnie Air-France et les divers techniciens à qui il a été fait appel pour les concours dévoués trouvés auprès d'eux.
1.2 — Composition de la commission d'enquête et de la mission chargée de la reconstitution du vol Orly-Açores les 7 et 8 décembre 1949
A. — COMISSION D'ENQUÊTE
Président,
M. de Levis-Mirepoix, inspecteur général de l'aviation civile et commerciale.
Vice-président,
M. Fournier, ingénieur en chef de 1re classe de l'air.
Membres,
M. Bellonte, chef de la section « Enquêtes d'accidents et sécurité » à la direction de la navigation et des transports aériens,
M. Hoerler, ingénieur de la navigation aérienne de 2e classe, à la direction de la navigation et des transports aériens,
M. le capitaine Grigaud, de la direction technique et industrielle de l'air,
M. Dabry, officier pilote de l'aviation marchande.
(Référence : arrêtés interministériels des 9 et 18 novembre 1949)
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ANNEXE ADMINISTRATIVE — Accident du Lockheed Constellation F-BAZN
B — VOYAGE EXPÉRIMENTAL AUX AÇORES LES 7 ET 8 DÉCEMBRE 1949
Avion.
Lockheed 749 — F — BAZO.
Équipage
Passagers.
Ont été prises à bord, à Madrid, les personnalités espagnoles suivantes :
Ont été prises à bord, à Lisbonne, les personnalités portugaises suivantes :
1.3. Compte rendu de la reconstitution des 7 et 8 décembre 1949.
La commission a estimé préférable d'insérer in extenso le rapport du voyage, plutôt que d'en extraire des conclusions dont la valeur n'est pas complète si on sépare celles-ci des conditions dans lesquelles elles ont été déterminées.
1.3.1. — Horaire du voyage.
Le 7 décembre 1949:
Le 8 décembre 1949 :
Par suite de l'impossibilité d'atterrir à Lisbonne et Madrid le 8 décembre, les quatre personnalités étrangères ont quitté l'avion à l'escale de Séville.
Les relèvements indiqués dans ce rapport ont été transformés en droites-radio, à l'aide de la correction Givry, pour les tracés de la carte. Pour les droites Consol, la correction a été appliquée à l'émetteur et au récepteur ; pour les relèvements pris du bord, elle a été appliquée à l'émetteur seulement.
Les relèvement ont été pris du bord au radio-compas manuel, les radio-compas automatiques étant utilisés par la commission pour vérification.
1.3.2. — Rapport de vol de la mission.
« Départ de Lisbonne à 19 h 52 le 7 décembre. Décollé à 20 h 02. Fait-route au 281°, sur la position de 01 h 00 indiquée dans le Pomar du BAZN le 28 octobre 1949, soit: 40° 25' N — 20° 00' W. L'allitude de croisière, 14.000 pieds, est atteinte à 20 h 27. Vol au-dessus d'une couche discontinue de cumulus. Déviation du Flux-gate observée: — 3° —. Au départ, QDR trés stables de LS et LB (radiophares de Lisbonne).
« A 20 h 58, observé une droite Loran. Réception difficile; chaîne IL5 = 3.900 MS. Cette droite place l'avion à 12 milles à l'Est de sa position réelle (constatation faite apres le voyage).
« A 21 h 00, on obtient : Consol de Lugo : 21 points, soit QTE = 229° ; après correction de la demi-convergence à l'émetteur et au récepteur, la droite obtenue est reconnue bonne (après le voyage).
« A 21 h 19, droite Loran; chaîne IL5 ; réception difficile; lecture: 3.770 MS. — Place l'avion à 7 milles à l'est de sa position réelle. Le Consol de Séville est mis en route, vers 21 h 15, sur demande de l'avion à Madrid,
« A 21 h 21 le Consol de Séville : 27 points ; QTE = 288°,8 ; cette droite radio place l'avion à 15 milles au Sud de sa position réelle, Distance = 410 milles. Les consols sont entendus sans difficulté.
« A 21 h 33 le radiophare dé Barcarena est relevé au gisement 181° ; Cv = 276°, d'où Zv = 097°. Ce relèvement place l'avion à 10 miles au Sud de sa position. Distance = 300 milles.
« A 21 h 38 un gisement du radiophare de Santa-Maria est obtenu au 338°. Cap vrai = 277°, d'où Zv = 255°. Ce relèvement corrigé de λ à l'émetteur place l'avion à 18 milles au Sud de sa position réelle. Distance: 150 milles.
« Réception : 1/5 sur antenne du radio-compas automatique.
« A 21 h 44 Lagens : gisement = 342° ; Cv = 280° — Zv = 262°. Ce relèvement place l'avion à 20 milles au Nord de sa position réelle. Distance: 500 milles Réception 3/5 sur antenne du radio-compas automatique. La réception de BB7 sur 308 Kcs est impossible. Elle est probablement couverte par le Consol de Séville (311 Kcs) reçu 5/5 et couvrant une bande d'environ 10 Tics, sur le cadran du radio-compas automatique.
« Sur les deux radios-compas automatiques vert et rouge dont les aiguilles sont ramenées sur un même cadran au navigateur et au pilote, l'angle entre WY Santa-Maria et GP Lagens est normal, mais les aiguilles ont une instabilité de 15°, ce qui, en tout état de cause, est une bonne performance à ces distances.
« A 21 h 47 Loran : IL5 ; lecture: 3.600 MS. Erreur nulle. Réception bonne.
« A 21 h 47 Consol de Lugo : 58 traits ; QTE = 248°, place l'avion à 20 milles du Nord de sa position réelle : distance = 450 milles. Reçu 4/5.
« A 21 h 53, Consol de Séville: 21 points: QTE = 289°. Résultat : bon, distance: 530 miles. Reçu = 5/5.
« A 23 h 13, le radiophare de Barcarena (LS) est relevé au 174°, avec incertitude signalée de 5°. Cv = 283°. — Zv = 97°. Ce relèvement, corrigé de λ à l'émetteur, est bon.
« Distance = 420 milles.
« A 22 h 16, Loran: I L 5 = 3450 MS. Réception bonne. Loran : I L 3 = 3193 MS. Position bonne.
« A 22 h 15, LS est encore reçu 1/5 sur une plage de 10°.
« Les conditions de réception sont excellentes, la propagation est parfaite et la réception n'est gênée par aucun atmosphérique.
« A 22 h 22, réception de BB7 sur 308 Kcs - 2/5 en même temps que Séville = 1/5.
« La différenciation à l'oreille est facile (tonalité BB7 plus grave), le relèvement de BB7 donne une erreur de 15 à 20° mais nous sommes toujours largement hors de portée normale d'utilisation du radio-compas.
« A 22 h 22, Loran I L 5 = 3400 MS. Réception assez. bonne. Place l'avion à 6 milles à l'Ouest de sa position réelle.
« A 22 h 25, Consol de Séville = 23 points ; QFE = 239°, résultat bon. Distance : 645 milles
« A 22 h 30, l'avion se trouvant environ au point de 01 H 000 du BAZN, fait route au 253° sur Lagens pour couper la branche NW du radioalignement de Santa-Maria à 75 milles de Sao-Miguel.
« La déviation observée à cette nouvelle route est: 2°.
« Homing aisé sur Lagens au radio-compas automatique.
« A 22 h 35, BB7 = 350°: Cv 256°; Zv 264°
« A 22 h 36, Lagens = 008° ; Zv = 264°
« A 22 h 37, Santa-Maria = 311° ; Zv = 237°,
« Distance moyenne : 300 milles.
« Les relèvements corrigés de λ à l'émetteur et transportés donnent un grand chapeau situant l'avion à 12 milles environ au Sud de sa position réelle. Mais nous sommes toujours largement hors de portée -d'utilisation normale des radios-compas.
« A 22 h 52, BB7 bien réglé sur automatique. L'aiguille est instable mais position moyenne entre 340° et 360° acceptable pour la distance.
« A 22h 53, lés chaînes 1 L 3, I L 4 et I L 5 sont bien reçues et donnent :
« I L 3 = 3250 MS.
« I L 4 = 5280 MS (à 22 h 52, transportée).
« I L 5 = 3225 MS.
« Ces trois droites se recoupant sans chapeau, ce point peut être considéré comme très bon.
« A 22 h 54 gisement de BB7 = 345° ; Cv = 254° Zv = 239°,
« Gisement de Santa-Maria 330° Cv = 254° ; Zv = 224°
« Gisement de Lagens = 002° ; Cv = 254° ; Zv = 256°.
« Ces trois relèvements, corrigés de λ aux émetteurs, donnent un chapeau moyen qui situe l'avion à 20 milles dans le SE 1/4 E de sa position réelle. Distance moyenne : 210 milles.
« A 23 h 12 :
« BB7 = 338° — Cv = 251°: Zv = 232°.
« Gisement Lagens = 010° Zv = 261°.
« Gisement Santa-Maria : 322°; Zv = 216°.
« Ces relèvements situent l'avion à 40 milles au Sud de sa position réelle = distance moyenne: 180 milles.
« A 23 h 15. Essais d'interférence entre BB7, 308 Kcs et Consol de Séville = 311 Kcs ; l'aiguille du radio-compas automatique peut prendre une position moyenne stable à égale distance entre les directions de deux stations. Au bout d'une minute environ, l'aiguille revient soit sur une station, soit sur l'autre.
« A 23 h 14. commencé à descendre pour venir à l'altitude de 6.000 pieds, après avoir reçu l'autorisation de Santa-Airways, contacté sur H. F.
« A 23 h 19, Consol de Séville : 7 points; QTE = 285°.
« Cette droite situe l'avion à 7 milles au Nord de sa position réelle distance : 800 milles,
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JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
« A 23 h 22 observation Loran : 1 L 3 = 3320 MS.
« A 23 h 23 — I L 4 = 5000 MS.
« A 23 h 25 — I L 5 = 3040 MS.
« Le point déduit pour 23 h 23 peut être considéré comme très bon le chapeau étant extrêmement petit.
« A 23 H23, les gisements suivants sont obtenus au radio-compas manuel :
« BB7 = 335° — Cv = 257° ; Zv = 232°.
« Lagens = 348° — Zv = 245°.
« Santa-Maria = 308° ; Zv = 205°.
« Ces relèvements, non corrigés de λ devenu négligeable, donnent un immense chapeau. Le gisement sur BB7 était signalé : Médiocre. En fait, une lecture faite au même instant sur le cadran du radio-compas automatique, régie sur BB7, donnait: gisement = 315°, en moyennant les oscillations de l'aiguille (31° d'amplitude). Ce gisement donne Zv = 212°. Ce relèvement, nettement meilleur que le précédent, donnait combiné avec les relèvements de Lagens et de Santa-Maria, une position à 32 milles dans le NE de la position réelle, distance moyenne: 140 milles.
« A 23 h 31, gisement de BB7 = 300°, Cv = 255°. Zv = 195°, plaçant l'avion à 10 milles à l'Ouest de sa position réelle, distance 110 milles.
« Ciel nuageux, 4/8 cumuius. Visibilité bonne.
« A 23 h 33 : gisement Santa-Maria = 290° ; Cv = 256° ; Zv = 186°.
« A 23 h 34: gisement Lagens : 353°; Cc = 254°; Zv = 247°.
« Ces deux relèvements placent l'avion à sa position réelle (à 2 milles près). Distance moyenne : 130 milles.
« Le radiophare BB7 donne des indications conformes et correctes au manuel et à l'automatique.
« L'altitude est: 6.000 pieds.
« A 23 h 39: gisement Santa-Maria = 285° Cv = 254° ; Zv = 179°.
« A 23 h 40: gisement BB7 = 295° Zv = 189°.
« A 23 h 41 : gisement Lagens = 355° ; Zv = 249°.
« Ces trois relèvements donnent, pour 23 h 40, une position de l'avion, qui est pratiquement la position réelle (6 milles en retard). Distance: 100 milles.
« Tous les relèvements sont très sûrs à partir de 23 h 40.
« Distance de Santa-Maria = 138 milles.
« Distance de San-Miguel = 90 milles.
« Distance de Lagens = 83 milles.
« Il est possible à nouveau de trouver une position stable de l'aiguille du radio-compas automatique, position sensiblement médiane entre les gisements de BB7 et de Séville ; mais au bout d'un court instant, l'aiguille revient lentement sur l'une ou l'autre station.
« A 23 h 12, viré sur bâbord pour suivre la branche NW du radio-alignement de Santa-Maria. Contacté la tour de Santa-Maria sur V.H.F. (118,1). Bonne liaison: 5/5, qui ne subira aucune interruption jusqu'à l'arrivée à Santa-Maria.La branche NW du range de Santa-Maria donne une orientation correcte et sa position concorde avec le point de 23 h 33 obtenu par Loran.
« A 23 h 47, gisement de Lagens: 90°, Cv = 174°, Zv = 264°.
« A 00 h 03, l'émission de BB7 cesse pendant 30 secondes environ,
« A 00 h 05, gisement BB7 : 90°, Cv = 194°, Zv = 263°, distance 10 milles.
« Effectué un tour complet de 00 h 05 à 00 h 12, en virant sur babord, pour reconnaissance à vue de la partie Est de l'île de Sao-Miguel et se rendrecompte dans quelles mesures les lumières au sol pourraient être prises pour celles de Santa-Maria. A l'exception de deux routes éclairées comportant des parties rectilignes, dans la partie Sud de l'île, il n'y a que peu d'analogie avec Santa-Maria.
« A 00 h 13, descendu à 5.000 pieds, suivi le range de Santa-Maria,
« L'émission de BB7 cesse de 00 h 13 à 00 h 21.
« A 00 h 26, verticale de Santa-Maria.
« A 00 h 35, atterrissage.
« A 00 h 11, arrivée à Santa-Maria.
« Distance parcourue: 930 milles, Vitesse-sol moyenne: 211 nœuds,
1.4. — Liste des personnalités consultées
par la commission d'enquête.
CHAPITRE II
RENSEIGNEMENTS DE BASE
2.1. — Inventaire des documents retenus par la commission pour être versés au dossler de l'enquête.
Routiers Air-France Atlantique Nord (pilote Europe et Amérique, radio Europe et Amérique).
Notice utilisation des radio-compas et des radio-altimétres.
Liste de l'équipage ayant effectué le parcours Paris-Rome-Paris sur le F-BAZN le 26 octobre 1949.
Dossier des deux derniers voyages effectués par le F-BAZN avant l'accident.
Compte rendu de la visite effectuée à Orly avant le départ pour les Açores.
Sept dossiers de voyage :
Plan de vol du F-BAZN.
Devis de poids du F-BAZN
État de chargement de l'avion.
Manifeste d'équipage et des passagers.
Renseignements sur l'équipage.
Expertises de la boite de commande des radio-compas navigateur et de la boite de commande du radio-compas manuel.
Carte Loran du navigateur.
Exemplaire d'un manifeste passager annoté par M. de La Noue.
Consignes radio Atlantique Nord d'Air-France.
Rapport de la météorologie nationale sur la situation météorologigue dans la nuit du 27 au 28 octobre sur le trajet Paris-Açores.
Attestation de M. Dabry et de son équipage Sur une interruption de BB7 dans la nuit du 15 au 16 décembre.
Attestation du docteur Duguet, chef du centre médical d'examen du P. N.
Rapport officiel de la commission d'enquête portugaise.
Notam CSIA n° 36 du 17 décembre 1949.
Documentation photographique.
2.2 — Renseignements sur l'avion, les groupes motoproputseurs et le matériel de bord.
2.2.1. — Planeur
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ANNEXE ADMINISTRATIVE — Accident du Lockheed Constellation F-BAZN
2.2.2 — Groupes motopropulseurs.
Moteurs :
Marque Wright.
Type : 749 C-18 BD-1 « Cyclone ».
N° de fabrication : 75.699 - 75.734 - 82.552 - 75.725.
Heures de fonctionnement:
Hélices :
Marque : Curtiss.
Heures de fonctionnemen t:
Les pales de l'hélice n° 140 112 montée sur le moteur 3 proviennent de l'ancienne hélice n° 150.362 qui avait totalisé 3107 heures de fonctionnement.
2.2.3. Équipement de radio et de navigation.
L'équipement comprend:
2.3. — Renseignements sur l'équipage.
2.3.1. — Fonctions à bord,
L'équipage comprend:
2.3.2 — Antécédents professionnels du personnel technique.
De La Noue (Jean-Georges-Claude).
(1) Il y a lieu de noter que du fait de l'interdiction d'emploi du pilote automatique, en vigueur depuis le 23/8/1949, sur recommandation du constructeur du Constellation, l'usage de sextant avec pilotage manuel rend moins précises les mesures des hauteurs d'astres.
Wolfer (Charles).
Fidency (Camille-Jean-Baptiste).
Villet (André-René-Edouard).
Sarrazin (Marcel).
Pierre (Roger-Jules-Maurice).
Giraud (Paul-Louis).
Salvalori (Jean).
2.4. - Procédures de navigation dans la région de contrôle de Santa-Maria et d'arrivée à l'aérodrome.
Les procédures considérées comme normales par les autorités locales, pour les avions en provenance directe de Paris, sont les suivantes :
« A 100 « miles » (160 Kms) de Santa-Maria, les avions doivent contacter le centre de contrôle de la circulation aérienne (Santa Airways) en radiotéléphonie (fréquence 3.298,5).
Si le trafic le permet, ils sont alors autorisés à descendre à 5.000 pieds (altitude de sécurité pour l'île de Sao-Miguel).
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JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
« Ils doivent maintenir cette altitude jusqu'au passage du radio-phare BB7 (fréquence 308 kcs) ou par son travers (« A BEAM »).
« Ils reçoivent alors l'autorisation de descendre à 3.000 pieds, altitude minima pour l'aéroport de Santa Maria.
« A Santa Maria, il existe deux aides radio :
« 1° Radiorange WY sur fréquence 210 kcs ;
« 2° Radiophare WY sur fréquence 329 kcs.
« Réglage altimètre : à 100 « miles » Santa Maria, les avions doivent utiliser le QNH de Santa Maria ».
Le rôle du radiophare BB7 est prépondérant pour l'arrivée à Santa Maria. Sa puissance de 1.200 watts permet le « homing » à bonne distance, De plus, sa position par rapport à l'aérodrome permet d'obtenir un point de repère en le survolant ou une ligne de position en prenant son travers.
Les autorités portugaises ont d'ailleurs laissé aux commandants de bord le choix entre ces deux solutions.
Au sujet des procédures, la commission a fait les constatations suivantes :
a) De l'examen de la documentation d'équipage qui lui a été soumise par Air-France et énumérée ci-après :
il ressort que la délimitation de la zone de contrôle de Santa Maria n'est pas définie d'une façon identique dans tous les documents. Il y a lieu de noter que l'ANA n° 3 de 1949 émis par les autorités portugaises manque de précisions à ce sujet. Il indique ces limites comme étant de « 100 miles radius » sans spécifier s'il s'agit de milles terrestres ou de miles marins, ce qui peut prêter à confusion.
Les consignes de communication d'Air-France « Consignes radio Atlantique Nord » prescrivent par ailleurs de transmettre à CSY (Santa Maria), le QRE (heure estimée d'arrivée) de l'appareil deux heures avant l'arrivée, puis à 150 milles de Santa Maria de signaler à CSY « QTH 150 milles NE QSY — QSY — RTF 3.298,5 ».
b) L'expression A BEAM telle qu'elle est employée dans l'instruction portugaise parait indiquer un travers de BB7 pris sur la branche Nord du range de Santa Maria. Toutefois, il a été noté que d'autres interprétations étaient admises se rapportant à des travers de BB7 pris sur une route quelconque de l'avion faisant cap sur Santa Maria.
c) Le Manuel régional de l'OACI Atlantique Nord, doc. 4.500 du 26 janvier 1949, prescrit au titre 13.7.1.2 : « les comptes rendus de position sont établis sur les routes, ou portions de routes non définies par des points de comptes rendus préétablis, dès que possible après la première heure de vol suivant l'heure de départ et toutes les heures par la suite, et ils seront transmis aux stations au sol à la première occasion ».
2.5. — Infrastructure radio utilisée au voisinage des Açores.
2.5.1. — Nomenclature.
Pour contrôler leur vol à l'approche des Açores, les équipages ont à leur disposition (source manuel Atlantique Nord de l'O.A.C.I.) :
3 radiophares (Beacons) :
2 radiophares à alignements (radiorange) :
2 gonios HF sur les aérodromes de Lagens et de Santa Maria (1).
D'un gonio VHF à Lagens (sur demande).
La chaîne Loran n° 5 qui, toutefois, ne donne que des longitudes et n'est utilisable qu'exceptionnellement aux Açores.
L'équipement SCS 51 de Lagens et de Santa Maria et de G.C.A. de Lagens.
2.5.2 — Fonctionnement.
Il a été signalé que le radiophare Consol de Séville, dont la fréquence est de 311 kcs, était en fonctionnement la nuit de l'accident.
En ce qui concerne les émissions des radiophares de Santa-Maria (WY), de Lagens (DK), des radioranges de Santa-Maria (WY) et de Lagens (GP), la commission prend acte des conclusions publiées sur ces divers points par le Gouvernement portugais dans son communiqué du 24 novembre 1949, à savoir que ces aides à la navigation fonctionnaient normalement.
En ce qui concerne le radiophare BB7, le rapport officiel de la Commission d'enquête portugaise indique que le radiophare de San-Miguel se trouvait en parfait fonctionnement durant la nuit où lieu l'accident, faisant état des essais périodiques faits par le service de l'aéroport et des passages de trois avions qui se signalèrent cette nuit-là à BB7 :
Toutefois, sans mettre en doute ces indications, la Commission doit constater que l'exactitude de celles-ci n'infirme pas de façon absolue la possibilité d'une brève interruption du fonctionnement de ce radiophare, de même ordre que celles qui furent constatées lors de la reconstitution du 7 décembre 1949 et plus tard au cours d'un vol effectué par Fabry le 15/12/49 (attestation jointe au dossier).
NOTA. — Le radiogoniomètre HF de Santa-Maria n'est pas inclus dans la liste des facilités énumérées dans le rapport officiel de la Commission d'enquête portugaise.
2.6. — Situation météorologique.
2.6.1. — Conditions atmosphériques dans la région de Santa-Maria, dans la nuit du 27 au 28 octobre 1949.
Ces conditions ont été la conséquence du passage de la partie méridionale d'une occlusion à caractère de front froid se déplaçant du NW vers le SE à la vitesse de 10 nœuds environ.
La partie méridionale de cette occlusion se trouvait le 27 :
Elle comportait une bande pratiquement continue mais assez étroite (150 Kms environ) de nuages à développement vertical ; base vers 600-800 m. et sommet vers 5.000 m, (deux avions dont le F-BAZN ont signalé le sommet a 14.000 pieds), des précipitations modérées accompagnaient son passage.
A l'arrière de cette occlusion il n'y avait qu'une instabilité modérée (formations nuageuses faibles, à base vers 800 m. et à faible développement vertical) et de larges éclaircies. Toutefois, par ascendance orographique, des nuages se formaient au versant N des hauteurs insulaires ; ces nuages locaux ont persisté le 28 durant toute la période de flux d'air de secteur N. en donnant des pluies faibles mais à peu près continues. C'est la raison pour laquelle les hauteurs de San-Miguel sont restées couvertes et pluvieuses, alors qu'à Santa-Maria, où cet effet de relief ne pouvait se produire, le ciel a été clair on peu nuageux à l'arrière de l'occlusion.
2.6.2. — Vents en altitude sur le trajet Orly-Santa-Maria.
A l'occlusion à caractère de front froid correspondait une rotation des vents de W SW à N NE : le thalweg lié à l'occlusion était en altitude assez étroit et marqué principalement dans sa partie postérieure.
Par suite :
Le tableau ci-après donne l'estimation des vents sur le trajet et à l'altitude de vol d'après les carte en altitude du 27 et du 28 octobre 03 h, les sondages de vent du 28, 03 h et les renseignements fournis par les avions ; les vents prévus pour le F-BAZN figurent également sur ce tableau.
VENT RÉEL | VENT PRÉVU AVANT LE DÉPART | |
---|---|---|
De Paris au méridien 0° | 340° 15 nœuds, | 320° 30 nœuds |
Du méridien 0° au méridien 5° W | 310° 25 nœuds, | 330° 37 nœuds |
Du méridien 5° au méridien 10° | 250° 22 nœuds, | 290° 35 nœuds |
Du méridien 5° au méridien 10° | 250° 22 nœuds, | 290° 35 nœuds |
Du méridien 10° au méridien 15° | 250° 15 nœuds, | 230° 35 nœuds |
Du méridien 15° au méridien 20° | 025° 22 nœuds, | 280° 30 nœuds occlusion |
Du méridien 20° au méridien 22° | 020° 30 nœuds, | 310° 25 nœuds |
Du méridien 22° au méridien 25° | 340° 30 nœuds, | 310° 25 nœuds |
Du méridien 25° au méridien 26° | 330° 30 nœuds, | 310° 25 nœuds |
(1) En fait, le gonio H.F. de Santa Maria n'est pas en service.
(321)
ANNEXE ADMINISTRATIVE — Accident du Lockheed Constellation F-BAZN
Le vent prévu est donc:
À litre d'indication, le sondage de Lagens de 03 h 00 TU indique à 5.000 m. un vent de N NW 25 nœuds ; celui du navire stationnaire K (45° N 16° W) donne à 02 h 30 TU et à 5.000 m. un vent 45° N NW 30 nœuds. Ceci confirme que la zone à vents de NE ou N NE n'était qu'une bande très étroite à l'arrière de l'occlusion.
2.6.3 — Suppression du navire météorologique stationnaire du point L.
La première conférence (sept. 1946) sur les navires météorologiques stationnaires de la Région Atlantique Nord avait prévu l'exploitation permanente de 13 stations (7,5 pour les Etats-Unis ; 0,5 pour le Canada,
2 pour la Grande-Bretagne, 1 pour la France, 1 pour la Belgique et la Hollande, 1 pour la Suède, la Norvège et la Grande-Bretagne.
L'accord précisait qu'une nouvelle réunion aurait lieu au plus tard en 1949 ; au cours de la Conférence d'avril-mai 1949 plusieurs états membres insistèrent fermement pour qu'en raison de la charge économique représentée par ces navires, leur nombre soit diminué de 4 unités (soit 9 au lieu de 13). Ce n'est que sur l'insistance de la France qu'un réseau de 10 stations lui finalement maintenu, réparti comme suit : 5 1/2 États-Unis, 1/2 Canada, 2 Grande-Bretagne, 1 France, 1 Suède-Norvège, la Hollande participant à l'exploitation de l'une des stations septentrionales et dans une faible proportion à celle de l'une des stations anglaises et à celle de la station française. La réduction du réseau à 10 stations s'est opérée par la suppression des stations F, G et L les autres étant déplacées de façon à obtenir un réseau aussi uniforme que possible. La France, qui avait la charge la station L, a pris la nouvelle station K (45° N 16° W) en juillet 1949.
CHAPITRE III
CIRCONSTANCES DE L'ACCIDENT
3.1 — Préparation du voyage.
La ligne régulière 009 d'Air-France devait être assurée au départ Orly le 27 octobre 1949 par le F-BAZN.
A son arrivée à l'aérodrome, l'équipage prend connaissance des conditions atmosphériques et tenant compte de celles-ci, le commandant de bord décide d'emprunter l'itinéraire Sud passant par Santa-Maria et Gander pour relier Orly à New-York.
Le plan du vol prévoit notamment :
Sur le plan de vol, le service « Informations » de l'aéroport d'Orly indique en particulier que le radio-phare WY de Santa-Maria est hors service. En réalité, ce « beacon » sera en fonctionnement au moment de l'accident.
Ce plan de vol sera transmis par le C. C. R. de Paris par un message PLN—FFCN n° 100 émis à h 20 h 12 et reçu à 20 h 45 par le contrôle des Açores.
Après le dépôt de son plan de vol initial, le BAZN obtient du contrôle d'Orly l'autorisation de voler à 11.000 pieds.
3.2. — Exécution du vol.
Le départ d'Orly a lien à 20 h 06 TU.
A 21 h 02 l'avion se signale à Nantes.
A 22 h 10 le F-BAZN transmet son message Pomar de 22 h.
Résumé du message Pomar:
A 22 h 26, premier contact avec Santa-Maria par l'intermédiaire de CSY pour transmission du message de départ :
A 23 h 00, message Pomar :
A 23 h 11, l'avion répète sa position de 23 h 00 et demande à passer sous le contrôle deSanta-Maria. La station transmet l'accord du contrôle régional de Paris.
A la même heure le F-BAZN demande une prévision météo sur l'aérodrome de Santa-Maria pour l'heure d'arrivée prévue.
Les opérations d'Air-France rédigent le message réponse qui est transmis au F-BAZN à 23 h 48 Z par CSY sous forme de CQ (diffusion générale).
Résumé du message :
A 00 h 00, message Pomar:
A 01h 00, dernier message Pomar :
A 01 h 40, le F-BAZN « position 150 milles de Santa-Maria » demande l'autorisation d'entrer en contact avec « Santa-Airways Controll » en radiotéléphonie.
La station CSY donne son accord et en avise le contrôle.
3.3. — Arrivée.
3.3.1 — D'après les messages échangés en radiotéléphonie entre l'avion et le contrôle de Santa-Maria, l'arrivée se déroule comme suit.
A 01 h 41 Z le F-BAZN entre en contact avec Santa-Airways.
Le contrôle demanda à l'équipage de régler son émetteur dont la note est impure. Après ce réglage l'émission du BAZN est reçue normalement par le contrôle.
Le F-BAZN se signale à 14.000 ft en bonne visibilité (VFR), donne son heure d'arrivée prévue pour 02 h. 45 Z et demande a descendre (2).
Le contrôle autorise le F-BAZN à descendre à 9.000 ft en bonne visibilité (VFR) et lui demande de se signaler à celle altitude en indiquant les conditions de vol (2).
Le F-BAZN se signale à 9.000 ft en VFR et demande à descendre (2).
Le contrôle autorise le F-BAZN à descendre à 5.000 ft en VFR et lui demande de se signaler à cette altitude en indiquant les conditions de vol (2).
A 02 h 32 le F-BAZN signale qu'il est à 5.000 ft et indique son ETA Santa-Maria 02 h 45 (ceci confirme par conséquent son ETA de 01 h 41).
A 02 h 34, le F-BAZN signale « ABEAM BB7 ».
(1) Plus d'indication d'altitude en radio-altimètre transmise.
(2) Ces heures n'ont pas été notées par le contrôle de Santa-Maria.
(322)
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Il donne une nouvelle prévision de l'heure d'arrivée 02 h 55 Z, se signale à nouveau à 5.000 ft. et en bonne visibilité (VFR).
Le contrôle régional autorise F-BAZN à descendre à 3.000 ft. en bonne visibilité (VFR) et, sur la demande de l'avion, lui donne l'autorisation de contacter la tour de contrôle de Santa-Maria sur la fréquence de 118,1 mcs.
Quelques minutes après celle conversation (délai impossible à préciser, estimé à environ 10 minutes), le F-BAZN revient en contact avec Santa-Airways et demande le QFE de l'aérodrome.
Le contrôle transmet au F-BAZN le QFE : 1016,6.
3.3.2. — Phase finale.
De la même façon, la phase finale peut être reconstituée.
A 02 h 50, le F-BAZN appelle la tour de contrôle de Santa-Maria sur fréquence da 118,1 Mcs (confirmant son ETA de 2 h 55) se signalant à 3.000 pieds en VFR et ayant le terrain en vue (I have the field in sight). Il demande des instructions pour l'atterrissage.
La tour autorise le F-BAZN à descendre en bonne visibilité (VFR) et à entrer dans le circuit d'atterrissage, à gauche (to enter left hand traffic circuit), donne le calage altimétrique 30.20, ciel clair, visibilité 20 kms. vent 030/22 Nds, indique la piste en service (01 face au Nord) et demande à l'avion de se signaler en position vent arrière (down wind leg).
Le F-BAZN accuse réception du message (roger) et ne répète pas les instructions.
Une minute plus tard (environ 02 h 51/02 h 52 Z, la tour appelle le F-BAZN et lui signale que l'I. L. S. est en service.
Le F-BAZN ne répond plus.
3.4 — Conséquences de l'accident.
Passagers et équipage tués.
Appareil détruit.
Fret et messageries partiellement récupérés.
CHAPITRE IV
EXAMEN DES DÉBRIS
4.1 — Description. 4.2 — Constatations. 4.3 — Recherches de documents.
4.1. Description.
La collision s'est produite sur le versant Nord d'une ligne de crête joignant le pic de Vara au mont Redondo (37° 48' 15" N 25° 13' 29" W) à 80 m environ au-dessous de cette ligne de crête (altitude 350m).
Lès débris de l'épave du BAZN sont répartis sur une surface de 100 mètres de long et 300 mètres de large et sur des points dont l'altitude varie d'environ 50 mètres (cf. documentation photographique).
L'aile droite semble avoir percuté la première et s'est imprimée dans le sol contre un petit promontoire. L'empennage est venu s'écraser par inertie sur la section arrière du fuselage dont la partie inférieure (soute avant) a heurté le sol à quelque distance du point d'impact de l'aile (20 m. environ).
Le reste du fuselage semble avoir littéralement explosé au moment du choc et ses différents éléments sont dispersés sur toute la surface de la pente en regard. L'aile gauche arrachée du fuselage par inertie s'est écrasée sur la pente et s'est désintégrée. Ses deux noteurs ont été projetés à une quarantaine de mètres du point d'impact.
Des traces très localisées d'incendie au sol ont été observées, en particulier, aux abords des trains.
Au point le plus bas de l'impact, les moteurs droits sont imprimés dans le sol et ont presque disparu ; des pales d'hélices très tordues, se trouvent à proximité du point d'impact de l'aile.
Une section du fuselage est écrasée à quelques distance de l'aile ; non loin, l'on remarque la partie supérieure de l'empennage arrière droit, le cône de queue et le plan fixe droit relativement peu endommagés.
L'aile gauche est désintégrée : des éléments du revêtement supérieur et du longeron sont retrouvés à proximité d'une section du fuselage.
Parmi les matériels retrouvés, ont été identifiés :
Quelques éléments de volets d'ailes intacts et des débris du mécanisme de commande de ces volets ;
Les moteurs 1 et 2 et des morceaux de pales d'hélices tordues très endommagées, des débris de train d'atterrissage gauche avec le vérin de commande en position « rentré » ;
Les postes pilote, radio, navigateur, écrasés l'un sur l'autre et imprimés dans le sol, débris dans lesquels nous avons pu reconnaître :
le train droit partiellement calciné ;
des débris du poste mécanicien en particulier la planche de bord inférieure ; sur celle-ci, l'on a pu lire les indications de l'altimètre (réglage 29,92 -- altitude 2740 pieds) ;
le pylône de commande comportant les manettes de gaz et la commande des volets d'intrados cassées ;
le train avant, une roue avant intacte ;
un réservoir d'alcool et un réservoir d'eau.
4.2. — Constatations.
Il a pu être établi d'une façon certaine que :
les volets étaient rentrés ;
le train était en position haute ;
l'appareil suivait une route sensiblement Nord-Sud et était en descente.
4.2.1. — Examen de la boite de commande du radio-compas manuel MN 26.
Cette boîte (MN 28 n° CRO 63) après avoir été examinée par les autorités portugaises fut remise à l'agent local d'Air-France et expertisée par le Laboratoire Technique d'Air-France à Paris.
Il résulte du rapport établi par M. Collard, Chef de Subdivision Etudes Radio d'Air-France, les conclusions suivantes :
Le commutateur de fonction était dans la position « Rec. Ant » lorsque la boite de commande a été récupérée. Sa manœuvre possible sur les positions « Comp » el « Rec-Looq », mais difficile sur « off » (blocage par terre séchée).
Il est donc permis de supposer que le radio-compas était en service au moment de l'accident et qu'il était utilisé dans la position « Réception sur antenne » (si le commutateur n'a pas été touché, après l'accident).
Compte tenu des possibilités actuelles de manœuvre du commutateur de gamme, de la position de l'index du cadran de réglage d'accord et des installations au sol susceptibles d'être ulilisées par l'aéronef, il est possible d'admettre, selon toute vraisemblance, que le radio-compas était accordé au moment de l'accident sur une fréquence iaisïne de 343 Kcs, c'est-à-dire sensiblement (si l'on tient compte des imprécisions de réglage et des bandes passantes relativement larges à l'émission et à la réception sur le range de Lagens (341 Kcs).
4.2.2 — Examen des boîtes de commande « Navigateur » des radios-compas automatiques MN 62.
L'examen de la boîte de commande navigateur du radio-compas « rouge » a été effectué par M. Bernard J. Bruno de la Lockeed Air-Craft Corporation qui, par lettre du 1er décembre 1949, a fait connaître le résultat de son expertise.
M. Bruno a essayé de reproduire, sur une boîte de commande en état, les positions respectives des cadrans d'affichage des gammes et d'étalonnage en fréquences de la boîte de commande accidentée.
Il en conclut que, compte tenu de la conception mécanique de ces éléments et du câble de commande d'accord, leurs positions après l'accident, permet de supposer que, au moment de l'accident, la boîte de commande (donc probablement aussi le radio-compas « rouge ») était réglée sur le range de Santa-Maria (240 Kcs).
Après l'accident, le commutateur de fonction de la boite de commande « rouge » a été trouvé sur la position « compas » mais cela ne permet pas de préjuger avec certitude de sa position au moment de l'accident.
Cela a d'ailleurs peu d'importance étant donné qu'il n'a pas été possible de déceler laquelle des deux boites de commande (pilote ou navigateur) était en service.
(323)
ANNEXE ADMINISTRATIVE — Accident du Lockheed Constellation F-BAZN
En ce qui concerne la boîte de commande navigateur du second radio-compas automatique MN 62 « vert », il est apparu que cet appareil était probablement réglé, au moment de l'accident, sur même fréquence (240 - Kcs) que le « rouge ».
En conclusion, et sans qu'un tel examen puisse apporter une certitude, le réglage des deux radio-compas automatiques sur 240 Kcs (WY. radiorange de Santa-Maria) apparaît comme probable.
4.3. — Recherches de documents
Malgré de nombreuses heures de recherches, aucun document de bord n'a pu être récupéré (CR mécanicien, radio ou navigateur) sauf, toutefois, le cahier des travaux effectués sur l'appareil, le carnet de route et une abondante documentation technique, ainsi que les deux documents indiqués ci-après:
4.3.1. — Carte Loran de M. Salvatori, navigateur.
Sur celle carte était porté, cerclé au crayon d'une écriture apparamment assez récente, un point Loran 38° 42' N et 24° 24' W. — aucune indication d'heure n'était jointe à ce tracé.
L'étude des documents de bord des voyages antérieurs de M. Salvatori indique que celui-ci n'effectuait pas habituellement de point Loran dans cette région, qui se trouve normalement hors de la Portée utile des chaines, et, en outre que ce point ne correspond à aucune position de l'avion, déterminée par M. Salvatori dans les voyages précédents. Il s'agirait donc d'une indication portée au cours du dernier voyage.
4.3.2. — Exemplaire d'un manifeste passager
annoté par M. de la Noue, Commandant de Bord.
Au, dos de ce document, étaient inscrites d'une écriture qui a été identifiée comme celle de M. de la Noue, diverses remarques dont celles-ci: « Risque de collision Nantes, radio-altimètre, trajet charges ».
Cette indication donne à penser que le pilote avait une observation à faire sur le fonctionnement du radio-altimètre.
A cet égard, l'on a noté par ailleurs que dans les Pomars de 00 h 00 et de 01 h 00 l'on ne retrouve plus l'indication d'altitude radio régulièrement transmise dans les Pomars de 22 h 00 et de 23 h 00.
CHAPITRE V
DISCUSSION DES HYPOTHÈSES (1)
5.1 — Hypothèses écartées. 5.2. — Causes générales retenues.
La commission, au cours de ses travaux, a envisagé un certain nombre d'hypothèses se rangeant dans des catégories différentes. Sont énoncées ci-après, celles qui purent être positivement réfutées en cours d'enquête, puis celles qui demeurent plausibles.
5.1. — Hypothèses écartées.
A. Défaillances de la cellule et des moteurs.
Incendie en vol, — Explosion.
Éant donné qu'en coures de vol, et Jusqu'au moment même de accident les messages émis par l'avion n'ont comporté aucune indication d'incident survenant à bord, étant donné que l'examen des débris a révélé qu'il n'y avait pas eu d'incendie en vol et que le choc s'était produit, en configuration et en attitude normales vol, celte hypothèse ne saurait etre valablement retenue.
En outre, les témoignages des équipages ayant utilisé l'appareil pour les deux vols précédant celui de l'accident et ceux du personel du contrôte de l'entretien ainsi que le développement, sans incident signalé, du vol du BAZN de Paris, jusqu'au lien de la collision, confirment que la machine était normalement entretenue.
B. — Mauvais montage des radios-compas.
Les hypothèses d'inversion de montage, soit du cadre, soit du câblage du dispositif du lever de doute du radio-compas manuel, pas plus que l'hypothèse de connexion défectueuse ou inversée dans le montage des radio-compas automatiques, n'ont pas été retenues.
En effet, depuis le-dernier montage du cadre gonio, l'équipement radio du BAZN fut intensivement utilisé au cours d'un voyage New-York/Paris et d'un voyage Paris/Rome/Paris qui précédaient immédlatement le vol fatal. Or, les pilotes et les radios qui ont effectué, ces deux vols antérieurs n'avaient rien constaté d'anormal dans le fonctionnement de cet équipement, notamment ni erreur de 180°, ni erreur symétrique.
En outre, le contrôleur au sol qui vérifia l'équipement radio de l'avion avant son départ et dont la fiche de contrôle a été communiquée à la commission n'avait rien signalé d'anormal dans sa dernière vérification de l'avion. La commission a constaté que ces vérifications étaient faites avec grand soin.
L'on est d'ailleurs fondé à croire que s'il s'était révélé au cours de ce dernier voyage une erreur systématique, celle-ci aurait été décelée par l'équipage du BAZN avant l'arrivée aux Açores.
5.2. — Causes générales retenues.
L'hypothèse retenue se rapporte à une navigation inexacte.
5.2.1. — Le dernier message, du BAZN révèle que l'appréciation visuelle du commandant de bord sur sa position par rapport à Santa-Maria a été manifestement erronée. ll est impossible d'expliquer cette erreur visuelle autrement que par une navigation qui a donné croire à l'équipage qu'il se trouvait au voisinage de Santa-Maria, lorsqu'il était, en réalité, au voisinage de San-Miguel.
(1) Toutes les heures sont des heures TU, sauf autrement spécifiées, toutes les distances sont des milles nautiques, toutes les vitesses des noeuds.
Comment l'équipage a-t-il été amené à se croire 15 à 50 milles plus au Sud, qu'il ne l'était réellement ? Tel est le problème fondamental auquel il demeure impossible d'attribuer des causes précises, les données auxquelles il est permis d'accorder une confiance absolue étant en trop petit nombre.
5.2.2.. — On ne peut retenir, en effet, comme sûrs que les renseignements suivants :
La matérialité des messages transmis et reçus par le BAZN (cf. Titre III : Circontances de l'accident).
Le lieu et l'heure de l'accident (37° 48' 15" N — 25° 13' 29" W) (02 h 52), ainsi que la direction générale de l'avion à cet instant (confirmée par les témoignages d'habitants de l'île, recueillis par la commission d'enquête portugaise).
La position du BAZN à 00 h 00, parce que ce point : 42° 05' N et 15° 05' W fut observé au sextant en bonne visibilité à tous les niveaux.
5.2.3. — D'autres données reposent sur des indices qui laissent planer un certain doute.
Mauvais fonctionnement du radio-altimètre, survenu en cours de route ayant pu priver l'équipage d'une aide à la navigation supplémentaire (cf. Chapitre III parag. 3.2. et Chapitre IV. Examen des débris, parag. 4.3.2).
Interférence du radio-compas de Séville avec le radio-phare BB7, donnant à un moment donné au radio-compas de bord, fonctionnant en automatique, des relèvements erronés de BB7.
La reconstitution du 7 décembre 1949 en a nettement indiqué la possibilité, révélée également par un notam ultérieur : « Advised caution when using San Miguel bcn call sign baker seven 309 Kcs as Séville Consol bcn call sign how tare fréq. 311 Kcs power 1.500 watts may cause erroneous bearings » (CSIA n° 36 du 17/12/49).
Le cap magnétique affiché au compas flux gate (cf. chapitre VI Examen des débris para 4.1.).
Bien que l'on ne puisse trouver que ce cap magnétique affiché 210° n'ait pas résulté d'un déplacement fortuit de la couronne graduée pendant ou après l'accident, le montage de cet appareil donne a croire que celui-ci est resté réglé comme il l'était au moment de l'accident.
La matérialité du Point Loran porté sur la carte de M. Salvatori (cf Chap. IV Par. 4.3.1.) mais sans aucune indication d'heure.
5.2.4. — D'autres éléments, enfin, demeurent nettement entachés d'une incertitude que rien n'a pu contribuer à lever.
a) Les positions et les vitesses-sol déduites des messages
de 01 h., 01 h. 40, 02 h. 32 et 02 h.34.
L'écart entre les positions signalées à trois reprises et les vitesses qui en découlent est à relever ;
1° Au Pomar de 01 h. 00 la distance entre la position indiquée et Santa-Maria par BB7 est de 350 milles, ce qui donnerait entre ce point et le lieu de destination une vitesse-sol de 180 nœuds.
2° Aux messages de 01 h. 40 et 01 h. 41, il est signalé : « 150 milles de Santa-Maria » puis « E.T.A. 02 h. 45 », soit 160 nœuds de vitesse-sol.
(324)
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
3° Au message de 02 h. 32 l'avion signale à nouveau E.T.A. 02 h. 15, cela donne à croire qu'à ce moment-là le BAZN faisait route directe sur Santa-Maria, car n'ayant pas encore eu le travers de BB7, il n'estime qu'un intervalle à parcourir de 13 minutes.
4° Au message de 02 h. 34 (ABEAM BB7) le Commandant de bord indique un E.T.A. à 02 h. 55, soit une prévision de vol accrue de 10 m. Cette rectification indique qu'entre les messages de 02 h. 32 et de 02 h. 34, le pilote du BAZN a obtenu un lieu de position interprétable par rapport à BB7.
Les travers de BB7 pris sur des routes SW à Sud sur Santa-Maria se trouvent à des distances de cette île qui atteignent au maximum 50 milles. Il en résulte une relative incertitude ou sur le calcul de la vitesse ou enfin sur le sens précis de ce message. Cela s'explique par le fait que les messages de 01 h. 41. de 02 h. 32 et de 02 h. 34 sont des Messages ATC, c'est-à-dire où il est habituel de faire la part du temps qui s'écoule entre l'instant des mesures de position, l'instant où ces mesures sont exploitées, l'instant où ces mesures sont transmises, et enfin l'instant ou ce message est inscrit au registre du contrôleur.
Dans ces conditions, la commission a renoncé à mettre en avant des hypothèses plus précises, reposant sur des constructions géométriques qu'elle avait effectuées a partir des données rappelées au présent paragraphe pour reconstituer la route réelle du BAZN et la route présumée par l'équipage.
L'on notera que si l'avion avait franchi les collines de San Miguel, il serait arrivé vers 03 h 05 à Santa-Maria.
b) Les réglages des postes gonios de bord aux environs de 02 h 34.
(Cf. chapitre IV, para. 4.2.1 et 4.2.2.)
Rien n'indique que les réglages déduits de l'examen des débris étaient les mêmes vers 02 h 34 et au moment de l'accident.
5.2.5. — La Commission considère comme très peu probable une confusion entre les radiophares de Lagens et de BB7.
Une telle éventualité a été suggérée d'une part par la configuration géographique des trois îles, car elle fournit du point de vue géométrique une explication acceptable et, d'autre part, par l'expertise du radio-compas manuel, apparemment réglé sur Lagens au moment de l'accident.
Cependant, la commission, tout en n'ayant aucun témoignage et aucun indice qui lui permette de la rejeter avec une certitude absolue, a estimé en toute conscience qu'elle est peu vraisemblable.
Comment une telle confusion aurait-elle pu se produire ?
1° Erreur du réglage effectué par l'opérateur radio ou par le pilote : cela n'est guère possible étant donné l'expérience de l'un et de l'autre et l'habitude que ceux-ci ont d'écouter les indications des postes qu'ils relèvent, surtout de nuit.
L'on notera que la différence de fréquence entre les radiophares de Santa Maria et de Lagens est de 20 Kcs.
2° Déplacement par inadvertance, par le navigateur, de la manivelle de réglage de la boite de réception commune au navigateur et au pilote. La position de la manivelle de réglage du poste de navigateur peut, en effet, se prêter à un déplacement fortuit, mais, ce déplacement ne pourrait être, au maximum, que d'un demi-tour. Or, un déplacement d'un demi-tour ne produit de variation d'accord que sur 5 Kcs.
3° Relèvement pris intentionnellement par le navigateur radio sur Lagens et compris par le pilote comme étant un relèvement de BB7.
Il n'y a aucun rapprochement phonétique qui permette de confondre les prononciations de Lagens et San Miguel (BB7) ni celles de leurs indicatifs. Il n'y a pas, non plus, de confusion possible entre les signes Morse de ces indicatifs (DL ou GP et BB7) dans cette phase de l'approche, l'habitude des pilotes, telle que la commission l'a vérifiée, est d'écouter eux-mêmes les indications des stations relevées ou de les faire vérifier par des radionavigants
5.2.6. — En ce qui concerne le travers BB7, la commission constaté : que si ce travers avait été pris, l'avion étant à un cap laissant BB7 dans un gisement bâbord, l'influence du Consol Séville aurait pu provoquer une rotation de l'aiguille donnant l'illusion d'un travers, mais que cette hypothèse implique aussi que lorsque l'avion aurait été pris sur la portion de route à l'Est de la branche Nord du range de Santa Maria, cette même influence perturbatrice aurait produit des relèvements de BB7 plaçant l'avion plus au Nord et non pas plus au Sud.
Que si ce travers avait été pris, l'avion étant à un cap en direction générale du Sud, laissant BB7 dans un gisement tribord, cette influence perturbatrice aurait retardé et non pas avancé l'illusion du travers.
5.2.7 — La possibilité d'une aberration importante des compas a été envisagée. Il semble que l'équipage aurait été alerté au bout de quelques minutes par les variations correspondanles des gisements des stations relevées et par celles du conservateur de cap gyroscopique.
Les tentatives de reconstitution par graphique se heurtent elles aussi à des incohérences qui donnent à croire que, parmi les données fournies par les messages (heures ou position), l'une au moins de celles-ci est fausse.
CHAPITRE VI
CONCLUSIONS
6.1. — De la cause générale.
La Commission, ainsi que le constate le présent rapport, n'a pu déterminer de façon absolument certaine ni les positions exactes du BAZN entre 00 h 00 et 02 h52 ni celles que déterminèrent le commandant de bord et son navigateur.
L'on a pu cependant éliminer un certain nombre de conjectures pour s'en tenir à une théorie de l'accident offrant, après analyse minutieuse, un large degré de probabilité, mais qui laisse planer un doute sur la nature des indications fournies par leurs instruments à l'équipage qui, à un moment ou à un autre, simultanément ou isolément, ont pu être erronées.
Il ne peut en être autrement en l'absence de preuves, qui ni les débris de l'épave du BAZN, ni les témoignages recueillis, ni la reconstitution effectuée en vol, ni aucun autre élément d'information fourni à l'enquête, n'ont permis de constituer.
Néanmoins, l'enquête a fourni à la commission suffisamment d'information pour l'autoriser à faire état des conclusions, exposées ci-après :
Sans pouvoir rejeter avec une certitude absolue la possibilité d'une erreur d'interprétation, la commission est d'avis que la navigation inexacte du BAZN est due à une défaillance subite, en fin de parcours et insoupçonnée par l'équipage, de certains éléments de sa réception radiogoniométrique, propagation radioélectrique anormale ou fonctionnement devenu défectueux, cette cause s'est combinée avec un excès de confiance dû à de bonnes conditions atmosphériques régnant dans la zone d'arrivée, conditions qui n'ont pas incité le commandant de bord à vérifier ses points radio comme il l'aurait fait dans des conditions atmosphériques plus défavorables. Une confusion visuelle dans l'obscurité en est finalement résultée.
Si une définition plus précise des procédures opérationnelles, ainsi qu'une application plus stricte de celles-ci étaient exigées en ce qui concerne les indications de messages de position transmis par les aéronefs aux centres de contrôle, la tâche des enquêteurs aurait pu en être facilitée,
En outre, il est patent que dans l'état actuel des caractéristiques offertes tant par l'infrastructure que par l'équipement de bord, la tâche de l'équipage apparaît encore comme très complexe, laissant aux initiatives personnelles une part telle qu'il est humainement impossible que dans des circonstances très exceptionnelles le jugement des plus expérimentés ne puisse être mis en défaut lorsque doit intervenir un choix entre des éléments contradictoires d'appréciation.
6.2. — Du rôle de l'équipage.
Rien n'a révélé dans l'enquête un fait qui puisse être considéré comme constituant désobéissance à la réglementation en vigueur.
La conscience, la valeur professionnelle, l'expérience générale et particulière de la route de l'ensemble de l'équipage étaient notoires.
Il y a lieu de croire qu'une défaillance matérielle qui demeure inconnue est survenue dans l'équipement de navigation et n'a pas attiré la méfiance de cet équipage parce que les renseignements qu'il exploitait coincidaient avec son estime.
Sans doute, la connaissance de l'existence d'une visibilité excellente et d'un ciel demi-couvert au lieu de destination entraina-t-elle de la part du commandant de bord, un degré de confiance excessif dans les renseignements fournis par l'équipement de navigation employé dans les conditions habituelles d'utilisation offertes par caractéristiques actuelles des matériel en service, tant pour l'infrastructure que pour l'équipement de bord.
6.3. — Des services de contrôle de Santa-Maria.
La procédure indiquée par les autorités de l'aviation civile à Santa-Maria fait état d'un message de position transmis par l'expression ABEAM BB7, expression qui, comme on l'a déjà vu n'est pas suffisamment nette.
D'une façon plus générale, la commission a noté que si la procédure d'approche finale était clairement établie et diffusée, celle relative à l'arrivée, (circulation à l'intérieur de la région) n'avait pas reçu une forme explicite et obligatoire.
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ANNEXE ADMINISTRATIVE — Accident du Lockheed Constellation F-BAZN
Dans les renseignements et instructions communiqués à l'équipage du BAZN par les services du contrôle de Santa-Maria, la commission n'a rien relevé qui put être retenu comme ayant contribué l'accident.
Il convient de rappeler à ce propos que la réglementation internationale n'impose pas actuellement aux centres régionaux de contrôle de vérifier par leurs propres moyens les indications fournies par les commandes d'aéronefs circulant dans leur zone.
Un tel contrôle de position ne serait d'ailleurs possible qu'avec des radars de surveillance ou à défaut des groupes de radio-goniomètres V. H. F dont l'emploi n'est pas généralisé dans ce but.
6.4. — Des aides-radio au sol.
En ce qui concerne le fonctionnement des aides-radio à la navigation, la commission a retenu :
6.4.1. — Qu'il était possible qu'une interférence entre le radio consol de Séville et le radio-phare de l'île de San-Miguel, stations dont les fréquences d'émission sont très voisines, ait contribué à un moment donné à induire l'équipage en erreur.
6.4.2. — Que, surtout de nuit ou par mauvais temps en route vers les Açores, en venant de l'Est le navigateur aérien se trouve dans me zone où le réseau général des aides à la navigation ne lui apporte pas des renseignements assez précis : le navigateur aérien se trouve à la limite de portée des chaînes Loran et à une distance des radio-phares moyenne fréquence des Açores telle que la réflexion ionosphérique des ondes diminue la valeur des relèvements obtenus.
6.4.3. — Que la station météorologique flottante L aurait pu fournir à l'équipage une aide pour la rectification de sa navigation (renseignements météorologiques et renseignements do position). Cette station fut supprimée par l'OACI en mai 1949 pour des motifs d'économie.
6.5. — De l'équipement de bord.
La commission a constaté que le BAZN disposait d'un ensemble d'appareils de radio-navigation plus développé que celui de la pluplart des aéronefs d'autres compagnies assurant le même service et que cet équipement, normalement inspecté avant le départ, était entretenu et vérifié avec soin.
Bien que la distance très faible entre la côte de l'île de San-Miguel et le lieu de l'accident le long de la route suivie par l'avion n'eût sans doute pas permis au pilote de déceler le relèvement du profil du terrain par les indications de son radio-sonde suffisamment à temps pour reprendre de l'altitude, la commission estime important de signaler que l'appareil équipant actuellement les Constellation du type BAZN n'est pas encore complètement mis au point et que, par conséquent, les consignes d'emploi de cet instrument ne sont pas définies. En pratique, cet instrument est encore en essai.
En ce qui concerne le radio-altimètre du navigateur, le fait que le Pomar de 01 h 00, contrairement aux autres, ne portait aucune mesure d'altitude effectuée par cet instrument, porte à croire qu'il tomba en panne, mais sans que l'on puisse en acquérir la certitude.
En outre, dans les conditions actuelles d'utilisation des Constellation, sans l'aide du pilote automatique, les visées astronomiques offrent une précision inférieure à celle habituellement obtenue par ce mode de navigation.
6.6. — Des consignes opérationnelles de la compagnie.
La commission a constaté :
6.6.1 — Qu'entre 01 00, au moment du dernier Pomar transmis et 02 h 52, instant de l'accident, aucun message de position complet n'a été transmis par l'équipage. Les consignes des commandants de bord relatives à l'envoi de ces messages ne sont pas nettement exprimées dans les documents qui ont été remis à la commission par la compagnie. Du point de vue général, il aurait été souhaitable que des positions fussent signalées au Centre de contrôle :
a) A l'entrée dans la région de contrôle de Santa-Maria ;
b) A 02 h 00 (message horaire de position prescrit par le manuel régional OACl) ;
c) Au moment on l'autorisation de descendre au-dessous de 5.000 pieds était demandée à ce centre de contrôle.
Toutefois, la commission précise que l'envoi de ces messages n'aurait permis de corriger la latitude du BAZN que si les émissions correspondantes avaient été relevées par l'un des radiogoniomètres de la base de Lagens.
Lagens ne fournit de relèvement que sur demande et n'est généralement pas utilisé par les navigateurs aériens approchant des Açores par l'Est.
6.6.2. — Tout en reconnaissant qu'une doctrine uniforme ne peut être obtenue que progressivement, que les particularités de l'emploi du double radiocompas et du radiogonio manuel ne font pas l'objet d'une pratique commune des équipages.
6.6.3. — Que, dans la route à suivre pour l'arrivée à Santa-Maria, deux procédures étaient couramment suivies :
La commission a constaté, que l'adoption de I'une ou l'autre de ces deux procédures ne comportait aucune obligation pour le commandant de bord de signaler au service de contrôle au sol, le choix effectué.
6.6.4. — Que l'ensemble des documents mis à la disposilion des équipages (cf. Chapitre II, § 2.4) n'offre pas aux commandants de bord une synthèse des directives opérationnelles aisement exploitable.
CHAPITRE VII
ENSEIGNEMENTS
Les conclusions relatives aux causes de l'accident du BAZN ainsi que des renseignements recueillis par la commission au cours de cette enquête, découle un certain nombre d'enseignements dont la comission a estimé qu'elle avait le devoir de souligner l'utilité et l'importance. La commission exprime le vœu que ces enseignements soient exploités par les autorités compétentes.
7.1. — Équipement des centres de contrôle.
Il parait souhaitable que les centres de contrôle disposent d'un moyen de contrôler les positions signalées par les pilotes des aéronefs évoluant dans leur zone. L'emploi de radars panoramiques serait à généraliser.
7.2. — Aides de radio-navigation sur le trajet Europe-Açores.
7.2.1. — Choix des fréquences.
Les organisations internationales s'efforcent de répartir les fréquences compte tenu des nombreux besoins exprimés et ceci dans le but d'éviter des interférences. Du point de vue de la sécurité aérienne il est essentiel que ces travaux parviennent rapidement à fournir au navigateur aérien un réseau de radiophares exempt de risque d'interférence. Il est également urgent de compléter ce travail par des accords avec les pays qui n'appartiennent pas à l'OACI.
Il est aussi souhaitable que l'utilisation des radiophares marins et des stations de radiodiffusion soit éludiée de telle sorte que ces stations puissent constituer pour la navigation un complément qui, dans bien des cas, permettrait de diminuer l'encombrement considérable de la bande aéronautique.
7.2.2. — Augmentation de portée des émetteurs Loran.
L'augmentation de la portée des chaines Loran actuellement en service sur l'Atlantique-Nord devrait être envisagée. Ces chaines ne fournissent pas, pour le moment, un élément précis de navigation pour les aeronefs évoluant à proximité des Açores.
7.2.3. — Importance de la précision des renseignements météorologiques et de la présence au point « L » d'un navire Météorologique.
Les renseignements météorologiques ne peuvent être précis sans que des observations régulières et fréquentes soient effectuées sur l'Atlantique. Les navires météorologiques répondent à ce besoin et leur nombre ne saurait être diminué sans causer préjudice à la sécurité. Non seulement le navire météorologique peut fournir des renseignements sur l'état de l'atmosphère, mais il est également à même de permettre aux aéronets qui passent à proximité de rectifier leur positon et dans certains cas de leur porter secours.
(326)
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
7.3. — Equipements radio-électriques de bord.
7.3.1. — Radiosondes.
Un effort considérable doit être tait pour améliorer la régularité des radiosondes de façon à ce que ces appareils constituent une aide sûre pour la navigation aérienne.
7.3.2. — Manœuvre des radiocompas automatiques.
Les installations dans la cabine de conduite des aéronefs doivent être aménagées de telle sorte qu'aucune confusion de réglage ne soit possible entre le pilote commandant de bord d'une part, le radio et le navigateur de l'autre.
7.3.3. — Radiocompas manuels.
Il y a lieu d'examiner si la manœuvre du cadre du radiocompas manuel par un volant non démultiplié n'est pas préférable à la manœuvre actuelle par une manivelle de réglage très démuitipliée.
7.3.4. — Dispositif anti-collision.
La commission a retenu comme élément souhaitable d'augmentation de la sécurité aérienne l'installation à bord des appareils transportant des passagers d'un dispositif anti-collision et recommande que la mise au point d'un tel appareil soit poursuivie activement.
7.4. — Procédures de circulation aérienne.
7.4.1. — Messages de position.
Il est nécessaire que des instructions claires et impératives soient données aux équipages dans le cadre des recommandations générales de l'O.A.C. I. pour l'envoi des messages de position et pour l'indication des moyens selon lesquels celle-ci a été déterminée.
7.4.2. — Procédures d'arrivée.
La procédure officielle d'arrivée sur un terrain ou dans une zone laisse en général une assez grande latitude quant au choix des moyens à employer ou des points d'entrée. Il importe que soient définies d'une façon précise la ou les procédures d'arrivée. Celles-ci seraient déterminées par l'axe d'arrivée de la ligne en tenant compte de l'équipement particulier des appareils ainsi que de la composition des équipages.
7.4.3. — Expression « Travers d'un point » (ABEAM).
Un travers ne peut avoir de valeur que par rapport à une route préalablement connue et nettement définie. Quand il s'agit de donner la position d'un appareil en approche cette expression ne devrait donc être employée que dans de telles conditions. Bans tout autre cas la commission estime que l'expression doit être proscrite.
7.4.4. — Emploi de l'expression V.F.R. la nuit.
L'usage de cette expression au cours d'un vol de nuit est génératrice de risques. Il est désirable que les consignes données aux pilotes précisent que les vols de nuit, même exécutés dans les meilleures conditions de visibilité doivent être conduits pour l'approche en utilisant obligatoirement les aides disponibles.
7.5. — Doctrine de travail à l'intérieur du cockpit.
Il conviendrait d'unifier et de définir les méthodes de vol des équipages et le rôle de chacun, résultat qui évidemment, ne peut être atteint que progressivement. Il appartient à la compagnie exploitante de déterminer les fonctions et les responsabilités de chacun vis-à-vis du commandant de bord qui, en droit et administrativement, est responsable de l'avion et de l'exécution du vol.
7.6. — Rôle de l'Etat vis-à-vis de la compagnie exploitante.
La commission estime qu'il est essentiel qu'une action des services publics s'exerce de façon vigilante et attentive ;
7.6.1. — Etat survolé.
Dans le domaine de la circulation aérienne, en définissant de façon précise sur le territoire national après consultation des entreprises
de transport intéressées, les procédures à suivre par les avions désirant Évoluer dans les zones de trafic dense ou comportant des obstacles naturels dangereux (arrivée sur les aérodromes en particulier) et en contrôlant efficacement la mise en œuvre de ces procédures.
7.6.2. — Etat d'immatriculation.
Dans le domaine des « opérations des compagnies de transport aérien », en veillant à ce que soient établis par tout exploitant des manuels d'opérations et des guides routiers constamment tenus à jour et renfermant toute la documentation disponible et les instructions nécessaires aux équipages, pour garantir la sécurité de la navigation en tous points des routes parcourues.
Un système d'inspection des opérations aériennes destiné à contrôler l'application pratique des consignes données et leur efficacité doit être instauré.
L'annexe G à la convention de Chicago, entrée en application le 1er janvier 1950, impose d'ailleurs à l'Etat d'immatriculation des avions de transport l'obligation d'approuver les manuels d'opérations établis à l'usage du personnel, de conduite.
Lu et approuvé :
Paris, le 20 février 1950.
M. de Levis Mirepoix, inspecteur général de l'aviation civile et commerciale.
Signé : De Levis Mirepoix
M. Fournier, ingénieur en chef de 1re classe de l'air.
Signé : Fournier.
M. Bellonte, chef de la section enquête sur Ies accidents et sécurité à la direction de la navigation et des transports aériens.
Signé : Bellonte.
M. Dabry, officier pilote de l'aviation marchande.
Signé : Dabry.
M. le capitaine Grigaut, de la direction technique et industrielle de l'air.
Signé : Grigaut.
M. Hoerter, ingénieur de la navigation aérienne de 2e Classe à la direction de la navigation et des transports aériens.
Signé : Hoerter.
Paris, — Imprimerie des Journaux Officiels, 31, quai Voltaire.