Vous venez de pénétrer, Ami passager, dans la cabine d'un long-courrier aérien et vous vous êtes installé commodément dans le fauteuil qui vous a été désigné en songeant, avec quelque inquiétude peut-être, aux longues heures d'immobilité auxquelles vous allez être astreint. La brochure que nous vous présentons et dont Air France sera heureuse de vous offrir un exemplaire, si vous le demandez à l'hôtesse ou au steward, n'a pas seulement pour but d'occuper vos loisirs. Nous nous proposons d'exposer ici, aussi clairement et aussi fidèlement que possible, ce qu'on trouve sur un avion, comment il vole et comment il se dirige, comment on l'entretient et comment il est aidé dans ses manoeuvre par les étonnantes ressources que met à sa disposition la science moderne. Nous tenterons de répondre par avance aux questions que vous pourriez poser et de rendre l'avion aussi familier pour vous, habitué de nos lignes ou néophyte, que peuvent l'être tous les autres moyens de locomotion. Mais nous visons plus loin encore, nous voudrions vous intéresser.
Le domaine aérien est rempli de réalisations passionnantes. En cherchant à vous faire pénétrer dans ce monde nouveau, si caractéristique de notre époque, Air France pense entreprendre une oeuvre utile. Car répandre dans le public le goût de l'aviation, orienter les esprits vers la conquête pacifique des espaces célestes à laquelle tant de nos illustres pionniers ont consacré leur existence c'est, croyons-nous, le plus sûr moyen de développer un moyen de transport qui, malgré l'incomparable éclat de ses premières applications pratiques, demeure encore chargé de merveilleuses promesse d'avenir.
Un de vos premiers soins en arrivant à bord, est de faire connaissance avec votre nouveau domaine. Le fauteuil dans lequel vous êtes assis est muni d'un dossier à inclinaison réglable. Pour s'étendre, il suffit de se pencher en arrière en appuyant sur le bouton placé sur l'accoudoir. À côté de ce bouton se trouve un cendrier. Le dossier du siège situé devant le vôtre a deux poches. L'une contient quelques brochures ou dépliants et les sacs de papier mis à votre disposition en cas de mal de l'air. Dans l'autre poche, vous trouverez une tablette qui s'encastre dans les bras de votre fauteuil et sur laquelle vous seront servis les repas. Au-dessus de vous se trouvent un bouton d'appel steward et une lampe individuelle dont le faisceau se dirigera exactement sur le livre que vous tiendrez en vous endormant cette nuit.
L'accès de l'office, du poste d'équipage et du cockpit ou poste de pilotage, situés tous trois sur l'avant, est interdit aux passagers. Sur l'arrière se trouvent deux toilettes, l'une réservée aux dames et l'autre aux messieurs. L'accès du lavabo est limité à trois personnes à la fois. Il est recommandé de ne pas dépasser ce nombre et d'éviter de stationner aux abords de la porte, pour ne pas surcharger l'arrière de l'appareil, ce qui modifierait l'assiette et imposerait une gêne au pilote.
Sur l'avant de la cabine, un panneau lumineux, éclairé pendant les manoeuvres de décollage et d'atterrissage et, parfois, quand le temps est mauvais, porte les indications : « Défense de fumer ; attachez vos ceintures ». Ces prescriptions, inspirées par un souci de sécurité, sont absolument impératives. Elles ont pour but de limiter les déplacements risquant de modifier l'assiette de l'avion pendant la montée ou la descente et d'empêcher les passagers d'être projetés en avant si le pilote était obligé de freiner brusquement pendant le roulage au sol, ou si les turbulences atmosphériques provoquaient une secousse imprévue. Il faut éviter également que, sous l'effet de ces secousses, une cigarette allumée tombe dans un endroit où elle pourrait constituer un danger d'incendie. L'autorisation de fumer et de larguer les ceintures est donnée par l'extinction des panneaux lumineux.
Peu de temps après l'embarquement des passagers, un bruit de soufflerie vous indiquera que la ventilation vient d'être mise en marche. Sur les « Constellation » elle a pour but, non seulement de renouveler l'air, comme sur les autres types d'avions, mais aussi de créer dans tous les compartiments une atmosphère identique à celle qui existerait dans une station de montagne située à 2.500 mètres au-dessus du niveau de la mer. On dit que la cabine est pressurisée. Ceci a pour effet d'éviter aux passagers les inconvénients d'une atmosphère raréfiée (mal des montagnes), quand l'avion se trouve à son altitude normale, soit à 6.000 mètres environ. Si vous avez les oreilles sensibles, vous ressentirez néanmoins des bourdonnements pendant la montée et la descente. Pour les atténuer, il faut mastiquer. Les stewards distribuent à cet effet du chewing-gum ou des bonbons aux passagers. La pente des avions est d'ailleurs assez faible, à la montée comme à la descente. Si parfois
vous trouvez qu'un pilote descend trop vite, ne l'accusez pas de fantaisie ; il aura voulu profiter d'un trou dans les nuages pour se rapprocher plus rapidement du sol.
L'air refoulé par les ventilateurs est, selon le cas, réchauffé ou refroidi, de façon à maintenir à l'intérieur de la cabine une température uniforme de +20°. La température extérieure est très variable ; il n'est pas rare qu'elle s'abaisse jusqu'à -30° ou davantage.
Sur la coque de l'avion sont disposés des hublots qui permettent de voir à l'extérieur. Pour un certain nombre de sièges, le champ de vision sera limité par l'aile et les moteurs. Si, la nuit, vous apercevez sous ceux-ci des traînées de flammes ou des jets d'étincelles s'échappant d'un tube porté au rouge , n'allez pas croire pour cela à un incendie . Ce phénomène est absolument normal car les moteurs d'avion n'ont pas de pots d'échappement. Pendant le jour, la lumière fait disparaître ces lueurs.
Le personnel hôtelier d'un quadrimoteur se compose d'une hôtesse et de deux stewards. Ce personnel a la charge de veiller à votre confort, de vous servir les repas prévus pour le voyage et de vous fournir tout ce dont vous pouvez avoir besoin : renseignements, boissons, revues, etc. L'hôtesse, en particulier, donne tous les soins nécessaires aux petits enfants, qui, dès le départ, seront installés dans des hamacs fournis par la Compagnie.
Les installations des « DC-4 » et des « Languedoc » se rapprochent plus ou moins de celles des « Constellation » décrites ci-dessus.
Tout avion de transport est placé sous les ordres d'un Commandant de bord, « maître après Dieu », dont l'autorité est absolue : il est le premier pilote. Sur les quadrimoteurs, le Commandant est assisté d'un copilote, d'un ou deux mécaniciens et d'un ou deux radiotélégraphistes, souvent pilotes eux-mêmes. Sur les lignes transocéaniques, l'équipage comprend en principe un navigateur plus l'hôtesse et les deux stewards. L'effectif d'un avion transatlantique est ainsi généralement porté à 7 navigants. Sur un bimoteur, l'équipage se réduit à un pilote, Commandant de bord, un mécanicien, un radio et une hôtesse ou un steward.
Les pilotes d'Air France, dont la valeur contribue pour une bonne part aux succès obtenus par la ligne française, sont recrutés parmi des pilotes militaires ou civils ayant 1200 heures de vol au moins. Ils sont ensuite formés par la Compagnie elle-même. Les Commandants de bord qui ne sont qualifiés qu'après un minimum de quatre mille heures de vol, sont sélectionnés parmi les copilotes, après trois ans d'embarquement, un nouveau stage et de nombreux vols d'instruction.
Le recrutement et la formation du personnel mécanicien, radiotélégraphiste et hôtelier sont soumis à des règles analogues, adaptées à leurs spécialités. Les membres du personnel navigant et hôtelier accomplissent annuellement entre 1.000 et 1.100 heures de vol.
Air France utilise actuellement (1951) sur ses lignes quatre types d'avions dont voici les principales caractéristiques :
Voir images ci-dessus
La charge d'un avion obéit à des règles très strictes. Les poids indiqués ci-dessus représentent pour chaque type, la charge maximum au décollage. Dans ce poids figurent évidemment l'essence, l'huile et les approvisionnements de toute nature nécessaires au cours du voyage. Ce sont là les éléments variables du poids ; leur importance est fonction de la longueur de l'étape et a une incidence directe sur la charge marchande que l'avion est susceptible d'emporter. Sur un « Constellation » transatlantique par exemple, cette charge marchande atteint environ 5 tonnes, c'est-à-dire 10 % du poids total.
Avant tout départ il est donc nécessaire de dresser une liste précise de tout ce qui est indispensable au voyage, d'en évaluer le poids et de calculer par déduction la charge marchande possible. Celle-ci sera à son tour répartie en passagers, marchandises et poste. Parfois les voyageurs s'étonnent de trouver quelques sièges vides au départ d'un avion, bien qu'il ait été indiqué qu'il ne restait plus de places disponibles. Peut-être ces places vacantes ont-elles été décommandées au dernier moment, mais elles indiqueront plus fréquemment que les poids du carburant et du courrier transportés ont conduit à limiter le nombre des passagers, pour ne pas dépasser la charge admise.
Le poids maximum toléré à l'atterrissage est sensiblement inférieur à celui qui est admis pour le décollage. Pour un « Constellation » par exemple, il est de 40 T. 6. Pour pouvoir atterrir, un avion doit donc se délester d'une partie de sa charge. Les consommations d'essence et d'huile y suffisent normalement.
Tous les poids embarqués sur un avion pour un voyage déterminé sont inscrits sur un document qui porte le nom de devis de poids.
Avant tout départ et au cours de la plupart des escales, on verse une quantité déterminée d'essence dans les réservoirs. Ceux-ci sont placés dans les ailes.
L'essence embarquée doit permettre à l'avion d'atteindre sa destination, compte tenu des erreurs de météorologie possibles. À cette provision on ajoute toujours une réserve destinée à lui permettre de rallier la base de dégagement vers laquelle il serait dérouté si son aéroport régulier était interdit pour visibilité insuffisante et de rester une heure et demie au-dessus de cette base avant d'atterrir.
Tous les avions d'Air France sont actuellement équipés de moteurs à pistons fabriqués aux États-Unis. Ces moteurs sont refroidis par air à l'aide de volets réglables. Les organes essentiels dont le fonctionnement risque d'être irrégulier (bougies, magnétos), sont toujours doublés.
Dans la plupart des pays du monde, on étudie ou on envisage l'adaptation aux avions de transport des turbines à réaction qui sont déjà en service sur de nombreux avions militaires et dont les principaux avantages escomptés sont une augmentation considérable de la vitesse et la disparition totale des vibrations.
Quelques résultats ont été atteints dans ce domaine et déjà la turbine est sur le point d'apparaître dans certains ciels peu fréquentés. Il ne semble cependant pas que l'avion de transport à réaction pure soit destiné à se généraliser dans un avenir très proche. Son avènement nécessitera en tous cas la mise au point très coûteuse de prototypes à rendement et à consommation acceptables, et sur les parcours à grand trafic, une transformation de l'infrastructure qui n'est pas adaptée aux conditions de vol économiques de ces avions.
On peut prévoir par contre, dans un délai moins lointain, l'emploi de turbopropulseurs, c'est-à-dire d'avions à hélices mues par des turbines à réaction, dont l'utilisation permettra d'atteindre, sur des parcours moyens, des vitesses de l'ordre de 600 km/h.
Comment un avion de près de 50 tonnes parvient-il à se maintenir dans l'atmosphère ? Pour essayer de le comprendre, examinez ses ailes. Vous constaterez que leur face inférieure est plane, tandis que leur face supérieure est courbe. Quand l'avion se déplace, les bords d'attaque agissant comme une étrave de navire au sein de la mer, pénètrent dans les masses d'air et les forcent à s'écouler sur les deux faces des ailes. L'air qui se répand sur la face supérieure dispose d'une surface courbe, plus grande que celle qui est offerte à l'expansion de l'air qui s'écoule sur la face inférieure. Il en résulte que la pression de l'air sur la face supérieure est moins grande que celle qui s'exerce sur la face inférieure. La différence qui existe entre ces deux pressions est la poussée, ou sustentation, qui maintient l'avion dans l'atmosphère. La poussée sera d'autant plus forte que la vitesse de l'avion sera plus élevée.
Donc, pour que l'avion subisse une poussée suffisante pour voler il faut qu'il soit animé d'une grande vitesse. Il est avantageux dans certains cas, quand on décolle ou quand on atterrit par exemple, d'augmenter la sustentation des ailes, ce qui permet à l'avion de voler à une allure plus réduite. On y parvient grâce aux volets hypersustentateurs.
Jetez un regard sur les bords de fuite, ou bords arrière des ailes, avant que l'avion ne décolle ou avant qu'il n'atterrisse. Vous verrez sortir de l'intérieur des sortes de « rallonges » qu'on braque ensuite à un certain angle. Ces « rallonges » sont les volets.
En braquant ses volets, le pilote modifie la forme et la courbure des ailes, comme le fait un oiseau en « étalant » ses plumes : l'avion peut ainsi décoller sur une piste plus courte, monter ou descendre sous une pente plus forte, atterrir à une vitesse plus réduite. Les Constellation et les DC-4, par exemple, décollent à 180 km/h et atterrissent à 150.
Pour changer de route, on agit sur le gouvernail de direction porté par l'empennage arrière, ou queue de l'appareil, en actionnant le palonnier sur lequel reposent les pieds du pilote.
Mais on ne peut faire virer un avion dont le plan de voilure resterait horizontal ; l'appareil « glisserait » sur sa trajectoire, de même qu'une voiture dérape sur une route humide, dans un virage non relevé. Il faut l'incliner avec le volant qui agit sur les ailerons disposés aux extrémités des bords de fuite.
Tout avion qui change de route s'incline donc du côté vers lequel il tourne.
Sur les avions, le tube, ou manche, sur lequel est monté le volant n'est pas fixe, comme sur une automobile. Il peut s'incliner sur l'avant ou sur l'arrière. Ces mouvements actionnent les gouvernails de profondeur qui font monter ou descendre l'avion.
Les hélices des avions modernes sont toutes à pas variable, c'est-à-dire qu'un dispositif, soit électrique, soit hydraulique, permet de faire pivoter en cours de vol chaque pale autour de son axe.
Ce dispositif peut se comparer au changement de vitesse d'une automobile. Au décollage l'hélice est au petit pas ; elle agit comme une vis dont les filets seraient très resserrés. En croisière, elle est au grand pas ; il y a un plus grand espace entre les filets. Si un moteur stoppe en vol, on met son hélice en drapeau, les pales dans le lit du vent ; les filets ont disparu. Enfin les hélices réversibles des Constellation peuvent atteindre au sol une position de « marche arrière ». Les filets cette fois, sont inversés et la vis recule au lieu d'avancer bien que tournant dans le même sens. Cette disposition permet de freiner l'avion après son atterrissage et de faciliter ses manœuvres au sol. Quand l'avion roule sur la piste et qu'on le freine de cette manière, le bruit des moteurs, poussés à pleins gaz, donne l'impression qu'il s'apprête à décoller à nouveau.
Sur un quadrimoteur en vol, quand les moteurs ne sont pas exactement réglés les uns par rapport aux autres, il se produit des vibrations, sensibles dans la cabine. Ces phénomènes se manifestent pendant quelques instants au départ et en croisière, quand on fait varier le régime des moteurs pour tenir compte de l'allègement de l'avion. Les vibrations cessent presque complètement dès qu'une synchronisation parfaite des hélices a été obtenue.
Les très gros avions modernes ont d'énormes roues, parfois jumelées pour diminuer la pression sur le sol et limiter les risques d'éclatement, montées sur de puissants amortisseurs hydrauliques. Toute cette installation opposerait une sérieuse résistance à l'avancement si on la maintenait en place pendant le vol. Aussi, dès que l'avion a quitté le sol, fait-on disparaître les roues dans des logements pratiqués sous les ailes. Le train d'atterrissage comporte une troisième roue, généralement à l'avant sur les avions de transport et munie d'une commande de direction. Les roues principales ont des freins qui servent au cours des manœuvres au sol.
Quand le train est sorti, juste après le décollage ou peu avant l'atterrissage, la résistance qu'il oppose à l'air se manifeste par de légères secousses ; l'avion semble glisser moins facilement.
Les incidents de manœuvre sont très rares. De nombreuses expériences ont prouvé qu'un avion peut atterrir sur une roue, ou même « sur le ventre » sans autre risque que celui des dégâts matériels provoqués par un freinage rapide.
S'il vous est arrivé de pénétrer dans le poste de manœuvre d'un avion, vous aurez sans doute été frappé par le grand nombre de cadrans disposés sur le tableau de bord ou sur un tableau voisin. Tous ces cadrans ne servent pas au pilotage ; la plupart permettent de contrôler la bonne marche des moteurs, les niveaux d'essence, d'huile, etc., et sont placés sous la surveillance du mécanicien.
Les cadrans des pilotes, ou instruments de pilotage, sont au nombre de six. Chacun des pilotes, sur les appareils à double commande en a un jeu sur son tableau de bord. Ils le renseignent notamment sur la vitesse, l'altitude, le cap, la vitesse ascensionnelle et l'horizontalité de l'avion.
Tous ces appareils permettent de pratiquer ce qu'on appelle le vol aux instruments, ou pilotage sans visibilité, quand la nuit, les nuages ou la brume s'opposent à la vue directe du sol.
Il ne faut pas confondre cette manière de voler avec le pilotage automatique qui consiste à faire actionner les commandes par un robot gyroscopique. Celui-ci n'est embrayé qu'en croisière et par beau temps ; il permet au pilote de se reposer de l'attention et de l'effort physique qui lui sont normalement imposés et de s'occuper plus spécialement de la navigation sur les avions dont l'équipage ne comporte pas de navigateur.
La sécurité en vol exige un entretien constant des avions de transport dont la complexité est de plus en plus grande (120 moteurs électriques, 20 kilomètres de câbles, 500 mètres de canalisations hydrauliques, etc., sur un Constellation). Mais si les avions passaient continuellement dans les hangars, il ne serait plus possible de leur faire assurer un service régulier et leur prix de revient deviendrait beaucoup trop élevé. Pour résoudre ce dilemme, Air France a organisé un plan d'entretien dont l'efficacité repose essentiellement sur des échanges standard et des visites périodiques.
L'automobile a vulgarisé cette méthode, mais l'aviation en a considérablement élargi le principe. Il n'est guère habituel en effet de voir un propriétaire de voiture changer ses pneus avant qu'ils ne crèvent ou remplacer un embrayeur avant qu'il ne patine. C'est sur cette base cependant qu'Air France conduit l'entretien de son matériel pour en assurer, dans les limites humainement prévisibles, un fonctionnement impeccable.
Le principe de cette méthode consiste donc à remplacer les divers équipements avant qu'ils ne soient parvenus à un degré d'usure tel qu'un incident soit possible. Pour y parvenir, on assigne à chacun d'entre eux (il y en a de 1.200 espèces différentes pour l'ensemble de la Flotte) une durée limite de fonctionnement, basée sur l'expérience acquise et sur des observations répétées. Quand cette durée de fonctionnement est atteinte, l'équipement est démonté, envoyé au Centre de Révision d'Orly et remplacé par un équipement neuf ou remis à neuf par ce Centre.
C'est un peu sur le même principe que sont organisées les visites périodiques des avions. En dehors des visites de bout de ligne qui sont pratiquées au terme de chaque voyage, les petites visites et les grandes visites s'effectuent périodiquement, après un certain nombre d'heures de vol de l'avion. Les moteurs par exemple, subissent des examens dont chacun comporte un programme déterminé et qui s'échelonnent toutes les 125, 250, 500 heures, etc., de marche. Les révisions, ou grandes visites, dont la périodicité varie selon le type de l'avion ont lieu toutes les 1.500, 3.000, etc., heures environ. Elles durent de dix à quinze jours et sont suivies, avant remontage, d'essais au banc dans des conditions analogues à celles qui sont exigées à l'entrée en service.
C'est au Centre de Révision de Courbevoie que sont remis à neuf au cours des révisions, tous les moteurs des avions Air France.
L'ampleur de tous ces contrôles exige un personnel de techniciens six fois plus nombreux que le personnel navigant. Les organisations industrielles d'Air France et notamment les centres d'Orly et de Courbevoie se placent, par leur conception et leur outillage ultramoderne, au tout premier rang des installations mondiales similaires.
La concentration des révisions de tout le matériel dans deux usines, l'une pour les moteurs, l'autre pour les équipements, permet d'en obtenir le meilleur rendement et de réaliser le maximum d'économies.
On conçoit ainsi que tout ce programme d'entretien, basé sur des durées de vol, puisse être organisé à l'avance et combiné avec les services à assurer de manière à obtenir une rotation continue des avions. On profite bien entendu des périodes de visite pour procé¬der aux échanges standard des équipements dont le démontage exige le plus de soin ou de temps et l'on arrive ainsi à réduire au maximum les durées d'immo¬bilisation, sans rien sacrifier aux exigences de l'entretien.
Le bénéfice d'une telle conception apparaît clairement quand on sait qu'un avion, pour que son exploitation soit rentable, doit voler tous les ans pendant un nombre d'heures assez considérable (2.500 environ pour les Constellation et DC-4). L'entretien planifié, suivant les conceptions modernes prend donc dans la vie des Compagnies aériennes, une place de plus en plus importante.
Les contrôles exercés par Air France ne se bornent pas aux visites décrites ci-dessus. Nous verrons plus loin que chaque avion avant de prendre son vol de l'aéroport de départ ou d'une escale quelconque, subit encore une inspection de tous ses organes.
Quand un avion traverse des régions froides et humides, ses parties frontales sont exposées à se recouvrir d'une couche de glace qui risque de l'alourdir dangereusement. Ce risque est éliminé par l'installation sur les bords d'attaque des ailes, de manchons pneumatiques appelés dégivreurs qui se gonflent et se dégonflent alternativement, pour briser la glace qui est ensuite dispersée par le vent. Des circuits de réchauffage protègent également les pare-brises, les hélices et certains organes essentiels. Il arrive parfois qu'un morceau de glace, détaché d'une pale d'hélice, vienne heurter la paroi du fuselage qui a été renforcé à l'avant à cet effet.
Les avions traversent parfois, au voisinage de l'équateur notamment, des zones orageuses dont l'effet est particulièrement saisissant la nuit.
Mais les éclairs qui sillonnent l'atmosphère ne sau¬raient avoir d'action sur les voyageurs qui sont protégés par la carcasse métallique de l'avion, formant cage de Faraday. Tous les équipements électriques sont isolés et à la masse.
On a souvent tendance à croire que l'incendie constitue l'un des principaux dangers auxquels sont exposés les avions. En fait, une expérience qui, jusqu'à présent, n'a jamais été démentie, prouve qu'un incendie n'est jamais grave quand il s'est développé spontanément.
La protection contre le feu est assurée en vol par des détecteurs d'incendie, placés dans les nacelles moteurs et les soutes, qui allument automatiquement un voyant lumineux au poste de pilotage quand la température s'élève au-dessus de la normale. Les extincteurs installés à demeure dans les diverses parties de l'avion, sont déclenchés à distance dans ce même poste.
Pourquoi les avions de transport ne sont-ils pas munis de parachutes ? Il y a, à cela, plusieurs raisons.
D'abord il n'est pas si facile de se servir d'un parachute. À moins d'un entrainement préalable et d'une discipline rigoureuse, son emploi peut même être considéré comme dangereux. Sans doute estimerez-vous qu'il vaut mieux, dans certains cas, courir ce risque, pour en éviter d'autres plus considérables. En fait, il n'existe guère de circonstances qui permettraient une utilisation efficace des parachutes.
Les quelques cas d'incendie survenus à bord d'avions de transport en vol ont toujours été immédiatement maitrisés. Les avaries mécaniques sont extrêmement rares et l'arrêt d'un moteur, ou même de deux sur un quadrimoteur, n'empêche pas un avion de voler. Un Constellation ayant eu deux moteurs du même bord stoppés au milieu de l'Atlantique a poursuivi son chemin et effectué un atterrissage normal sur son aéroport régulier. Toutes les Compagnies du monde ont estimé que dans ces conditions, il n'y avait pas lieu d'adopter un appareil qui ne pouvait créer qu'une sécurité illusoire.
Les avions de transport sont construits de façon à pouvoir flotter pendant un certain temps, en cas d'amerrissage forcé. Des ceintures de sauvetage sont disposées dans les cabines dont les parois comportent des issues de secours. Les avions s'éloignant notablement des côtes emportent en outre des canots pneumatiques. Sur chaque appareil des consignes de sécurité sont mises à la disposition des voyageurs qui doivent en prendre connaissance. Le personnel navigant a reçu à cet égard une instruction spéciale.
Si quelques accidents mis en vedette par la presse viennent parfois endeuiller l'aviation civile internationale, il serait absurde de ne pas reconnaître l'amélioration constante de la sécurité aérienne au cours de ces dernières années. Pour avoir sur cette question une opinion pertinente, il faut d'abord se représenter l'immense trafic des avions commerciaux. Saviez-vous par exemple, que toutes les 5 secondes, un avion décolle quelque part dans le monde, que l'Atlantique a été traversé 12.000 fois en 1950 et que 75.000 personnes voyagent tous les jours par les airs, ce qui représente 27 millions de passagers par an ?
En 1950, les avions Air France ont parcouru 50 millions de kilomètres au cours de 36.000 vols (soit un départ toutes les 14 minutes) ; ils ont transporté 770.000 passagers sur une distance moyenne de 1.450 kilomètres.
L'aéroport de Paris (Orly et Le Bourget) voit passer chaque année la population d'une ville comme Marseille.
L'accroissement de la sécurité a fait baisser de 60 % depuis 1948 le taux des assurances aériennes qui, pour les expéditions de marchandises sont dix fois moins élevées en moyenne que sur tout autre mode de trans¬port. L'aviation certes, n'a pas le monopole des acci¬dents spectaculaires et bien des gens qui hésitent à prendre l'avion risquent tous les jours leur vie, dans des conditions infiniment plus dangereuses, sur les grandes routes du monde entier.
Les efforts accomplis par Air France dans la voie de la sécurité n'ont pas été dispersés au hasard. Ils ont été basés en premier lieu sur une puissante organisation industrielle qui a permis d'exercer une surveillance méthodique et continuelle du matériel volant. Ils ont été basés également sur une expérience actuellement trentenaire qui tire rationnellement parti des moindres incidents pour en dégager une leçon profitable. Ils ont été basés enfin sur une sélection rigoureuse du per¬sonnel et du matériel, sur une formation et une exploi¬tation qui tendent par tous les moyens à éliminer l'effet du hasard et les risques d'une défaillance.
Tous ces efforts ont abouti à une telle régularité dans le fonctionnement du matériel volant qu'on peut se permettre d'affirmer aujourd'hui que si l'avion est incontestablement le mode de transport le plus rapide il tend de plus en plus à devenir également l'un des plus économiques et des plus sûrs.
L'infrastructure et le contrôle constituent, dans le domaine aérien, les innovations capitales de l'après-guerre. Car même nos excellents avions modernes, nés et expérimentés pendant les hostilités, ne pourraient effectuer les services que nous en exigeons, s'ils ne disposaient constamment de l'aide du sol. Cette liaison étroite est peut-être la caractéristique la plus nette de l'aviation actuelle. La seconde partie de cette brochure sera consacrée en grande partie à la description des facilités nouvelles ainsi acquises par l'aviation de ligne.
Sur toute l'étendue des territoires des nations qui ont adhéré à l'O.A.C.I. (Organisation de l'Aviation Civile Internationale), est installé un réseau continu de zones d'information, dont chacune est placée sous la surveillance d'un Centre de contrôle régional. Dans chacun de ces Centres, des agents veillent nuit et jour à la sécurité des avions qui survolent la région dont ils sont chargés. Ils suivent leurs positions, ils les informent des changements de temps et des situations particulières qui peuvent se présenter, ils règlent leur circulation quand le trafic est particulièrement dense, ils dirigent leurs opérations d'approche aux abords des terrains d'atterrissage, ils leur assignent, en accord avec le représentant de la Compagnie exploitante, un aérodrome de dégagement quand l'aéroport vers lequel ils se dirigent est interdit pour visibilité insuffisante ou toute autre cause. Bref, ils utilisent toutes les informations dont ils disposent et toute l'expérience qu'ils possèdent des conditions particulières aux régions dont ils sont chargés, pour en faire bénéficier les navigateurs aériens.
Ainsi un avion qui se déplace dans l'atmosphère n'est jamais isolé. Depuis son décollage jusqu'au moment où il sera autorisé à atterrir, il trouvera sur sa route une succession de centres de contrôle prévenus de son passage et avec lesquels il devra obligatoirement se mettre en rapport, dès qu'il survolera les régions surveillées par ces centres. Cette organisation a eu sur la sécurité et sur la régularité des voyages aériens une importance décisive.
Pour que les Centres de contrôle régionaux puissent être tenus au courant des mouvements des avions, il faut évidemment que les itinéraires de ceux-ci soient connus à l'avance. Or, il y a plusieurs routes pour aller d'un point à un autre. De Paris à New-York par exemple, la route normale passe par l'Irlande et Terre-Neuve. Mais on peut aussi passer par l'Islande, ou chercher au contraire, beaucoup plus au sud, des courants favorables. Comment décide-t-on de l'itinéraire à suivre, comment se prépare un voyage ?
C'est, pour un long-courrier, deux heures avant le départ que cette décision est prise par le Commandant de bord lui-même. Sur chaque aéroport, le Centre de Contrôle local et le Service de Météorologie renseignent constamment les Bureaux des Opérations de la Com¬pagnie sur les conditions générales (infrastructure, radiobalisage) des différentes routes possibles et du temps susceptible d'être rencontré sur ces routes. Les agents du Bureau des opérations étudient ces condi¬tions et établissent divers projets d'itinéraires qui sont soumis au Commandant de bord, pour faciliter son choix.
Celui-ci les étudie successivement et prend sa déci¬sion. Puis il établit son plan de vol qui prévoit notam¬ment toutes les routes à suivre, les altitudes, les vitesses, les durées de vol sur les divers tronçons, les quantités de carburant nécessaires compte tenu de la charge à emporter, et les heures probables de départ et d'arrivée. Ce plan, soumis à l'approbation du Centre de contrôle régional est transmis radiotélégraphiquement après acceptation définitive aux aéroports de départ et d'ar¬rivée et à tous les Centres régionaux dont dépendent les différentes zones qui seront survolées par l'avion.
Le Plan de vol, une fois adopté, est impératif ; il ne peut être dérogé à cette règle que si des raisons sé¬rieuses l'imposent. Dans un tel cas, le Commandant établirait en vol un nouveau plan, soumis à la même procédure que le plan initial.
Ce sont évidemment des considérations de temps et surtout de direction et de force du vent, qui influent sur les routes suivies par les avions. Il est souvent avantageux de suivre une route plus longue, plutôt que de se heurter de front à des vents violents ou à des zones de turbulence.
Les sondages en altitude et les observations au sol, transmises régulièrement par tout un réseau de stations disséminées sur les territoires survolés, permettent aux services de météorologie sur les aéroports de tenir constamment à jour les cartes du temps et des prévisions valables pour la durée du voyage. Ces cartes sont complétées par des coupes d'atmosphère indiquant aux diverses altitudes sur les itinéraires retenus, les vents probables et les formations nuageuses.
Dans l'intérêt du confort des passagers un avion, même un très gros transport, évite quand il le peut de traverser des zones de turbulence trop violentes. Ses réserves d'essence et sa vitesse lui permettent généralement de contourner ou de survoler ces régions tourmentées à condition, bien entendu, qu'elles ne s'étendent pas sur l'horizon entier et à toutes les altitudes possibles. Le mauvais temps en avion n'est jamais dangereux, parce que la surveillance de l'atmosphère est telle qu'un avion de transport pourrait toujours trouver un refuge, s'il devait se heurter à un temps absolument impraticable. Mais le mauvais temps est gênant. Il se manifeste par des secousses, parfois violentes, toujours désagréables, accompagnées de mouvements ascendants et descendants accomplis par l'avion qui suit évidemment les déplacements des colonnes d'air dans lesquelles il se meut. Ces impressions de chute verticale qu'on attribue improprement à des « trous d'air », sont cependant infiniment moins pénibles dans les airs que sur la mer . Il y a au moins trois raisons pour cela :
- Les voyages sont beaucoup moins longs.
- La vitesse des avions leur permet de traverser les zones de turbulence et de s'en éloigner très rapidement.
- Ce sont les déplacements horizontaux de l'atmosphère (vents) qui donnent naissance aux vagues et ce sont les déplacements verticaux qui sont surtout sensibles en avion. Or les vents sont beaucoup plus violents que les mouvements des colonnes ascendantes ou descendantes, surtout aux altitudes auxquelles volent les avions. Aussi n'est-il pas rare d'effectuer une traversée parfaitement calme, avec des vents de 100 kilomètres sur les côtes et une tempête déchaînée au niveau de la mer.
Sur l'Atlantique nord, dix frégates météorologiques, armées par différentes nations, complètent pour cette zone le réseau des stations terrestres. Elles servent en outre de balises flottantes, guident les avions au moyen de leurs radio-phares et constituent pour eux des jalons sur lesquels ils peuvent rectifier leur position. Elles contribuent enfin éventuellement au sauvetage des avions en difficulté.
Il existe d'ailleurs également une organisation internationale de recherche et de sauvetage qui, sur terre comme sur mer, mobilise toutes les ressources dont disposent les États pour les mettre à la disposition des aéronefs en péril. Ces ressources sont mises en alerte trente minutes après l'heure à laquelle un avion aurait dû envoyer un message de position, ou après l'heure prévue pour son arrivée, si aucune indication n'a été reçue sur son compte. Elles sont mises en œuvre dans le plus bref délai possible, aussitôt après confirmation de l'accident.
Revenons maintenant au moment où vous venez d'embarquer. Nous vous avons expliqué comment on manœuvre un avion, comment on le prépare à son voyage et comment on surveille sa route ; nous pouvons entrer maintenant dans le détail des opérations qui vont le conduire de l'aéroport de départ à celui d'arrivée.
Pour vous qui êtes assis dans la cabine où vous ont accueilli l'hôtesse et les stewards, ces opérations vont se manifester d'abord sous la forme d'une attente plus ou moins longue, qui s'ajoutera aux délais que vous avez peut-être jugés excessifs, des formalités de douane et de santé. Bien que les Compagnies s'efforcent de toutes les manières d'abréger tous ces délais, elles ne peuvent cependant transiger avec les nécessités de la sécurité qui les obligent à effectuer sur le terrain même, un certain nombre d'opérations dans un ordre qui ne saurait être modifié. Il est impossible par exemple, de lancer les moteurs avant de recevoir les passagers, parce que le souffle des hélices rendrait l'embarquement périlleux et que, par ailleurs, l'aire de départ doit être dégagée quand les moteurs sont démarrés. C'est dans les conditions mêmes où s'accomplit le vol, que doivent être effectués, avant le départ, les derniers contrôles qui ont pour but de vérifier la parfaite mise au point de l'avion au cours des visites qu'il a subies.
Pendant que vous vous installez, l'équipage passe la revue de tous les appareils qui seront utilisés au cours des manœuvres et pendant le vol. Pour éviter tout oubli, on en a dressé une liste qui est remise à chaque avion. Pour un Constellation, elle comprend 91 articles qui sont énumérés successivement par le copilote. À chaque appel, l'organe correspondant est vérifié et la réponse est fournie, toujours dans les mêmes termes, par le membre de l'équipage qui en est chargé :
Cales de roues ? .... En place
Servo commande ailerons ? .... Embrayée
Magnétos ? .... Coupées
Essence ? .... Jaugeurs vérifiés
Hélices ? .... Brassées clair
Etc.
Au moment prévu par la check list et sur l'ordre donné par le Commandant, les moteurs sont successivement lancés en provoquant une épaisse fumée noire vite dissipée, due à l'accumulation de l'huile dans les cylindres inférieurs. Cette opération est suivie sur la piste par le personnel spécialisé de l'aéroport, muni d'extincteurs prêts à être utilisés en cas de besoin.
Sur les grands aéroports modernes, le trafic est parfois considérable et un ordre rigoureux doit être établi entre les décollages et les atterrissages pour éviter les embouteillages et supprimer les risques de collision. C'est pourquoi tous les mouvements des avions y compris les roulages au sol, ne peuvent être entrepris sur un aéroport qu'après autorisation du personnel responsable de la Tour de Contrôle.
Ce personnel qui joue le même rôle que les agents de la circulation dans les grandes villes, se trouve en permanence dans une cabine de verre surélevée d'où il peut suivre tout ce qui se passe sur le terrain. Par radiophonie la Tour donne à tous les avions qui partent ou qui arrivent les ordres nécessaires pour écouler le trafic, en respectant autant que possible les horaires, les ordres d'urgence et de priorité.
C'est donc à la Tour de contrôle que le Commandant de bord demandera, dès le lancement des moteurs effectué, l'autorisation de se rendre, par les voies intermédiaires, à l'extrémité de la piste d'envol.
Parvenu à ce point, l'avion stoppe et serre ses freins pour procéder au réchauffage et à l'ultime contrôle de ses moteurs sous divers régimes. Cette opération peut être assez longue, surtout en hiver.
Chaque moteur est successivement poussé « pleins gaz » pendant une courte pointe ; on sélectionne les magnétos, on relève les pressions d'huile et les températures, on vérifie les hélices et le libre jeu des gouvernes.
Ce n'est qu'après toutes ces vérifications que les volets sont mis en position de décollage ; cette ma¬nœuvre se manifeste par un bruit particulier, évoquant l'appel d'un clackson lointain et qu'on peut interpréter comme le signal d'un départ imminent. Il ne reste plus, en effet qu'à signaler à la Tour que l'avion est prêt à partir.
Ayant reçu l'autorisation de la Tour, l'avion s'engage enfin sur la piste, ses quatre moteurs lancés à pleine puissance. Lorsqu'il a atteint sa vitesse de sustentation, le pilote le décolle d'un léger mouvement du manche. L'avion poursuit sa route, puis s'incline pour amorcer son premier virage.
Pendant ces opérations, les passagers ressentiront de légères secousses qui s'atténueront au moment où sera rentré le train d'atterrissage, peu après le décollage. La manœuvre des volets qui sont escamotés quand l'avion a dépassé 100 mètres d'altitude, s'accompagne à nouveau d'un grincement caractéristique qui signifie cette fois que toutes les manœuvres de décollage ont été normalement accomplies. Les moteurs sont réduits et l'avion prend une vitesse et un angle qu'il conservera pendant toute la montée.
Celle-ci paraît longue ; elle dure trois quarts d'heure environ sur un Constellation, ce qui permet aux passagers de s'accommoder graduellement à la dépression. Vers le milieu de la montée vous percevrez, si vous êtes attentif, une légère diminution de l'allure des moteurs qui sont en effet ralentis pendant un instant, pour permettre de changer l'allure des compresseurs.
Chaque type d'avion est construit pour voler normalement à une altitude déterminée : les Constellation à 6.000 mètres, les DC-4 et "Languedoc" à 3.000. Ces altitudes cependant ne sont qu'approximatives parce que les règles de la navigation aérienne fixent aux avions certaines valeurs de l'altitude qu'ils doivent tenir, d'après les routes qu'ils suivent.
Cette règle a pour effet d'éviter les collisions, car elle établit une bande de sécurité d'au moins 150 mètres entre les avions dont les routes se coupent et de 300 mètres entre ceux dont les routes sont directement opposées.
Dans la gamme des altitudes ainsi mises à sa disposition, l'avion choisira celles qui ont été prévues par son plan de vol pour le faire bénéficier des meilleures conditions atmosphériques.
L'altitude est mesurée à bord par les altimètres dont il existe deux modèles, l'un basé sur la pression atmosphérique qui diminue régulièrement à mesure que l'avion s'élève et l'autre sur la durée de propagation d'une onde radioélectrique émise par l'avion et réfléchie par le sol.
L'altitude est généralement bien tolérée par les passagers dont l'état de santé est normal. Les bourdonnements d'oreille qui se manifestent à la montée ou à la descente, disparaissent dès que l'avion est en palier ou au sol. Les malades atteints de certaines affections (otite, sinusite grave, pneumothorax récent, hypertension, importante anémie), peuvent avoir besoin de précautions particulières, spécialement à bord des avions non pressurisés et ont intérêt à consulter un médecin (ou les médecins de la Compagnie), avant d'entreprendre un voyage aérien.
L'accès des avions de transport est interdit aux personnes contagieuses ; les femmes enceintes de moins de 6 mois ne sont admises sur les avions Air France que sur présentation d'un certificat médical : passé ce délai l'admission ne peut leur être accordée.
C'est également le plan de vol qui détermine les routes qui ont été tracées en tenant compte de la météorologie et de toutes les installations du sol, destinées à faciliter la navigation.
Sur certains parcours limités, les avions peuvent se maintenir sur un faisceau d'ondes émises par un émetteur particulier et qui porte le nom de range, mot qui peut se traduire par « alignement » ou « direction ».
S'il vous est arrivé la nuit, de voir un lièvre détaler dans la bande lumineuse tracée sur la route par les phares d'une automobile, vous savez ce que c'est que de se déplacer dans un range. Celui-ci est constitué par un faisceau analogue, dont les ondes, au lieu d'être lumineuses, sont radioélectriques, généralement à quatre branches qui dessinent dans le ciel une immense croix. On s'en sert pour faciliter l'accès des aéroports et aussi pour constituer dans les airs de véritables routes, parfois à sens unique, qui facilitent la circulation des avions sur les trajets particulièrement fréquentés, comme celui de Paris à Londres par exemple. Les émissions perçues par le pilote dans son casque lui permettent de savoir immédiatement s'il se trouve sur la route, ou s'il est à droite ou à gauche de celle-ci.
Il n'existe pas cependant de ranges sur tous les parcours. L'avion suit alors une route déterminée, qu'il corrige en fonction de la dérive due au vent et qu'il contrôle aussi fréquemment que possible en déterminant sa position.
L'appareil généralement utilisé dans ce but est le radiocompas. C'est un cadre de réception mobile autour d'un axe vertical et qui s'oriente soit à la main, soit automatiquement, dans la direction de l'émission sur laquelle il est réglé. Les oscillations du cadre autour de son axe entraînent une aiguille qui se déplace devant un cadran gradué, orienté comme une boussole, qui indique au pilote la direction dans laquelle se trouve le poste émetteur qu'il relève.
De même que sur nos côtes sont installés de place en place des phares qui guident les navires, de même, sur les territoires survolés par les avions, sont disposés des radiophares dont les émissions, reçues par les radiocompas de bord, permettent aux pilotes de se diriger. La position exacte de l'avion peut être déterminée sur la carte, soit par les relèvements successifs d'un même radiophare, soit par les relèvements simultanés de deux radiophares différents. Pour mettre le cap sur un radiophare installé dans le voisinage de son point de destination, il suffit au pilote de faire virer son appareil jusqu'à ce que l'aiguille du radio compas indique une direction passant par l'avant.
Tous les gros avions sont munis de trois radiocompas dont deux sont automatiques et le troisième manuel.
Un avion peut également établir sa position par l'observation des astres au sextant, en utilisant les mêmes méthodes que les navires en mer. Il existe aussi selon les régions, d'autres procédés, plus ingénieux les uns que les autres, permettant de déterminer les positions des avions. Toute la science moderne déploie dans cette voie, ses plus étonnantes possibilités. Il n'est guère utile de souligner l'importance de ces efforts en matière de sécurité aérienne, puisque la plupart des accidents d'avion sont imputables à des erreurs de position. Il n'est pas interdit de penser que dans un avenir qui n'est peut-être plus très éloigné, les avions disposeront, soit sous forme de cadrans récepteurs, soit sous celle d'un traceur de route, d'une indication permanente et automatique de leur position.
Toutes ces aides apportées à la navigation par l'infra¬structure terrestre facilitent la tenue du pilotage sans visibilité, ou vol aux instruments, qui est de pratique tellement courante à bord des avions de transport que la navigation de nuit ou dans les nuages, ou au-dessus des nuages ne pose pas de problème spécial. Quand le temps est beau, le pilotage automatique est générale¬ment embrayé. Sur un long parcours, l'avion se déleste à mesure que son essence se consomme ; la vitesse augmente et la puissance doit être réduite en agissant sur la manette des gaz et sur le pas des hélices. Ces adaptations qui se produisent toutes les deux heures environ, provoquent quelques vibrations qui cessent dès qu'une nouvelle synchronisation est obtenue.
Dans la cabine, les passagers ont largué leurs cein¬tures et peuvent se détendre. Des fiches établies par le Commandant de bord et mises en circulation les rensei¬gnent sur la marche et les positions successives de l'avion. Les stewards servent les apéritifs et repas. Il n'y a pas de cuisine sur les avions de transport; les aliments sont préparés à l'avance dans les installations hôtelières au sol et portés à bord dans des containers spéciaux qui assurent leur conservation parfaite à la température voulue.
Quand un avion approche de sa destination, les opérations qui ont eu lieu au départ se renouvellent en sens inverse. L'altitude est graduellement réduite et l'appareil guidé, soit par un range, soit par une balise, prend une des routes prévues pour son approche. Il y a par exemple quatre routes qui conduisent à Orly et quatre routes qui vont au Bourget. Le pilote prend contact avec le Centre de contrôle régional qui lui transmet toutes les indications nécessaires et lui assigne une altitude à laquelle il devra se maintenir. L'équipage vérifie par le procédé de la check list les appareils qui seront utilisés pendant la manoeuvre et les passagers reçoivent l'ordre de s'abstenir de fumer et aussi de boucler leurs ceintures afin d'éviter les mouvements intempestifs. Quand il fait beau temps et que le trafic est réduit, l'avion ne tarde pas à être autorisé à atterrir. Le pilote effectue sa présentation et se pose à vue à l'extrémité de la piste.
De nuit la situation est identique. Le balisage lumineux rend la piste encore plus visible que de jour.
Mais il arrive plus fréquemment sur les grands aéroports que plusieurs avions se présentent à la fois, soit pour atterrir, soit pour décoller. Sur les quatre branches en croix du range d'Orly, ces grandes routes du ciel parisien, d'autres avions, en même temps que le vôtre, vont et viennent, se croisent et se dépassent, mais sans risquer de s'y rencontrer, car entre les différentes altitudes qui leur ont été assignées, le contrôle aura ménagé des bandes de sécurité de 300 mètres. Le point origine du range, ou point de rencontre des bras de la croix, est ainsi un vaste carrefour que survolent obligatoirement avant d'atterrir tous les avions provenant des quatre coins de la terre. Une altitude est prescrite aux avions lorsqu'ils arrivent au-dessus de ce point : ils décrivent alors des circuits d'attente jusqu'à ce qu'ils soient autorisés à atterrir.
Ces circuits qui retardent l'arrivée ne sont évidemment appréciés ni des passagers, ni de ceux qui les attendent derrière les barrières de l'aérogare. Mais il faut, comme au départ, établir un ordre rigoureux entre les atterrissages et les décollages et la Tour de Contrôle ne peut donner la piste qu'à un avion à la fois.
Elle appellera donc successivement les avions en attente en commençant par les plus bas. L'avion qu'elle désigne interrompt son circuit et se dirige vers la « porte » de la piste, c'est-à-dire vers le point où il amorcera sa descente pour se poser. Il sort successivement ses volets, pour pouvoir atterrir à une vitesse plus réduite et son train d'atterrissage.
Les dimensions et le tonnage des avions modernes exigent des pilotes, au cours de l'approche et de l'atterrissage, une attention soutenue. C'est pourquoi les inventeurs ont réalisé, pour faciliter ces manœuvres, des installations de radioguidage d'une précision telle qu'un pilote pourrait aujourd'hui, s'il y était autorisé, atterrir parfaitement par visibilité nulle.
L'un des dispositifs s'appelle l'I .L .S . Il est constitué par deux faisceaux d'ondes radioélectriques très courtes et dirigées. Le premier faisceau est orienté dans l'axe de la piste qu'il délimite ; le second est pointé dans une direction qui correspond exactement à la trajectoire inclinée de descente de l'avion
En se maintenant dans les deux faisceaux, le pilote a donc la certitude de poser ses roues à l'extrémité de la piste et d'avoir devant lui tout l'espace nécessaire pour rouler au sol et amortir sa vitesse. Mais comment savoir s'il est dans les faisceaux ? C'est bien simple. Sur le tableau de bord, un cadran porte deux aiguilles…
Deux aiguilles commandées automatiquement par les ondes. Selon les positions de ces aiguilles par rapport à deux repères le pilote, d'un seul coup d'œil, saura immédiatement pendant la présentation, si son avion est à droite ou à gauche, au-dessus ou au-dessous de la trajectoire qu'il doit suivre pour arriver au sol avec l'incidence voulue. Sans aucun regard à l'extérieur, il pourrait effectuer un atterrissage impeccable.
L'appareil G.C.A., plus étonnant encore, est basé sur un principe différent. Cette fois, c'est du sol que se dirige la manœuvre, au moyen de « radars » qui permettent à un spécialiste de l'aéroport d'indiquer lui-même au pilote les gestes qu'il doit accomplir pour atterrir exactement au point prévu. L'installation se compose de projecteurs à ondes radioélectriques dont les faisceaux, comme ceux des phares optiques, balaient le ciel sur l'horizon tout entier, ou dans un secteur déterminé. Chaque fois qu'un avion passe dans un des faisceaux, sa position s'inscrit, sous forme d'un point lumineux, sur un écran. On peut ainsi, d'une salle obscure voisine de la piste, suivre tous les mouvements des appareils, dans un rayon de 80 km autour de l'aéroport et guider leurs évolutions, en cas de visibilité insuffisante. Sur les écrans d'atterrissage, deux lignes représentent, l'une l'axe de la piste, l'autre celui de la trajectoire de descente. Les points lumineux successifs situent exactement l'avion par rapport à ces axes. S'il est trop haut ou trop bas, trop à droite ou trop à gauche, l'observateur du sol, par radiophonie, lui fera changer son altitude ou son cap, jusqu'à ce que ses images suivent les lignes tracées sur les écrans.
Telle est donc l'extraordinaire puissance de l'électronique. Enfermé dans une cabine entièrement close, un homme est capable, dans la brume la plus opaque ou dans la nuit la plus sombre, de diriger un avion de 40 tonnes et de le faire atterrir sur une piste qu'il ne voit pas lui-même. Encore une fois, c'est un cas qui ne se produit que rarement, mais quelles perspectives ne nous ouvre-t-il pas sur les immenses ressources de la technique moderne, sur les merveilleuses possibilités de cette collaboration qui s'établit de plus en plus entre techniciens et navigants.
Cette collaboration qui est à la base de l'aéronautique d'aujourd'hui, nous l'avons vue se réaliser aux ateliers, se poursuivre dans le choix des itinéraires de l'avion et de ses altitudes auquel participent les services de météorologie et les spécialistes du Bureau des Opérations, puis dans le contrôle de ses déplacements, dans la détermination de ses positions et enfin dans la surveillance de ses mouvements autour des aéroports.
Collaboration de plus en plus étroite entre les airs et le sol ; solidarité entre les hommes de toute nationalité, en vue de la meilleure utilisation de leur domaine aérien, telles sont les voies qui conduisent le plus sûrement l'aviation de transport à la réalisation des magnifiques promesses qu'elle porte en elle-même. C'est à la réalisation de ces ententes que tendent tous les efforts des Compagnies Aériennes et des organisations internationales. Ces ententes leur permettent de se rapprocher tous les jours davantage des buts qu'elles se sont fixés et qui peuvent s'exprimer en trois mots :
MÀJ : 2 décembre 2024
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