L'OBSERVATION DU SOLEIL

Notre Soleil est une étoile banale comme il y en a des milliards dans notre Galaxie, la Voie Lactée.

Vous avez dit banale ? Oui banale par sa constitution, seulement voilà, c'est notre Étoile et à ce titre tout ce qui vit sur Terre, végétal ou animal, lui doit d'exister. À l'exception de l'énergie géothermique et celle d'origine nucléaire, le Soleil est le générateur de toutes les autres formes d'énergie dont nous avons tellement besoin - Énergie fossile comme le charbon, le pétrole, le gaz ; Énergie hydraulique ; Énergie éolienne ; Énergie photovoltaïque... - C'est lui qui nous réchauffe, nous nourrit, nous éclaire. Alors si Paris vaut bien une messe, le Soleil mérite bien notre attention et les peuples qui l'adoraient avaient finalement de meilleures raisons à mettre en avant que celles qui nous poussent à suivre les religions modernes.

Voici sa carte d'identité :

OBSERVATION DE LA PHOTOSPHÈRE

Bien que le Soleil soit une boule de gaz, quand on l'observe en lumière blanche, sa surface apparaît avec un bord net. Cette surface apparente est appelée photosphère. En fait le soleil s'étend bien au-delà de la photosphère et la Terre elle-même baigne littéralement dans l'atmosphère du Soleil (les aurores polaires en sont la manifestation la plus spectaculaire).

L'énergie reçue du Soleil par la Terre est en moyenne de l'ordre du kW par mètre carré C'est colossal. Pour la surface éclairée de la Terre, c'est en gros le nombre 21 suivi de 15 zéros en kW soit de l'ordre de 100 millions de fois la puissance totale de l'ensemble des centrales électriques thermiques ou hydrauliques, moteurs divers à combustion interne ou externe, hauts-fourneaux, etc.. La récupération de cette énergie avec un rendement suffisant est certainement une voie d'avenir proche bien avant l'exploitation de la fusion nucléaire qui n'est pour le moment qu'un lointain mirage. Si l'on songe que cette énergie ne produit aucune pollution, qu'elle est gratuite, qu'elle est inépuisable à l'échelle de l'humanité, et de plus que cette énergie récupérée et transformée en énergie mécanique c'est autant de calories qui ne chaufferont pas la Terre (même si c'est très faible) on pourrait se pencher sérieusement sur la question. Certains objecteront que le Soleil ne brille pas la nuit et que l'électricité se stocke très mal. Mais le Soleil brille toujours à un endroit sur la Terre, il suffirait d'interconnecter tous les générateurs photovoltaïques du monde pour disposer d'une énergie permanente. Les pertes en ligne énormes sur des milliers de km ? On sait faire des câbles supraconducteurs dont la résistance électrique est nulle donc sans perte. La fragilité du système en cas de conflit entre les nations ? N'est-ce pas là une vision à courte vue de pays qui consomment sans discernement une énergie actuellement abondante - pour combien de temps encore - ? Mais dans le cas d'une interconnexion totale, chaque pays serait contrôlé par tous les autres car chacun est éclairé à son tour ! Ce serait au moins aussi dissuasif que la menace de l'arme atomique. Utopie ? peut-être ou sans doute, mais on a vu parfois que nécessité faisait loi et il y a là l'occasion de s'entendre au lieu de se faire la guerre surtout que les pays les plus pauvres sont généralement les mieux servis en Soleil.

Ainsi ce n'est pas la lumière qui manque, sauf quand on veut étudier la composition de la lumière solaire en étalant son spectre sur plusieurs mètres. Aussi de petites lunettes ou télescopes suffisent-ils pour observer la photosphère et encore faut-il les munir de filtres devant l'objectif ne laissant passer que un dix-millième ou un cent-millième de la lumière. Ce filtre peut être simplement une feuille spéciale en plastique métallisé, bon marché, placée devant l'objectif. On ne saurait être trop prudent lors de l'observation du Soleil et avant de mettre l'œil à l'oculaire il vaut mieux vérifier plutôt deux fois qu'une que le filtre est bien en place, qu'il ne risque pas tomber, qu'il n'est pas endommagé (rayures, déchirures). Sachez qu'un objectif de longueur focale 1,60 m donne une image du Soleil d'un diamètre de 15 mm et si l'objectif a lui-même un diamètre de 300 mm, l'énergie au foyer est 400 fois plus concentrée (c'est le carré du rapport des diamètres). Un papier placé au foyer s'enflamme quasi instantanément. Attention les yeux !

Après cette mise en garde, que voit-on ?

Dans la majorité des cas on observe des taches sombres en plus ou moins grand nombre (nous verrons plus loin que ce n'est pas toujours le cas). Ces taches sont des zones plus « froides » où la température moyenne est de l'ordre de 4 300 degrés alors que le reste de la photosphère est à 5 500 degrés. Elles se situent toujours dans un espace s'étendant sur 40 degrés de part et d'autre de l'équateur solaire. Leur nombre et leurs dimensions sont variables et les plus grosses, pouvant dépasser 100 000 km, sont même visibles à l'œil « nu », avec des lunettes spéciales de protection comme celles qui sont utilisées lors des éclipses. On constate qu'une tache à l'équateur met 25 jours pour faire un tour alors qu'une autre située à 40 degrés de l'équateur met 27 jours, montrant ainsi que le Soleil ne tourne pas d'un seul bloc sur lui-même.

Quelques heures avant la naissance d'une tache, des plages brillantes de structure fibreuse apparaissent, ce sont les facules. Ces signes annonciateurs permettent de donner l'alerte éventuellement car suivant leur importance, ils sont caractéristiques de l'activité du Soleil et l'on a connu des perturbations importantes sur Terre, telles que coupure des transmissions radio et même disjonction totale de certains réseaux électriques. De plus, les radiations émises à ces moments de grande activité du Soleil peuvent être mortelles pour les astronautes qui seraient sortis de leur capsule. Comme on le voit, l'observation des taches du Soleil n'est pas un simple divertissement d'astronomes. De ces observations on a pu déterminer que l'activité du Soleil passe d'un minimum à un maximum avec une périodicité d'environ onze ans. L'amplitude de ces minima et maxima est elle même variable selon un cycle beaucoup plus long.

Taches solaires - René Paris

À gauche, le Soleil lors du maximum en mars 2001. À droite, alors que l'on s'attendait à une reprise d'activité, le Soleil reste vierge de toute tache.

Taches solaires - René Paris

Détails d'une tache

Le dernier maximum remonte à 2001. On s'attendait donc à ce que le cycle suivant démarre en 2007-2008. Il n'en a rien été et l'année 2008 a même été particulièrement calme puisque le Soleil est resté vierge de toute tache pendant 266 jours. Il faut remonter à 1913 pour retrouver une période si calme. Voilà maintenant treize ans que le cycle actuel a démarré et c'est toujours le calme. Le cycle le plus court enregistré a duré neuf ans et le plus long quatorze ans. Le cycle actuel, 23e du nom, n'est donc pas loin de battre un record. Hors les cycles longs sont généralement suivis d'une activité faible du Soleil sur plusieurs années. Les mesures font état alors d'une baisse de l'énergie émise par le Soleil de l'ordre de 1%.


Cette baisse est très insuffisante selon certains pour contrebalancer les raisons admises du réchauffement « climatique » actuel. Selon d'autres cependant, si la baisse de l'énergie totale rayonnée par le Soleil reste faible, il n'en est pas de même dans le domaine des ultra-violets où la variation peut aller du simple au double, hors nous ne savons pas bien quel est l'impact sur le climat dans ces longueurs d'onde.

D'ici à ce que le réchauffement « climatique » se transforme en mini période glaciaire comme celles qui se sont produites de 1790 à 1830 et de 1645 à 1715 dans des conditions à peu près similaires, il y a un pas qu'il ne faut tout de même pas franchir sans approfondissement. Voilà ce qui justifie bien les cinq dernières missions spatiales réservées à l'étude du Soleil dont la dernière, Solar Dynamics Observatory, toujours en cours depuis 2010.

OBSERVATION DE LA CHROMOSPHÈRE.

La chromosphère est la couche immédiatement au-dessus de la photosphère. Son épaisseur est de l'ordre de 5 000 km. Elle est extrêmement mince par rapport au rayon du soleil qui est de près de 700 000 km. Par un hasard providentiel, il se trouve que le diamètre apparent de la Lune est extrêmement proche du diamètre apparent du Soleil. Quelquefois cependant, suivant les positions respectives de la Terre, de la Lune et du Soleil, la Lune ne recouvre pas complètement le disque du Soleil lors des éclipses qui sont dites alors annulaires. Il subsiste un liseré trop brillant autour du disque noir de la Lune pour pouvoir observer la chromosphère.

La chromosphère est portée à une température de l'ordre de 20 000 degrés. Ce résultat semble paradoxal quand on le compare à la température de la surface du Soleil qui est de 5 500 degrés. Mais il faut tenir compte que la chromosphère est constituée de gaz à très faible pression dont la masse volumique n'est que de un millionième de celle de la photosphère. Ainsi malgré sa température de 20 000 degrés, un mètre cube de chromosphère renferme une quantité de chaleur infiniment plus faible que celle de un mètre cube de la surface du Soleil. La physique est sauve !

La chromosphère est ainsi appelée car elle apparaît d'une couleur nettement rose. Elle n'est visible que pendant les quelques secondes que dure le maximum d'une éclipse totale. C'est le moment où l'on peut observer les protubérances solaires, un phénomène spectaculaire. Ce sont des ponts de matière gigantesques de 200 000 km de long en moyenne mais qui peuvent dépasser un million de km et dont l'élévation moyenne est de l'ordre de 40 000 km. Statistiquement on note une corrélation générale avec l'activité des taches. Ces protubérances prennent naissance dans la photosphère et viennent crever la chromosphère. Certaines ont une forme erruptible, la vitesse d'éjection est très grande, plusieurs centaines de km par seconde, elles s'élèvent verticalement. Quelques unes peuvent atteindre la vitesse d'évasion* du Soleil qui est de 617,5 km par seconde. Ce sont alors des milliards de tonnes qui échappent à l'attraction du Soleil et se propagent dans l'espace. En abordant la Terre, cette matière produit les effets dont on a déjà parlé tels que coupure des transmission radio et disjonction des réseaux électriques.

Protubérance solaires - René Paris

Une protubérance soalire

*Vitesse d'évasion ou de libération d'un astre : Lorsqu'un corps, quelle que soit sa masse, particule ou milliards de tonnes, atteint cette vitesse, il ne retombe pas sur l'astre. S'il n'est soumis à aucune force antagoniste il se propage indéfiniment sans modification de sa trajectoire. Contrairement à ce qu'une fausse intuition peut faire croire, la direction de cette vitesse n'a aucune importance (autre qu'à percuter la surface de l'astre), tangente à l'astre ou verticale, cela ne change rien. Cette vitesse est caractéristique de la valeur de la gravité au point considéré. Elle est de 2,4 km/s pour la Lune, 11,2 km/s pour la Terre, 59,5 km/s pour Jupiter et 617,5 km/s pour le Soleil - Ceci bien sûr en dehors des atmosphères éventuelles qui pourraient interdire d'atteindre de telles vitesses.

OBSERVATION DE LA COURONNE

La couronne fait suite à la chromosphère. Elle se compose d'un gaz dont les constituants sont des atomes ionisés c'est à dire ayant perdu un ou plusieurs électrons. De tels atomes dépouillés ne peuvent exister que dans un milieu où la température est énorme et la pression assez faible pour que les ions ne retrouvent pas aussitôt les électrons qu'ils ont perdus. Ainsi on constate que la couronne interne a une température de l'ordre de 70 000 degrés et qu'elle va jusqu'à 5 millions de degrés en s'éloignant de la chromosphère. Parallèlement la pression va en diminuant et l'on peut tabler sur une pression moyenne qui n'est que de un dix-milliardième de la pression de la photosphère. Bien que la température s'élève paradoxalement quand on s'éloigne du Soleil, la physique reste sauve pour la même raison que celle déjà vue avec la chromosphère.

Comme la chromosphère, la couronne s'observe lors des éclipses totales. On constate que plus on allonge la pose photo pour l'immortaliser, plus la couronne s'étend jusqu'au point où le fond du ciel devient aussi brillant qu'elle, montrant qu'il n'y a pas une limite bien nette de la couronne.

La couronne lors de l'éclipse du 11 juillet 2010

Couronne solaire - René Paris

Cette « atmosphère » solaire s'étend très loin de l'astre et l'on peut dire que la Terre elle-même y baigne littéralement.

LE CORONOGRAPHE DE BERNARD LYOT

Bien que cela sorte un peu du sujet, je voudrais dire un mots sur cet instrument qui permet l'observation de la chromosphère et de la couronne en dehors des éclipses totales du Soleil car c'est un bon exemple de ce que l'on peut obtenir par la persévérance et la pugnacité.

La chromosphère et encore plus la couronne, sont d'une brillance infiniment plus faible que la photosphère (de l'ordre de un millionième) et les nombreux essais pour les voir et les photographier en dehors des éclipses s'étaient toujours soldés par des échecs et le sentiment général était que cet exploit était impossible.

Impossible jusqu'à ce qu'un jeune astronome doublé d'un talentueux opticien, Bernard Lyot, de l'observatoire de Meudon, s'attelle à la tache. La moindre diffraction ou réflexion de la lumière produit une illumination résiduelle suffisante pour masquer la faible lumière de la couronne. B. Lyot s'attacha à produire un poli parfait de ses lentilles et à faire la chasse aux réflexions multiples et à la moindre diffusion.

Coronographe de Bernard Lyot

Coronographe de Lyot - René Paris

Principe du coronographe : L'objectif A est une lentille simple pour éviter les réflexions qui se produiraient sur les surfaces d'un objectif à plusieurs lentilles. Elle est parfaitement polie et donne une image du Soleil en B où un disque opaque masque exactement la photosphère éblouissante du Soleil, réalisant ainsi une éclipse artificielle. La surface du disque est profilée de façon à ce que les réflexions ne viennent pas éclairer ni l'objectif ni la partie arrière de l'appareil. La lentille de champ C donne une image de l'objectif A sur le diaphragme D qui, avec la pastille située en son centre, arrête la lumière parasite. En E, un appareil photo ou un oculaire permet d'étudier la couronne.

Étude stéréoscopique d'un objectif astronomique.

Coronographe de Lyot - René Paris

On voit sur cette étude d'un objectif, des lumières diffusées par les défauts tels que rayures et bulles ainsi que le halo diffracté par le bord de l'objectif. Les défauts sur le verre sont à l'échelle du nanomètre soit le millième de micron.

L'ensemble de l'instrument doit être réalisé avec une très grande précision et doit être utilisé sous un ciel très pur en haute montagne pour s'affranchir de la réfraction atmosphérique. Bernard Lyot a montré contre l'avis de tous que c'était possible, il a ouvert la voie et des amateurs ont réussi ensuite avec succès à réaliser leur propre coronographe.

À noter que les progrès de l'industrie permettent de fabriquer des filtres interférentiels centrés avec un bande passante très étroite sur différentes longueurs d'onde de la lumière émise par le Soleil. On peut citer les filtres centrés sur la raie d'émission H-alpha de l'hydrogène avec une bande passante inférieure à un nanomètre, ou les filtres centrés sur la raie du calcium à 393,38 nm avec une bande passante inférieure à 0,5 nm, ou encore les filtres centrés sur la raie D du sodium à 589,5 nm ou sur la raie D3 de l'hélium. Étant donné l'extrême étroitesse de la bande passante de ces filtres, l'énergie qu'ils laissent passer est une très petite fraction de l'énergie totale reçue du Soleil et de ce fait ils permettent l'observation en « direct » du Soleil. La contrepartie est qu'ils sont horriblement chers dès que l'on dépasse un diamètre de quelques cm.

Enfin signalons l'observation du Soleil avec les radiotélescopes.

Le Soleil émet, en dehors des domaines des rayons X, ultra-violets, visibles et infrarouges, également dans le domaine des ondes radio sur diverses longueurs d'onde allant de quelques millimètres à une dizaine de mètres.

Les progrès considérables obtenus dans la sensibilité et la résolution spatiale des radiotélescopes ont abouti à la découverte de phénomènes qui permettent de mieux comprendre le fonctionnement de notre étoile.

Ce pourrait être le sujet d'un autre développement...

René Paris - Promotion 50-53 + Radio