LALANDE (Joseph-Jérôme LE FRANÇAIS DE), astronome français, né à Bourg-en-Bresse le juillet 1732, mort à Paris le 4 avril 1807. Les jésuites, à qui fut confiée son éducation, relevèrent dans les pratiques les plus minutieuses de la dévotion. À l'âge de dix ans, Lalande composait des romans mystiques et des sermons qu'on lui permettait de débiter en chaire. Son père le plaça ensuite au collège de Lyon, où, pendant sa rhétorique, il montra le désir de se consacrer au barreau. La grande éclipse de soleil de 1748 le détermina pour l'astronomie. Ses parents l'ayant envoyé à Paris pour y faire son droit, il obtint de Delisle la permission de prendre part à ses observations ; il suivit en même temps le cours que professait cet astronome au Collège de France, et devint bientôt après, sans toutefois abandonner son premier maître, l'élève de Lemonnier, qui lui fit obtenir, à vingt ans, une mission assez délicate.
Lacaille, en partant pour le Cap, avait publiquement invité tous les astronomes de l'Europe à concourir au succès de son expédition par des observations qui seraient confrontées avec celles qu'il allait faire lui-même. Lemonnier se fit donner la mission d'aller observer à Berlin ; puis, quand tout fut prêt pour son départ, il se fit remplacer par Lalande, que Frédéric accueillit avec bonté, tout en montrant un grand étonnement de voir un si jeune homme chargé d'observations qu'on disait si importantes. Lalande, bientôt reçu membre de l'Académie de Berlin, travaillait utilement avec Euler, et réformait ses idées dans la conversation de Maupertuis, d'Argens, de Lamettrie et des autres philosophes réunis à la cour du roi de Prusse. Il publia, dès 1752, une notice sous ce titre : Domini de Lalande, astronomi regii, de observationibus suis berolinensibus, ad parallexin lunæ definiendam. L'Académie des sciences récompensa ce travail en le nommant, à vingt et un ans, à une place d'astronome vacante depuis plusieurs années.
Lalande estimait beaucoup Lacaille et fit tous ses efforts pour se faire associer par ce grand homme à ses travaux. Lemonnier, qui détestait Lacaille, vit avec le plus grand dépit la direction que tendait à prendre Lalande ; il l'attaqua sans réflexion, Lalande répondit sans ménagement, et Lemonnier rompit entièrement avec son ancien élève. Lalande ne put jamais rentrer en grâce ; il disait que son maître lui avait gardé rancune « pendant une révolution entière des nœuds de la lune. »
Il commença, vers 1753, à travailler à la théorie des planètes, dont il s'est occupé ensuite tout le reste de sa vie. Il fit construire à cette époque un héliomètre de 18 pieds pour la détermination des diamètres apparents, dont il rectifia, pour plusieurs, notamment pour ceux de la lune et du soleil, les valeurs acceptées avant lui. Il donna, en 1759, une nouvelle édition améliorée des tables de Halley pour les planètes et les comètes, augmentée des tables des satellites de Jupiter par Wargentin, du catalogue de Lacaille et de l'histoire de la fameuse comète de Halley. Il n'avait pas encore réuni les éléments nécessaires pour donner des tables entièrement neuves.
Il fut, en 1760, chargé de la rédaction de la Connaissance des temps, et y fit entrer, pour la première fois, en 1760, de nombreuses notices biographiques. Cet usage s'est conservé depuis. La méthode de Lacaille, pour la détermination des longitudes par l'observation des distances de la lune au soleil et aux étoiles, venait d'être adoptée en Angleterre à la recommandation de Maskelyne ; Lalande disposa la publication dont il était chargé, et qui, comme on sait, est principalement faite pour nos marins, de manière à rendre facile l'application de cette méthode.
Delisle, presque octogénaire, lui abandonna, en 1762, sa chaire, de professeur d'astronomie au Collège de France ; Lalande l'a occupée avec éclat jusqu'à ses derniers jours. Il y a formé un grand nombre de disciples, parmi lesquels on distingue Henry, Barry, Piazzi, d'Agelet, Le Français de Lalande, son neveu, enfin Méchain. Il attirait chez lui, pour les former aux observations et aux calculs, ceux de ses jeunes auditeurs qu'il voyait les plus attentifs, et allait même jusqu'à les prendre en pension, pour trouver le moyen de les aider en réduisant leurs dépenses.
La première édition de son grand Traité d'astronomie est de 1764. C'était, sous tous les rapports, l'ouvrage le plus complet qu'on eût encore publié sur cette science. Lalande était, en 1769, à la tête des astronomes français, et se trouva naturellement investi, pour le passage de Vénus de cette année, des mêmes fonctions centralisatrices dont Lacaille avait été chargé pour le passage de 1761. Mais son autorité, beaucoup moins grande, ne fut pas aussi généralement acceptée. Les expéditions dirigées par Hell en Finlande, Green et l'amiral Cook à Tahiti, et qui produisirent les meilleurs résultats, avaient été disposées en secret. Lalande publia, en 1772 les résultats des calculs qu'on lui avait transmis, et, par précaution, essaya de jeter des doutes sur les observations qui n'avaient pas été adressées à Paris. Tout cela ne profita pas à la gloire de l'astronomie française. La parallaxe du soleil fut alors fixée à peu près à 8",6. Lalande et Hell trouvèrent bientôt d'autres motifs de se quereller ; mais, à la mort de Hell, Lalande s'empressa de revenir sur les jugements précipités qu'il avait portés.
Une autre affaire singulière lui tomba sur les bras, à la même époque (1773) : il avait préparé, pour une lecture publique à l'Académie, un mémoire sur les comètes qu'une circonstance indifférente l'empêcha de communiquer. Le public, on ne sait pourquoi, se figura que Lalande avait dû prédire la destruction de notre planète. L'émotion fut telle, que le lieutenant de police voulut avoir communication du mémoire. N'y ayant trouvé rien d'alarmant, il en ordonna la publication ; mais le public resta persuadé qu'on avait obligé Lalande à changer le texte de son manuscrit.
La même année 1773, sa légèreté et sa manie de la discussion lui suscitèrent une querelle avec Cassini de Thury, qui n'était pas à sa hauteur comme astronome, mais qu'il attaqua avec une véhémence injustifiable. Son pamphlet avait été reçu avec une telle défaveur par l'Académie, que Lalande fut presque sur le point de s'expatrier. Voici une autre aventure du même genre : Bernardin de Saint-Pierre s'était imaginé innocemment que la terre est allongée dans le sens des pôles, et que le flux et le reflux de la mer sont dus à la fonte des glaces ; Lalande se moqua trop malicieusement de cette idée bizarre, et Bernardin de Saint-Pierre l'attaqua à outrance dans la préface de sa Chaumière indienne. Ce fut Delambre qui apaisa cette nouvelle querelle.
Un passage de Mercure devait avoir lieu le 3 mai 1786. Lalande eut l'imprudence de l'annoncer la veille, dans le Journal de Paris, précisant jusqu'à la seconde l'heure de la fin du phénomène. Les tables étaient loin encore d'être assez parfaites pour qu'il fût possible de donner une approximation comparable à celle à laquelle prétendait Lalande ; il se trompa de 40 minutes, et en fut d'autant plus honteux que Mercure était justement celle des planètes qui l'avait le plus occupé. Cette erreur n'enlève rien à son mérite, elle montre seulement que le progrès est lent. Deux siècles auparavant, Hêvélius avait attendu quatre jours un passage analogue ; de quatre jours à 40 minutes, la différence est déjà grande.
L'un des derniers ouvrages auxquels Lalande donna ses soins est le complément de la seconde édition de l'histoire des mathématiques, de Montucla, qu'il fit paraître en 1802, après la mort de l'auteur, d'après les manuscrits qu'il avait laissés, mais avec des additions de divers savants et de lui-même.
Outre ses nombreux ouvrages, Lalande avait inséré plus de 150 mémoires dans le recueil de l'Académie. Il avait donné des articles intéressants au supplément de l'Encyclopédie, et avait refondu, en 1789, pour l'Encyclopédie méthodique, tous les articles d'astronomie de la même collection.
« Lalande, dit Delambre, n'a point renouvelé la science astronomique dans_ses fondements, comme Copernic et Kepler ; il ne s'est point immortalisé, comme Bradley, par deux découvertes brillantes ; il n'a point été un théoricien aussi savant et aussi précis que Mayer ; il n'a point été, au même degré que Lacaille, un observateur et un calculateur exact, adroit, industrieux, scrupuleux et infatigable ; il n'a point eu, comme Wargentin, la constance de s'attacher à un objet unique, pour être seul dans un rang à part ; mais, s'il n'est à tous ces égards qu'un astronome de second ordre, il a été le premier de tous comme professeur : plus qu'un autre, il a su répandre l'instruction et le goût de la science. Il voulut être utile et célèbre, et il sut y réussir par ses travaux, par son activité, par son crédit et ses sollicitations ; enfin, en entrenant une correspondance très-étendue avec les savants. Il chercha sans cesse à faire le bien de l'astronomie, et voulut la servir même après sa mort, par la fondation d'une médaille que l'Académie des sciences décerne chaque année à l'auteur de l'observation la plus intéressante, ou du mémoire le plus utile aux progrès de l'astronomie. »
Il aimait, d'ailleurs, à faire parler de lui, n'importe comment, et il disait lui-même :
« Je suis toile cirée pour les injures, et éponge pour les louanges. » Il poussait l'amour du bruit et de la popularité jusqu'à s'installer, la nuit, sur le Pont-Neuf, avec un télescope, pour montrer les étoiles aux passants ; jusqu'à faire annoncer dans les journaux qu'il allait se rendre en ballon à Gotha, où l'attendait un congrès de savants. Son conducteur, payé, dit-on, pour lui jouer ce tour, le descendit au bois de Boulogne. Du reste, malgré ces travers, Lalande était un excellent homme, qui aimait et servait ses amis.
Quoique d'une complexion assez faible, Lalande jouit d'une assez bonne santé. Un travail forcé lui avait causé, en 1767, une jaunisse et un dépérissement qui faisaient craindre une dissolution prochaine. L'exercice du cheval, la diète, l'eau, les longues courses, qui composaient toute son hygiène, lui rendirent la santé. Malheureusement, il poussa trop loin son système : attaqué depuis trois ans d'une phtisie pulmonaire, il n'en sortait pas moins tous les jours seul par tous les temps, ce qui a dû hâter sa fin. Il conserva jusqu'à sa mort le même sang-froid, la même netteté dans les idées et toute sa présence d'esprit.
La longue carrière de Lalande n'a guère eu pour les progrès de l'astronomie d'autre résultat qu'une plus grande exactitude dans les évaluations numériques des diamètres apparents, des parallaxes, de la diminution de l'obliquité, de la variation séculaire des orbites des planètes. Voici la nomenclature des principaux ouvrages de Lalande : Mémoires sur la parallaxe de la lune et sur sa distance de la terre (1752-1787) ; Mémoires sur les équations séculaires (1757) ; Traité d'astronomie (Paris, 1764, 2 vol. in-4°) ; cinq Mémoires sur la théorie de Mercure (1766--1786) ; Mémoires sur les taches du soleil et sur sa rotation (1776) ; Mémoire sur la planète d'Erschel (1779-1787) ; Mémoire sur la durée de l'année solaire (1782) ; Astronomie des dames (Paris, 1785-1806, in-8°) ; Observation de huit mille étoiles boréales (1789-1790) ; Bibliographie astronomique (Paris, 1803, in-4°). Outre ces travaux d'astronomie pure, Lalande a abordé plus ou moins heureusement une foule de sujets variés. Nous citerons : De la description de neuf arts différents (1761--1767) ; Voyage d'un Français en Italie (Venise et Paris, 1769, vol. in-12) ; Traité des canaux de navigation (Paris, 1778, in-fol.) ; Discours sur la douceur (Bourg en Bresse, 1780, in-8°) ; Abrégé de navigation (Paris, 1793, in-4°), etc., etc. Lalande a collaboré à un grand nombre de publications : Histoire de l'Académie des sciences, Connaissance des temps, Journal des savants, Acta eruditorum de Leipzig, etc., etc.
Grand Dictionnaire Universel du XIXe Siècle - Pierre Athanase Larousse