D'abord, mot picard (1180) estel « pieu, poteau » du francique stalo, stallo, dans des textes du XIIIe siècle. Ce mot, qui signifie aussi baliveau, est le même que l'ancien français estaillon, qui signifiait un pieu d'un chariot, et tient à l'ancien haut allemand stihil, pieu : un bâton ayant été pris pour étalon des mesures de longueur.
L'importance de l'uniformité des mesures qui, seule, peut maintenir la sécurité dans les rapports commerciaux, a déterminé la plupart des gouvernements à prendre les précautions nécessaires pour préserver la bonne foi des embûches de la cupidité. Dans presque tous les pays, des officiers ont été chargés de vérifier si les poids et mesures employés par les commerçants étaient conformes aux lois. Pour rendre cette vérification possible, des étalons ont été construits. On choisit pour les façonner toute matière qui, comme le platine, par exemple, est le moins possible sujette à altération. Chez les anciens, les étalons étaient considérés comme sacrés, et, en conséquence, on les déposait dans les lieux saints.
Dans les premiers temps de la monarchie française, on les gardait dans le palais des rois, et, Charles le Chauve, par un règlement de 864, décréta que tous les pays soumis à sa domination devraient ramener leurs poids et mesures aux types dont lui, roi, avait la garde.
Louis VII se déchargea sur le prévôt des marchands du soin de garder les étalons ; puis vinrent les jurés mesureurs, à la disposition desquels une salle de l'Hôtel de ville était mise. En 1860, en France, les principaux étalons, mètre, kilogramme, litre, sont, ainsi que les étalons divisionnaires, déposés à l'hôtel des Archives.
Poids fort juste, sur lequel on ajuste tous les autres de mesme qualité, aprés quoy on les marque d'une fleur de lis. Il y a pour cet effet des Etalons de chaque sorte de poids dans les Chambres des Monnoyes du Royaume ; mais les originaux de tous ces Etalons sont déposez dans le Cabinet de la Cour, où l'on a toûjours gardé sous trois clefs le poids de marc original. Le Premier President a l'une de ces clefs, le Conseiller commis à l'instruction & au jugement des Monnoyes a l'autre, & le Greffier en Chef la troisiéme. En 1529. l'Empereur Charles-Quint envoya le general de ses monnoyes à la Chambre des Monnoyes de Paris, pour faire étalonner un poids de deux marcs, dont on se servoit aux monnoyes de ses Pays, ce qui fut fait suivant les ordres de François I. Ce poids de marc qu'on trouve trop fort de vingt-quatre grains par marc, fut reduit au mesme pied, que l'étalon ou poids original sur lequel l'Empereur l'avoit fait étalonner. C'est sur ce mesme étalon & poids original, qu'on oblige les Gardes des Apothicaires & Epiciers de Paris, de faire étalonner les poids dont ils se servent dans leurs Visites ordinaires.
Etalon, se dit aussi, en termes d'Eaux & Forests, des arbustes qu'on laisse pousser & monter en haut. Borel n'est point du sentiment de ceux qui dans ce sens font venir ce mot de Stolida, c'est-à-dire, Inutilis arbor. Il dit qu'il le tireroit plustost de Stare & de Longus, puisque ce sont des arbres qu'on laisse debout, afin qu'ils deviennent longs & hauts.
Étalon Mesure de cuivre qu'on garde à l'hotel de vile de Paris & sur laquelle on régle toutes les mesures dont on se sert pour la distribution des liqueurs, & qui doivent être marquées aux armes du Roi & de la ville. Ordonnances de Paris, l. 9.
Signifie aussi la mesure publique & certaine qu'on garde au Greffe de la Haute-Justice, ou au Bureau de la ville, sur laquelle toutes les autres sont réglées ; ce qui se dit tant des poids que des vaisseaux, & des mesures de longueurs, comme livres, marcs, boisseaux, pintes, aunes, minots, &c. Modulus, modus, exemplar, archetypum. Et en ce sens on ne dit qu'étalon, & point du tout etlon, ni ételon. Les Romains & les Juifs gardoient dans leurs temples l'étalon des mesures & des poids. Le Roi Henri II. en 1557. ordonna que les étalons des gros poids & mesures seroient gardés dans l'Hôtel de ville de Paris. Ils étoient anciennement gardés dans des lieux publics & dans les Monastères ; & par l'Ordonnance de 1540. il est dit que l'étalon du poids de l'or & de l'argent, lequel étoit anciennement gardé dans le Palais du Roi, sera gardé à la Cour des Monnoies. Ainsi la Cour des Monnoies prétend qu'elle a seule le droit de faire étalonner ces poids, parce qu'elle en a seule l'étalon général, le principal & l'archétype.
Etalon, en ce sens, si l'on en croit Ménage, est un composé de ces deux mots Latins Est talis, pour faire entendre, dit-il, que la mesure qui a passé par cette épreuve est telle qu'elle doit être selon les Loix du Royaume, ou qu'elle est telle que la mesure originale.
Les Charpentiers appellent aussi étalon, ou ételon, des ais qui posent à terre pour y tracer la maîtresse ferme d'un bâtiment. C'est aussi une cheville qui lie deux bois enchâssés dans des mortoises. Fibula lignaria. Pomey.
En termes d'Eaux & Forêts, on appelle aussi étalon, un chêne ou autre arbre de l'âge du bois, qu'on a reservé à la dernière coupe, qu'on appelle autrement lais, ou baliveau, quercus reses.
Ce mot en ce sens vient de siare, & de longus, c'est-à-dire, des arbres qu'on laisse debout, afin qu'ils deviennent longs & hauts.
On nomme aussi de la sorte dans la Communauté des Maîtres Cartiers, faiseurs de cartes à jouer, Feuilletiers-Tarotiers, les moules &modéles déposés à la Chambre du Procureur du Roi au Châtelet de Paris, sur lesquels ils doivent se régler pour la fabrique des cartes à jouer.
(Jurisprud. &Comm.) signifie le prototype ou l'exemple des poids & des mesures dont tout le monde se sert dans un lieu pour la livraison des denrées & marchandises qui se livrent par poids ou par mesure.
Comme on a senti de tout tems la nécessité de regler les poids & les mesures, afin que chacun en eût d'uniformes dans un même lieu, on a aussi bientôt reconnu la nécessité d'avoir des étalons ou prototypes, soit pour régler les poids & mesures que l'on fabrique de nouveau, soit pour confronter & vérifier ceux qui sont déjà fabriqués, pour voir s'ils ne sont point altérés, soit par l'effet du tems, ou par un esprit de fraude, & si l'on ne vend point à faux poids ou à fausse mesure.
Les Hébreux nommoient cette mesure originale, ou matrice, scahac, quasi portam mensurarum aridorum, la porte par laquelle toutes les autres mesures des arides devoient passer pour être jugées. Ils marquoient ensuite d'une lettre ou de quelqu'autre caractere, les mesures qui avoient passé par cet examen, & cette marque étoit appellée mensura judicis. Il y avoit aussi des étalons pour la mesure des liquides & pour les poids.
Les Grecs nommoient l'étalon des mesures , c'est-à-dire le prototype des mesures.
Les Romains le nommoient simplement mensura, par excellence, comme étant la mesure à laquelle toutes les autres devoient être conformes.
M. Menage croit que le terme étalon vient du latin est talis, & que l'on a aussi appellé la mesure originale, pour dire que cette mesure qui est exposée dans un lieu public, est telle qu'elle doit être, ou plûtôt que les autres mesures doivent être telles & conformes à celle-ci : mais il est plus probable que ce terme vient du saxon stalone, qui signifie mesure.
On disoit autrefois estellons ou estelons, pour étalons, comme on le voit dans les coûtumes de Tours, art. 41 ; Lodunois, chap. ij. art 3 & 4. & Bretagne, art. 698, 799, & 700.
Les étalons des poids & mesures ont toujours été gardés avec grande attention. Les Hébreux les déposoient dans le temple, d'où viennent ces termes si fréquens dans les livres saints : le poids du sanctuaire, la mesure du sanctuaire.
Les Athéniens établirent une compagnie de quinze officiers appellés , mensurarum curatores, qui avoient la garde des étalons : c'étoient eux aussi qui régloient les poids & mesures.
Du tems du paganisme, les Romains les gardoient dans le temple de Jupiter au capitole, comme une chose sacrée & inviolable ; c'est pourquoi la mesure originale étoit surnommée capitolina.
Les empereurs chrétiens ordonnerent que les étalons des poids & mesures seroient gardés par les gouverneurs ou premiers magistrats des provinces. Honorius chargea le préfet du prétoire de l'étalon des mesures, & confia celui des poids au magistrat appellé comes sacrarum largitionum, qui étoit alors ce qu'est aujourd'hui chez nous le contrôleur-général des finances.
Justinien rétablit l'usage de conserver les étalons dans les lieux saints ; il ordonna que l'on vérifieroit tous les poids & toutes les mesures, & que les étalons en seroient gardés dans la principale église de Constantinople ; il en envoya de semblables à Rome, & les adressa au sénat comme un dépôt digne de son attention. La novelle 118 dit aussi que l'on en gardoit dans chaque église ; il y avoit des boisseaux d'airain ou de pierre, & autres mesures différentes.
En France, les étalons des poids & mesures étoient autrefois gardés dans le palais de nos rois. Charles-le-Chauve renouvella en 864 le réglement pour les étalons ; il ordonna que toutes les villes & autres lieux de sa domination, rendroient leurs poids & mesures conformes aux étalons royaux qui étoient dans son palais, & enjoignit aux comtes & autres magistrats des provinces d'y tenir la main : ce qui fait juger qu'ils étoient aussi dépositaires d'étalons, conformes aux étalons originaux, que l'on conservoit dans le palais du roi. On en conservoit aussi dans quelques monasteres & autres lieux publics.
Le traité fait en 1222 entre Philippe-Auguste & l'évêque de Paris, fait mention des mesures de vin & blé comme un droit royal que le prince se reserve, & dont le prévôt de Paris avoit la garde. Le roi céda seulement à l'évêque les droits utiles qui se levoient dans les marchés, pour en joüir de trois semaines l'une, & ordonna au prévôt de paris de faire livrer les mesures aux officiers de l'évêque : mais cela concerne plûtôt le droit de mesurage, que la garde des étalons.
Sous le regne de Louis VII. la garde des mesures de Paris fut confiée au prévôt des marchands. Les statuts donnés par S. Louis au jurés-mesureurs font mention, qu'aucun mesureur ne pourroit se servir d'aucune mesure à grain qu'elle ne fût signée, c'est-à-dire marquée du seing du roi ; qu'autrement il seroit en la merci du prevôt de Paris : que si sa mesure n'étoit pas signée, il devoit la porter au parloir aux bourgeois pour y être justifiée & signée.
Les auteurs du Gallia Christiana, tome VII. col. 253. rapportent qu'avant l'an 1684, tems auquel la chapelle S. Leufroy fut démolie pour aggrandir les prisons du grand châtelet, on y voyoit une pierre qui étoit taillée en forme de mitre, qui étoit le modele des mesures & des poids de Paris, & que de-là étoit venu l'usage de renvoyer à la mitre de la chapelle de S. Leufroy, quand il survenoit des contestations sur les poids & les mesures. M. l'abbé Lebœuf, dans sa description du diocese de Paris, tome I. pense que cette pierre, qui par sa forme devoit être antique, avoit apparemment été apportée du premier parloir aux bourgeois, qui étoit contigu à cette église de Saint Leufroy ; il observe que ce parloir & un autre (situé ailleurs) ont été le berceau de l'hôtel-de-ville de Paris (où l'on a depuis transféré les étalons des poids & mesures). Il y a encore en quelques villes de provinces des étalons de pierre, pour la vérification des mesures.
Le roi Henri II. ordonna en 1557, que les étalons des gros poids & mesures seroient gardés dans l'hôtel-de-ville de paris.
Lorsqu'on établit en titre à Paris des jurés-mesureurs pour le sel, qui faisoit alors l'objet le plus important du commerce par eau dans cette ville, on leur donna la garde des étalons de toutes les mesures des arides : c'est pour la garde de ce dépôt qu'ils ont une chambre dans l'hôtel-de-ville.
Les Apoticaires & Epiciers de Paris ont conjointement la garde de l'étalon des poids de la ville, tant royal que medicinal ; ils ont même, par leurs statuts, le droit d'aller deux ou trois fois l'année, assistés d'un juré-balancier, visiter les poids & balances de tous les marchands & artisans de Paris ; c'est de-là qu'ils prennent pour devise lances & pondera servant.
Il faut neanmoins excepter les orfevres, qui ne sont sujets à cet égard qu'à la visite des officiers de la cour des monnoies, attendu que l'étalon du poids de l'or & de l'argent qui étoit anciennement gardé dans le palais du roi, est gardé à la cour des monnoies depuis l'ordonnance de 1540.
Les Merciers prétendent aussi n'y être pas sujets.
Pour ce qui est des provinces, la plus grande partie de nos coûtumes donnent aux seigneurs hauts-justiciers, & même aux moyens, le droit de garder les étalons des poids & mesures, & d'en étalonner tous les poids & mesures dont on se sert dans les justices de leur ressort.
Les coûtumes de Tours & de Poitou veulent que le seigneur qui a droit de mesure en dépose l'étalon dans l'hôtel de la ville la plus proche, si elle a droit de mairie ou de communauté, sinon au siége royal supérieur d'où sa justice releve.
Dans l'hôtel-de-ville de Copenhague il y a à la porte deux mesures attachées avec de petites chaînes de fer ; l'une est l'aulne du pays, qui ne fait que demi-aulne de Paris ; l'autre est la mesure que doit avoir un homme pour n'être pas convaincu d'impuissance. Cette mesure fut exposée en public sur les plaintes faites par une marchande, que son mari étoit incapable de génération. Voyage de l'Eur. t. VIII. p. 301.
Les étalons sont ordinairement d'airain, afin que la mesure soit moins sujette à s'altérer. Lorsqu'on en fait l'essai, pour voir s'ils sont justes, c'est avec du grain de millet qui est jetté dans une tremie, afin que le vase se remplisse toûjours également. Voyez Loiseau, des seigneuries, ch. jx. n. 20. & suiv. le traité de la police, tom. II. liv. V. chap. iij. le gloss. de Lauriere, au mot Etalon. (A)
En termes d'Eaux & Forêts, signifie un baliveau de l'âge que le bois avoit lors de la derniere coupe. L'ordonnance des eaux & forêts, tit. xxxij. art. 4 fixe à cinquante livres l'amende encourue, pour avoir coupé un étalon. Voyez la coûtume de Boulenois, art. 32. (A)
MÀJ : 2 décembre 2024
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