Bien que ne faisant pas partie du Rapport sur le Premier Salon de l'Aéronautique, j'ai souhaité faire figurer ce qu'en rapportait d'autres revues comme l'Aérophile, la Revue Aérienne ou l'Aéronaute, d'autant plus qu'il y figure le « portrait » de Gustave Rives, initiateur de ce Premier Salon de l'Aéronautique.
La deuxième série du Salon de l'Automobile (du 24 au 30 décembre 1908) devait être l'apothéose des « Poids Lourds » et de l'Automobilisme au ras du sol ; elle est devenue le premier Salon de l'Aéronautique. Dans la grande manifestation industrielle et sportive des années précédentes l'aérolocomotion avait été traitée en quantité négligeable, disons le mot, et en déshéritée.
Après les merveilleux progrès de 1908, cette situation fâcheuse ne pouvait durer. - Le commissaire général de l'Exposition de l'Automobile, avec sa claire intelligence et sa vue nette des faits, le comprit. En quelques semaines, il décidait, créait et mettait au point le premier Salon de l'Aéronautique. Grâce à sa longue expérience et à ses dons merveilleux d'organisateur, M. Rives a réussi du premier coup une exposition aéronautique admirablement présentée qui donnera au public une vue nette, exacte et complété en son raccourci, de ce qui parut hier une chimère et qui constitue aujourd'hui un des plus grands événements de l'histoire du monde.
Une première et hâtive promenade au Grand-Palais, dans le tohu-bohu et le coup de feu de l'ouverture ne nous permet point l'étude complète et détaillée que nous devons à nos lecteurs. Pour ne point retarder la parution de ce numéro, nous nous bornerons donc à un coup d'œil d'ensemble, nous réservant de signaler ultérieurement les efforts et les progrès considérables attestés par ce premier Salon de l'Aéronautique.
À côté de l'avion, glorieux ancêtre français des appareils volants modernes, effort scientifique admirable et merveille d'exécution, figurent les engins actuels les plus intéressants, ceux d'hier et ceux de demain, les organes détachés les plus perfectionnés, les matériaux nouveaux dont la création s'est imposée, les salons des Sociétés comme l'Aéro-Club de France qui ont provoqué et hâté l'éclosion des prodiges actuels, etc.
Dans l'ordre alphabétique, notre description devrait commencer par l'exposition de la Société Antoinette dont le stand élégant est a gauche, près de la galerie. Nos lecteurs y retrouveront, avec le superbe monoplan dont ils ont vu plus haut la description détaillée, le nouveau groupe moto-propulseur Antoinette qui réussit à marquer encore une amélioration sur le fameux modèle qui permit et soutint l'essor de l'aviation française.
Il est inutile de répéter ici la description complète que nous en donnons dans ce même numéro.
Alphabétiquement tout au moins, la Société Astra viendrait ensuite.
Dès l'entrée, l'attention du visiteur se trouve attirée par le nouveau dirigeable Ville-de-Bordeaux exposé par la Société Astra, suspendu dans la travée médiane de la grande nef. Cette superbe carène de 52 m. de long et 15 m. de diamètre maximum, en tissu Continental, comme presque tous les dirigeables modernes, rappelle absolument, par sa forme, l'enveloppe un peu plus grande du Clément-Bayard, des mêmes constructeurs bien connus de nos lecteurs (voir Aérophile de 1908. passim, description, photos et croquis cotés). La nacelle, en tubes d'acier, exécutée par les établissements REP sur les plans de la société Astra, renferme le nouveau groupe-moteur de 90 chx Renault frères dont nous publions la photographie et qui constitue une merveille de mécanique.
Dans la nef et également de la Société Astra, se faisant pendant, un aérostat de sport et tourisme de 1.200 m3, en coton verni, et un aérostat de même volume, en tissu caoutchouté double Continental, de la nouvelle série de l'Astra.
Photo Bol
Le moteur Henault (90 HP) du dirigeable Ville-de-Bordeaux, exposé au Salon de l Aéronautique
Au stand de la même société, une nacelle de grand tourisme pour 2.270 m3, capitonnée et très confortable, construite pour M. A. Clément ; des photos des diverses ses constructions Astra, de l'aérodrome Astra, à Beauval, le plus récent et le plus perfectionné, et dans la section d'aviation, l'aéroplane Astra, muni d'un moteur REP, et l'aéroplane Wright dont la Société s'est assurée la concession en France. On a ainsi une idée complète des perfectionnements apportés par la Société Astra aux divers appareils d'aérolocomolion, du fini de sa fabrication et des puissants moyens d'action dont elle dispose.
Nous décrirons ultérieurement comme ils le méritent les travaux des autres constructeurs et inventeurs. Ils sont tous là.
Dans le stand des Établissement REP où M. Robert-Esnault-Pelterie offre à l'admiration des connaisseurs son fameux monoplan REP et ses moteurs REP si scientifiques, si originaux et si parfaits.
Chez les frères Voisin, le glorieux appareil qu'ils fournirent à Henri Farman et qui fit d'eux les champions Glorieux de l'aviation française.
Louis Blériot recordman du monoplan, révèle au public près du grand escalier son biplan dont l'Aérophile avait donné les caractéristique
Un aéroplane Clément-Bayard, étudié et construit par Victor Talin, le savant doyen des aviateurs français, est juste sous l'escalier.
La Société française des dirigeables et son directeur, Maurice Mallet, exposent un remarquable modèle du dirigeable de La Vaulx et diverses autres belles pièces aéronautiques.
À gauche, en entrant, un beau biplan de Delagrange expose par la Compagnie d'Aviation, concessionnaire.
L'exposition des modèles de MM. Doutre et Brunzli, des pièces détachées extra-legères et extra-rigides en bois assemblés par les procédés spéciaux Espinosa, exposés par la Société de Construction d'appareils aériens, près de l'avion d'Ader.
M Louis Bréguet expose dans un stand luxueux, sous la rotonde d'Antin, un aéroplane des plus intéressants, résultant de la modification de son gyroplane.
La section des modèles, particulièrement nombreux et variés, est fort intéressante.
À signaler spécialement les beaux modèles d'hélice « intégrale » de Lucien Chauvière, le constructeur bien connu.
Enfin, la section rétrospective, très bien documentée, et dont l'avion d'Ader constitue la perle, sera d'un excellent enseignement pour les visiteurs.
L. LAGRANGE
Aéronaute ou aviateur ? À vrai dire, il nous serait difficile de classer Gustave Rives, dans l'une ou l'autre des deux rubriques, consacrées ici même aux personnalités du mouvement aéronautique contemporain. Sa carrière d'aéronaute pratiquant se réduit sans doute à peu de chose et il serait difficile d'enregistrer ses performances d'aviateur.
GUSTAVE RIVES
Nous pouvons toutefois esquiver la difficulté en rangeant, à juste titre, Gustave Rives parmi nos aérophiles les plus distingués.
Aérophile, il le fut lorsqu'il apportait dès la première heure l'Aéro-Club de France, qui lui lit tout de suite une place dans son Comité, l'appui de ses talents et de son influence. À vrai dire, dans les Expositions de l'Automobile dont il est resté l'incomparable organisateur, Gustave Rives n'osa faire longtemps qu'une place plutôt modeste à l'aéronautique.
L'automobilisme terrestre, seul, assurait le succès de son œuvre annuelle et un administrateur prudent devait lui réserver la part du lion. Mais il s'est rattrapé dès qu'il a pu ; le premier Salon aéronautique de fin décembre, mis sur pied par ses soins, en quelques jours, est là pour l'attester.
Les constructeurs et les inventeurs de l'aéronautique y ont trouvé la première occasion de révéler, enfin dans un cadre digne d'eux, leurs travaux et leurs efforts si longtemps méconnus et dont nous admirons aujourd'hui les résultats. C'est là une orientation nouvelle de l'activité de Gustave Rives. Il y rencontrera certainement le même succès qui a déjà sanctionné à bon droit une carrière aussi brillante que rapide.
Né le 16 septembre 1858, à Saint-Palais (Basses-Pyrénées), Gustave Rives, à force de travail, d'énergie et de talent, parvient à conquérir à Paris une haute situation d'architecte et orne Paris de plusieurs œuvres qui resteront.
Mais c'est surtout comme organisateur et administrateur de nos Expositions automobiles qu'il a su faire apprécier des dons exceptionnels et une puissance de travail une lucidité de méthode aussi estimée en haut lieu que goûtée du grand public.
Architecte en chef des bâtiments civils, membre du Conseil d'administration de l'Automobile-Club de France et du Comité de l'Aéro-Club de France, du Comité directeur du Comité français des Expositions à l'étranger, administrateur de grandes affaires industrielles où son concours est très recherché, Gustave Rives a vu venir à lui les plus hautes distinctions officielles, qu'une approbation générale a sanctionnées. Chevalier en 1899, il est aujourd'hui commandeur de la Légion d'honneur, officier de l'Instruction publique, du Mérite agricole et titulaire de nombreux ordres étrangers.
il n'a point modifié pour cela son accueil courtois et avenant, ni surtout consacré une minute de moins au dur labeur où il se plaît et où il paraît difficile à remplacer. Peut-être verrons-nous un jour le commissaire général de l'Exposition de l'Automobile chargé d'organiser une Exposition universelle. Ce ne sera pas la moins réussie.
M. DEGOUL
Encore qu'improvisé pour ainsi dire, et, par suite, un peu confus dans sa distribution et son arrangement, le premier Salon de l'Aéronautique a fait comprendre a bien des profanes que le temps était passé des brocards faciles et des plaisanteries cinquantenaires sur la locomotion aérienne.
A vrai dire, le grand public, le vrai, celui qui n'apporte pas d'idées préconçues, n'a pas ménagé son admiration, parfois naïvement exprimée ; il est venu en foule, il a assuré à cette grande manifestation un succès au moins égal à celui que connut l'automobilisme terrestre au temps où il accaparait seul l'attention des sportmen et des techniciens.
Cliché de La Pratique Automobile
Vue générale du Salon de l'Aéronautique
Nos lecteurs, toutefois, auront trouvé au Grand Palais peu de choses qui ne leur fussent déjà connues, du moins parmi les expositions intéressantes.
Le dirigeable Ville-de-Bordeaux qui frappait tout d'abord les yeux a déjà été décrit ici même et notamment dans notre dernier numéro. Avec les deux sphériques des mêmes constructeurs, la Société Astra, et la belle exposition des ateliers Mallet et de la Société française des dirigeables, il représentait l'élément aérostatique de l'exposition que complétait le lot remarquable de tissus caoutchoutés Continental, tissus où l'on tailla la carène de presque tous les dirigeables actuels, français ou étrangers, mais qui revêt aussi la membrure solide et délicate de nombreux aéroplanes.
Les appareils d'aviation constituaient la grande nouveauté et aussi la majeure partie de l'Exposition. Répartis dans la nef transversale, et sous l'hémicycle et la rotonde de l'avenue d'Antin, ils eurent les honneurs de la cohue sympathique et l'après-midi, il devenait impossible d'en approcher.
Que de vues originales, que d'aperçus inattendus échangés devant l'Avion, sous le Farman, autour des Blériot, du Wright, du Delagrange, du REP de l'Antoinette par des aviateurs soudainement révélés à eux-mêmes ! Il s'y débita pour le moins autant de sottises qu'au Salon de Peinture. C'est la rançon du succès.
Nous ne referons pas la description des appareils qui ont déjà volé : l'Avion sur lequel nous reviendrons d'ailleurs, le Wright, le Farman et le Delagrange, œuvre des frères Voisin, le REP dont nous donnons dans le présent numéro, une nouvelle et complète description, l'Antoinette (décrit en détails dans le numéro du 1er janvier 1909), le monoplan Santos-Dumont sont bien connus de nos lecteurs ; ils connaissent aussi le monoplan Blériot-IX, moteur Antoinette de 60 chx (Aérophile de 1908 passim) et le biplan Blériot, moteur Antoinette 50 chx (Voir Aérophile du 15 novembre 1908). Mais Blériot nous réservait une surprise avec un nouveau monoplan que nous décrirons ultérieurement. Disons toutefois que ce nouvel engin, très admiré, ne mesure que 12 m² de surface portante. Actionné par un moteur REP de 30 chx, il atteindra 80 kilomètres à l'heure.
MM. de Pischoff et Kœchlm exposent l'intéressant appareil dont nous avons relaté les premières envolées et aussi un aéroplane dû à M. Lefeunel et construit dans leurs ateliers. C'est un biplan de 6 m. 50 d'envergure, à surfaces légèrement concaves en dessous. A l'avant, gouvernail biplan de profondeur ; à l'arrière, cellule stabilisatrice dans l'intérieur de laquelle se déplace le gouvernail de direction. Moteur Buchet de 10 chx actionnant, par chaîne, 2 hélices tournant en sens inverse. Poids monté : 200 kilos. Départ et atterrissage selon la méthode créée par Esnault-Pelterie.
Sous la coupole d'Antin, deux grands appareils attirent l'attention : l'un est le superbe monoplan étudié par Victor Tatin, pour M. A. Clément. La construction d'un fini minutieux et l'hélice sont l'œuvre des ateliers Chauvière ; l'autre est l'aéroplane Bréguet résultant de la modification du gyroplane Bréguet-Richet, bien connu de nos lecteurs. Ces deux appareils feront ici même le sujet d'articles spéciaux. À signaler encore un monoplan de M. Raoul Vendôme, moteur Anzani ; l'aéroplane Astra qui se rapproche du type Langley.
Notons encore parmi les exposants déjà connus, Paul Cornu avec ses modèles d'hélicoptère et d'hélicoptère à partie aéroplanante.
Quant aux moteurs d'aéronautique (dirigeables ou machines volantes) ils étaient nombreux ! depuis les types classiques comme Antoinette, REP, Renault, Farcot,jusqu'à des modèles tout récents, tels que le Gnôme, l'E.J.N.V.A., en passant par les marques qui étudiaient déjà la question comme Duteil-Chalmers, Buchet, Pipe, Fiat, etc. Leur étude nécessitera un article spécial qui ne peut trouver place ici ; d'ailleurs, ceux qui ont déjà le plus contribué à la conquête de l'atmosphère ont été déjà décrits dans l'Aérophile.
Je voudrais consacrer aux exposants de petits modèles autant de place qu'ils en tenaient au Grand Palais.
Que d'efforts sincères, sinon scientifiques, mais Hélas ! à part des modèles déjà classés, tels que ceux, par exemple du capitaine Ferber, l'intéressante exposition de pièces détachées extra-rigides et extra-légères de la Société de Construction d'appareils aériens, il y a, en toute sincérité, peu de nouveautés intéressantes et même peu de nouveautés vraiment, nouvelles. Puisse l'avenir, infirmer cette appréciation !A. CLÉRY
1908 vient de finir, 1909 commence et comme toute nouvelle année qui se respecte, son œuvre première fut de transformer en deux catégories les habitants de nos pays civilisés : ceux qui reçoivent des étrennes et ceux qui eu donnent. Fidèlement respectueux de toutes les vieilles traditions, vous le savez, lecteurs mes bons amis, j'ai pensé immédiatement à vous classer dans la première en me plaçant dans la seconde.
Aussitôt je me suis précipité chez un confiseur en vogue et là j'ai fait charger sur un camion de nombreuses caisses d'excellents bonbons « aéroplanes » à destination de la Revue Aérienne.
À leur arrivée, tous les employés ont reçu l'ordre de transformer ces caisses en petits paquets à raison d'un par lecteur. Mais dès que cette besogne fut faite et les petits paquets prêts à partir, je me suis aperçu brusquement et avec stupeur que parmi les 30.000 personnes charmantes qui lisent la Revue Aérienne, 29.000 avaient oublié de me donner leur adresse. Puis lorsque j'ai voulu expédier aux 1.000 autres mes petits colis, la poste a prétendu m'imposer des tarifs de transport si fantaisistes, si ruineux, qu'en bon directeur, manager soucieux de la bonne tenue de notre caisse, j'ai dû, les larmes aux yeux, renoncer à mes bonnes intentions et remporter mes bonbons au Salon de l'Aéronautique, où tous nos lecteurs et lectrices. gourmands, et. ils le sont tous, sont venus les déguster. Vous m'excuserez donc, chers amis, de n'avoir rien reçu.
Au reste, l'intention ne fait-elle pas tout, dit un dicton populaire.
En guise de consolation, vous voudrez bien certainement accepter tous mes meilleurs vœux et souhaits pour l'année qui commence, souhaits de bonne santé, souhaits de bonnes affaires, souhaits de bonheur et, en outre, souhaits de longs voyages en aéroplane au cours de 1909. C'est là, j'en suis certain, un dernier souhait que vous accepterez tous bien volontiers avec l'espérance secrète de sa réalisation. Je souhaite encore que tous, vous voyez bientôt voler votre modèle personnel, le fruit de vos veilles et de vos insomnies, qui, s'il contient quelquefois une idée irréalisable, en contient souvent aussi d'excellentes et véritablement ingénieuses. Mais surtout je vous souhaite la foi, la conviction ardente et inébranlable sans laquelle on ne peut rien, sans laquelle des obstacles insignifiants vous arrêtent, que ce soient des choses ou que ce soient des gens qui, tardigrades, se mettront en travers de votre route; oh! ceux-là, on les pousse de l'épaule ou du pied jusqu'à ce qu'ils aient roulé au tas des inutiles, des désœuvrés, des intelligences obtuses et qui sont souvent aussi des dénigreurs systématiques.
L'année 1908 vient de se terminer par une splendide apothéose, l'apothéose de l'Aviation. Car le mot n'est certes pas trop fort pour désigner ce que fut le Salon de l'Aéronautique qui vient de fermer ses portes.
Ce fut, pourrait-on dire, en parodiant une phrase célèbre, une ruée vers la lumière, une lumière nouvelle, éblouissante, éclipsant toutes les autres, mais cette lumière était cette fois l'Idée aérienne. C'était la réalisation tangible, matérielle d'aspirations imprécises sommeillant depuis des siècles dans les âmes d'enfants comme dans les âmes de vieillards.
Chacun entrevit au même instant les ailes dont il avait rêvé jadis pour s'affranchir du sol et de ses contingences pesantes, asservatrices de la pensée. Chacun retrouva là ce qu'il cherchait autrefois, la réalisation de son rêve d'enfant, qui faisait en secret des plans de ballons dirigeables, tout en trouvant bien encombrante cette bulle de gaz dont les oiseaux n'ont guère besoin.
Sur les six jours que dura ce Salon, deux furent très peu mouvementés : les deux derniers ; la neige avait envahi partout ; tous les moyens de locomotion étaient arrêtés ou entravés, et néanmoins les entrées atteignirent encore un chiffre coquet. Mais les quatre premiers jours ce fut une infernale cohue qui prit d'assaut les stands, démolit les garde-fous, mit sur les dents les exposants et les employés préposés au service d'ordre. Un quart d'heure après l'ouverture officielle des portes, le matin, il était impossible de circuler.
Une quinzaine d'aéroplanes en grandeur naturelle étaient exposés : c'étaient en suivant l'ordre, l'Antoinette, les 3 Blériot, le Bréguet-Richet, le Delagrangee, le Farman, l'Astra (Kapferer), le de Pischof-Kœchlin, le Lejeune, le Rep (Esnaut Pelterie) , le Santos-Dumont 19 bis, le Raoul Vendôme, le Wright, le Tatin.
Ces quinze modèles étaient tous d'ailleurs fort intéressants et nous allons en entreprendre une étude détaillée très complète.
Nous avons vivement regretté que certains d'entre eux n'aient pas trouvé place dans la nef centrale, tels que le beau racer aérien que Chauvière a construit les dessins de notre maître V. Tatin pour Bayard Clément et que doit actionner un très intéressant moteur de Clerget, le superbe appareil léger de de Pischof, véritable voiturette des airs, l'aérobus Blériot, merveille de mécanique comme d'ailleurs son petit monoplan n° 11, le Raoul Vendôme, l'Astra.
On voyait encore à ce Salon une jolie série de moteurs légers, le Gnôme,le REP, l'Antoinette, le Farcot, le Gobron-Brillé, le Renault, l'E. N. V., etc. qu'un de nos collaborateurs va étudier, et d'innombrables accessoires.
Au-dessus de tout cela et de la foule grouillante, le Ville-de-Bordeaux trônait majestueux, cependant que l'Avion d'Ader, les ailes étendues planait enfin en vainqueur sur un haut piédestal, s'offrant aux regards béants d'admiration.
Le Triomphe de l'Aviation
1er prix de la Coupe Michelin, par M. Paul Roussel.
Enfin, si l'apothéose de l'Aviation a eu lieu au Grand-Palais l'acte final de cette glorification de la Locomotion aérienne eut lieu à Auvours le 31 décembre. Ce jour-là, en effet, Wilbur Wright battit à nouveau tous ses records anciens, comme ceux de nos aviateurs français en restant dans l'atmosphère deux heures vingt minutes pendant lesquels il parcourut officiellement 124 kilomètres et pratiquement 150.
Il s'adjugeait ainsi la coupe Michelin, objet d'art en dépôt dont nous donnons la photographie et 20.000 francs. On reste confondu lorsqu'on jette un regard en arrière du chemin parcouru pendant douze mois. Comme il est loin le Grand Prix Deutsch-Archdeacon de 50.000 francs que notre sympathique champion Henry Farman gagna brillamment le 13 janvier au milieu des applaudissements frénétiques, des ovations enthousiastes des spectateurs au nombre desquels j'étais. Nous fûmes émerveillés alors ; nous sommes effarés maintenant de ces progrès si rapides, inespérés, et personne ne trouvera plus, j'en suis sûr, trop osé le souhait d'un voyage, en aérobus, que nous adressions il y a trois mois à nos premiers lecteurs.
À ce sujet, je suis très heureux de remercier les nombreuses personnes qui, chaque jour, me demandent la suite de mes articles sur l'aéroplane Wright. Je leur donnerai incessamment satisfaction.EMILE MOUSSET.
Nous ferons paraître dans notre prochain numéro un article très documenté de M. Lucien Perissé, dont la compétence technique est bien connue, sur les moteurs d'Aviation au Salon de l'Aéronautique.
Il serait évidemment trop tard pour parler du Salon de l'Aéronautique qui a clos ses portes le 30 décembre dernier, s'il n'avait eu le retentissement immense que l'on sait : tout le monde — profanes aussi bien que professionnels — déplora sa durée trop brève; car ne suffisait pas d'avoir vu les machines volantes, on voulait les revoir.
L'exposition était d'ailleurs très complète ; le dirigeable « Ville-de-Bordeaux », d'aspect majestueux et sûr, a, n'en douions pas, converti à l'aéronautique bon nombre de réfractaires, tant son élégante et confortable passerelle inspirait confiance.
Saluons les deux sphériques, vieille garde qui ne se rendra pas de sitôt, et inclinons-nous devant le fantastique avion qui semble s'être mué en monument commémoratif à la gloire de son créateur.
Beaucoup de inonde autour du Wright, on voulait toucher, examiner ; le mystérieux gauchissement était prétexte à discussions interminables. L'appareil est simple dans toutes ses parties, et puis il a de telles performances à son actif qu'il mérite un juste tribut de curiosité et d'admiration.
La " Demoiselle " de Santos-Dumont.
Les monoplans étaient les préférés des dames. Ce sont de jolis oiseaux, de gracieux insectes à la tête un peu sévère, peut-être, dans sa figure polycylindrique, mais leur vol est si élégant.
L'Antoinette était bien joli dans son équipement tout battant neuf, et nous souhaitons vivement à son heureux possesseur de connaître les joies du triomphe à Monte-Carlo.
Le Blériot n° 9, avec ses ailerons si remarqués pendant le vol, attirait les regards de tous ceux qui ont suivi les nombreuses expériences de son inventeur.
M. Esnault-Pelterie, dont les moteurs extra-légers sont appliqués sur beaucoup d'appareils, a tenu à faire figurer au Salon son monoplan, encore recouvert d'une poussière glorieuse.
Autour du biplan Voisin, dont Delagrange fut l'intrépide pilote, se pressait une foule d'autant plus intéressée qu'on n'était pas avare de renseignements dans le stand.
Bien que l'autre appareil Voisin, celui de Farman, eût été monté au premier étage, il ne manquait pas de visiteurs, mais nous n'avons jamais pu savoir qui avait posé pour le pilote en simili dont s'agrémentait le célèbre biplan.
Un regard en l'air, et l'on apercevait la minuscule « Demoiselle » de Santos-Dumont, qui dit toute la hardiesse de son propriétaire.
Sous la coupole d'Antin, le stand Clément-Bayard nous sollicitait d'abord par un aéroplane Tatin-Clément, qui paraît admirablement étudié comme principe et comme forme, et aussi par une cabine de mécanicien de dirigeable fort séduisante.
À côté, un immense double biplan Bréguet-Richet, qui étonnait par ses dimensions.
Le Moteur Gobron-Brillé 70 HP.
Le Moteur Farcot 70 IIP, 100 kilog.
Dans la galerie latérale, on remarquait le monoplan « Raoul-Vendôme » qui présente certaines particularités dénotant de patientes recherches, puis le grand stand où M. Blériot expliquait fort aimablement les caractéristiques de son minuscule monoplan et de son biplan à quatre places, comportant un dispositif cellulaire avec deux plans auxiliaires à l'arrière, à mouvements conjugués, remplaçant le gauchissement.
Plus loin, on s'arrêtait devant le monoplan Kapferer, de nombreux hélicoptères, planeurs, cycloplanes, hélicoplanes, le monoplan de Pischof et Kœchlin, très remarqué pour sa solidité.
Un très grand nombre d'inventeurs avaient exposé d'intéressants projets ou maquettes dont l'étude détaillée serait fort intéressante et cela est bien la meilleure preuve du prodigieux mouvement des volontés et des énergies, suscité par l'aviation.
Le côté rétrospectif ne put, faute de temps, recevoir l'hommage qui lui était dû,
Nous avons vu cependant, après l'avion, une très impressionnante exposition que gardait un sapeur du génie. C'était la collection de tous les appareils d'essai construits par le colonel Renard pour ses expériences sur la résistance de l'air. Il y avait là un véritable pèlerinage à faire à travers les recherches scientifiques d'un des plus illustres promoteurs de l'aviation en France.
Nous ne saurions terminer sans signaler tout spécialement la discrète, mais charmante, exposition de la Société française de Navigation aérienne, dont les gravures documentaires et les vieux papiers aéronautiques attiraient l'attention des connaisseurs, tandis que l'imposante liste des présidents de la plus ancienne société aéronautique française — qu'on trouvera au dos de la couverture — semblait donner aux passants une évocation chronologique des destinées de la science des airs.SPECTATOR.